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Cours, pognon, cours

A concept depicting an open brown leather duffel bag revealing bundles of illicit rolled US dollar notes - 3D render Photo: Getty Images/iStockphoto

On ne connaît pas vraiment l’origine de l’expression «blanchiment d’argent».

Al Capone, pour cacher au fisc les produits de la criminalité, aurait acheté des buanderies. Les transactions y étaient petites et nombreuses. Aucun reçu, aucune comptabilité. Les profits illicites pouvaient être déclarés comme un revenu d’affaires.

Une autre version veut qu’Al Capone ait passé à la laveuse les billets neufs. Il évitait ainsi d’éveiller les soupçons d’un gérant de banque trop curieux.

Les origines de l’expression sont obscures, mais la mécanique du blanchiment est transparente: il faut cacher le pognon, le dissimuler, puis le réintégrer discrètement dans l’économie légitime. Pour en profiter, certes, mais surtout pour éviter les poursuites.

Ce n’est que 50 ans plus tard que le blanchiment d’argent devient une préoccupation internationale. D’abord, nous dit-on, pour couper les vivres aux trafiquants, puis au crime organisé et, enfin, au terrorisme.

L’absence de résultats tangibles provoque, au fil du temps, un curieux glissement: ce n’est plus l’argent du crime ou de la terreur qui fait les manchettes, mais celui des célébrités, des élites politiques et des corporations.

De délation en scandale, il devient de plus en plus évident que le blanchiment coûte cher, qu’il faut compter avec les services d’une armada de conseillers. Leurs entourloupettes garantissent, aux clients fortunés, de contourner la loi. L’impunité fiscale, ça s’achète.

Les beaux jours de deux ou trois valises pleines de cash, convoyées dans un petit avion vers une banque peu regardante, sont derrière nous. Aujourd’hui, les sommes blanchies sont astronomiques et traversent les frontières à la vitesse de l’éclair. Elles sont en monnaie scripturale, dématérialisée, qui passe d’un compte à un autre par un simple virement électronique.

Les géants du web ne paient pas d’impôt ou presque. On s’indigne. Des vedettes et des politiciens ont des comptes dans des paradis fiscaux. On s’indigne. Trop tard, peut-être.

Tous les pays se livrent une lutte sans merci pour attirer des capitaux. Ils doivent proposer aux investisseurs un mélange parfait de sécurité et de discrétion. Ce n’est pas évident. Il faut filtrer les capitaux trop sulfureux, préserver une bonne réputation et offrir les meilleurs services financiers. Ces arbitrages demeurent complexes et imprévisibles.

Les gouvernements croient cependant avoir trouvé une solution. Ils punissent les petits blanchisseurs et offrent aux grandes fortunes l’opacité tant recherchée. Est-ce viable? Fort probablement pas. Le régime fiscal se grippe, les inégalités progressent. 

Si jamais un expert vous dit qu’il faut revenir au troc – au troc! – pour en finir avec pareilles turpitudes, soyez méfiants. Que troquera-t-il pour payer l’avion qui l’emmène donner sa prochaine conférence à l’autre bout du monde? Posez-lui la question, sans rire.

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