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Narco chic

Narcos Photo: Juan Pablo Gutierrez/Netflix

Depuis quelques années, films et téléséries mettent en vedette des narcotrafiquants latino-américains qui ont fait la pluie et le beau temps. C’est une version romancée de leur vie, avec tous les ingrédients de violence et de suspense pour accrocher l’auditoire. Les clichés sur les organisations criminelles y jouent aussi un rôle fondamental: il faut que le public soit rapidement en terrain connu. Habiles, les scénaristes présentent des narcotrafiquants ayant des capacités de gestion dignes des diplômés d’une grande école. Au passage, ils limitent le contexte politique latino-américain à deux éléments, l’autoritarisme et la corruption, qui correspondent aussi aux idées reçues des téléspectateurs premier-mondistes. À quoi bon aborder le sous-développement chronique, les interventions étrangères ratées ou encore l’éthique prédatrice des élites locales?

D’où viennent-ils, ces cartels qui font aujourd’hui le bonheur de la production télévisuelle? Dans les années 1980, le gouvernement Reagan a fait de sa stratégie antidrogue un outil majeur de sa politique étrangère. La production et le trafic des drogues n’en ont pas été vraiment affectés, mais l’imaginaire populaire s’est retrouvé enrichi de nouveaux concepts, dont celui de cartel.

Appliquée au marché de la drogue, la notion de cartel suppose que des organisations hiérarchiques et centralisées gèrent la production et la mise en marché des substances illicites. La puissance de ce nouvel ennemi est telle que toutes les mesures pour le combattre sont justifiées. Pour les décideurs, c’est une aubaine. Pour les journalistes et les experts, itou.

Ils trouvent des cartels partout, qui se livrent une guerre sans merci. Toutefois, une économie cartellisée n’est pas marquée par la violence et les conflits. La cartellisation d’un marché permet – par le biais de différents accords, notamment sur le plan des prix – d’éviter les disputes et la concurrence. Cette contradiction ne dérange personne.

Plus récemment, force a été de constater que la disparition des grands caïds de la drogue n’a pas stoppé le flux de drogues du Sud vers le Nord. Les cartels et leurs chefs ne jouaient pas, de toute évidence, le rôle de premier plan qu’on leur prêtait.

Pablo Escobar Gaviria, à qui on a maintes fois attribué le contrôle de la cocaïne dans le monde, n’était rien d’autre qu’un excellent courtier. Violent et irascible, il était capable de mettre sur pied de nombreuses filières d’exportation de stupéfiants et de faire respecter les compromis entre les différents participants. Il aura recours à des intimidations, à des extorsions et à des assassinats en Colombie, déjà marquée par une longue histoire de violence politique et sociale.

Les trafiquants à la télé, c’est bien. Une discussion franche et informée sur les effets contre-productifs de la prohibition ne fera certainement pas sauter l’audimat.

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