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La police derrière une vague de crimes racistes en Grèce

Photo: Uriel Sinai/Getty

Chaque page du cahier de Javed Aslam est remplie de noms. Il y en a plus de 500. Chaque nom représente un immigrant qui a été victime d’un crime racial dans les derniers 6 mois. En Grèce, les autorités ne tiennent pas de statistiques sur les crimes à caractère haineux, qui augmentent en cette période de dépression économique. Il appartient à M. Aslam, qui est à la tête de l’Union des travailleurs immigrants, de tenir les comptes.

«Chaque jour, je reçois des menaces, confie M. Aslam, qui est de nationalité grecque et pakistanaise et qui vit dans son pays d’adoption depuis 14 ans. Même la police m’a dit d’arrêter, sinon je disparaîtrais.» Métro l’a rencontré dans ses nouveaux bureaux : l’appartement propre et ordonné du militant anti-fasciste Petros Konstantinou – un endroit sécuritaire pour un travail dangereux.

La police n’a pas voulu entendre les plaintes de Javed Aslam et il a appris à rester silencieux, tout comme la majorité des immigrants. Un sondage réalisé pendant l’élection générale de 2012 montre que 50 % de la police a voté pour l’Aube dorée (un parti néo-nazi d’extrême droite qui promet de «nettoyer les racailles» des rues grecques), dont les partisans ont mené des attaques chaque nuit contre les immigrants. Les immigrants ont reçu une amende, ont été déportés après s’être plaints ou ont simplement été ignorés.

«Le 30 septembre dernier, deux jeunes hommes ont été poignardés et je suis allé à la station de police, raconte M. Aslam. En 10 heures, ils n’ont pas fait de rapport. La police est ouvertement fasciste et elle me dit que les étrangers devraient quitter le pays. Je leur réponds que c’est leur pays, mais que ce n’est pas une jungle et que nous ne sommes pas des animaux.»

M. Konstantinou, qui fournit un appui physique à l’Union, se veut encourageant : «Le plus important est de rendre tout ça public. Si le commerce d’un immigrant est attaqué, nous pouvons intervenir. Mais c’est difficile puisque les criminels se sauvent rapidement.»

Amnistie internationale estime que le problème grandit à mesure qu’il est ignoré. «L’organisation (des attaques de l’aile droite) s’améliore, explique Lia Gogou, une chercheuse grecque. Des groupes de motards attaquent des mosquées et des commerces avec des bombes au pétrole et au gaz. Ils attaquent rapidement et disparaissent.» Mme Gogou est consternée par la réponse de la police : «elle n’arrive pas à temps, elle fait carrément partie de l’attaque ou elle arrête les victimes.»

Le premier ministre, Antonis Samaras, a récemment comparé les conditions en Grèce à l’époque de la République de Weimar en Allemagne, avant que l’économie ne s’effondre pour céder à une guerre de race. Plusieurs politiciens veulent éviter ce danger. «Nous croyons qu’il est prioritaire de définir les crimes haineux et de créer une loi, annonce Yiannis Bournos, le porte-parole du parti de l’opposition. Nous devons rendre la police responsable des rues d’Athènes, qui sont maintenant de vrais champs de bataille.»

Le porte-parole de la police grecque n’a pas voulu faire de commentaires.

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Questions et réponses
«La police coopère aux crimes», dit le Dr. Georgoulas Stratos, professeur de criminologie à l’Université d’Aegean.

Comment les crimes haineux ont-ils évolué avec la crise économique?
Ces types de crime ont toujours été un outil pour les partisdl’extrême droite, mais maintenant, les crimes sont faits à la vue de tous. Les criminels ne sont pas seulement des membres d’organisations criminelles, mais maintenant il y a aussi des membres de partis politiques et ils sont fiers de leurs actions.

Puisqu’ils sont si publics, la police en est-elle venue à tolérer ces types de crimes?
Ce n’est pas seulement de la tolérance, mais bien de la coopération. Il est largement institutionnalisé dans la force policière que l’immigration clandestine est la cause des problèmes économiques, et que les immigrants doivent être effrayés jusqu’à quitter le pays.

Est-il possible d’avoir des données précises sur les crimes haineux?
Malheureusement non. Ces crimes ne sont pas souvent rapportés, encore moins punis. Alors ce n’est pas documenté.

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