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Agriculture: le Québec pourrait-il concurrencer la Californie sur nos tablettes?

Deux femmes dans un potager d'agriculture urbaine
Photo: Gracieuseté

Les changements climatiques font de plus en plus de ravages en Californie et au Mexique, faisant grimper le prix des fruits et légumes dans les épiceries québécoises. Un problème auquel le Québec pourrait partiellement répondre avec sa propre agriculture, constatent différents experts.

La Californie et le Mexique fournissent l’essentiel de l’offre maraîchère de la province, observent plusieurs personnes interrogées par Métro. «Pour certains légumes verts, on est vraiment dépendants de la Californie», convient le président directeur-général des fermes urbaines montréalaises Ôplant, Guillaume Salvas.

L’instabilité météorologique dans cette partie du monde a toutefois ses effets. «Il s’agit d’avoir un événement extrême de météo et ça peut avoir un impact assez rapide sur la disponibilité de certains légumes, et donc le prix», soutient David Wees, un professeur en sciences de l’agriculture à l’Université McGill.

En Californie, par exemple, ce type d’épisode est de plus en plus fréquent, explique M. Wees. L’automne dernier, de violents feux ont secoué l’État américain. Des épisodes de sécheresse surviennent aussi depuis quelques années dans le secteur.

«Des experts avancent qu’en 2050, on va avoir le climat de Washington à Montréal, constate pour sa part Jean-Philippe Vermette, le directeur en intervention et politiques publiques au Carrefour de recherche, d’expertise et de transfert en agriculture urbaine (CRETAU). On pourrait s’attendre à de la floraison printanière plus précoce [ici].»

«Mais des épisodes extrêmes, on n’est pas à l’abri de ça», ajoute le chercheur.

Fonction salvatrice

Cet été, l’impact de la météo s’est fait ressentir aux caisses. Entre juin 2018 et juin 2019, le prix des légumes frais a augmenté de 17% dans la province, selon le dernier rapport mensuel d’indice des prix à la consommation de Statistique Canada.

D’après M. Vermette, c’est l’occasion parfaite pour les agriculteurs locaux de surpasser la Californie comme «grenier des fruits et légumes».

«C’est sûr que, sans tomber dans des mesures protectionnistes, plus on est souverain dans notre production agricole, plus on a de chance de pouvoir contrebalancer la Californie», lance-t-il.

La capacité des agriculteurs du Québec à concurrencer est d’ailleurs en hausse, convient David Wees. «Depuis quelques années, on voit, du moins dans certains domaines, qu’ils ont pu trouver leur place dans certains marchés. Un bon exemple, c’est le cas de la fraise», avance le professeur.

Ferme en ville

En agriculture urbaine, particulièrement, il y a un «potentiel» confirment les deux experts. Le problème principal réside toutefois dans un «manque d’espace», admet M. Wees.

«Lorsqu’on est en ville, les espaces pour l’agriculture sont restreints, analyse-t-il. Tout le monde utilise l’espace pour construire des maisons, des routes, des stationnements, etc. Il reste à peu près 2000 hectares pour l’agriculture sur l’Île de Montréal, et c’est uniquement dans l’Ouest.»

«Si on convertissait ça pour faire de la culture de légumes, on pourrait, dans le meilleur des mondes, produire 20-25% des besoins de l’Île. C’est quand même assez important» – David Wees, professeur à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement de l’Université McGill

S’ajouterais à cela la capacité d’auto-production en potager des consommateurs, rappelle Jean-Philippe Vermette.

Dans les rares espaces disponibles pour cultiver à Montréal, certaines contraintes financières apparaissent, note Guillaume Salvas, qui a fondé Ôplant, une entreprise spécialisée dans les micro-pousses en fermes intérieures verticales.

«Ce n’est pas pour rien que je suis dans Pointes-aux-Trembles. C’est un secteur où les espaces locatifs industriels sont plus abordables. Rosemont a ouvert son territoire à l’agriculture urbaine, mais c’est bien trop cher», dit-il.

«C’est en haut de 10$/pied carré. C’est dur de rentabiliser ça» – Guillaume Salvas, fondateur et PDG d’Ôplant

Pour contrevenir aux durs hivers et assurer une compétition annuelle de la part des producteurs de la Belle province, M. Salvas considère que la solution est celle qu’il prône à travers Ôplant: l’agriculture en ferme verticale intérieure.

«L’avantage c’est que, vu qu’on travaille en verticalité, on multiplie la surface dans un petit espace. Puis, on peut faire ça à l’année longue», lance l’entrepreneur, dont les fermes sont contrôlées par des systèmes automatisés.

«On est à l’abri des événements extrêmes comme la sécheresse et les pluies torentielles», explique-t-il.

Se démarquer sur les tablettes

Si l’agriculture urbaine croît, son influence est encore faible. Un total de 22 fermes urbaines poussent actuellement sur l’Île de Montréal, selon le portail Cultive ta ville. Parmi celles-ci, très peu utilisent des systèmes par serres ou en verticalité.

«Lorsqu’on fait de la culture en serre, pour des raisons économiques, il y a certains légumes qui sont beaucoup plus rentables que d’autres. Actuellement, ça se résume à quatre espèces», avoue David Wees.

Sans être une «solution miracle», selon Guillaume Salvas, l’agriculture urbaine a le potentiel de «venir atténuer l’impact des événements climatiques» sur le marché, surtout en hiver.

«On n’en est qu’à la naissance de l’agriculture urbaine commerciale, soutient Jean-Philippe Vermette. Si on prouve sa viabilité économique, on met en place des programmes de soutien et on autorise par réglementation, ça va être en croissance.»

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