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Iran: l’ombre de Soleimani plane sur les élections législatives

Des Iraniens déposent leur bulletin de vote lors des élections législatives en Iran.
Des Iraniens déposent leur bulletin de vote lors des élections législatives en Iran. Photo: Atta Kenare/AFP
Rédaction - Agence France-Presse

C’est le jour des élections législatives en Iran, quelques semaines après l’assassinat du général Qassem Soleimani par les forces américaines. Mohammadi s’apprête à glisser son bulletin dans l’urne, une pancarte dans une main pour conspuer Donald Trump. Il tient son petit-fils sur ses épaules, pour «l’éduquer sur la voie de la Révolution islamique et gifler les Etats-Unis», dit-il.

Agé de 19 mois, l’enfant, chevelure blonde, ne semble pas prêter attention à l’agitation régnant dans ce bureau de vote situé dans le quartier historique de la mosquée Hosseiniyeh Erchad, dans le nord huppé de la capitale iranienne. Ni à la pancarte agitée par son grand-père.

Côté pile, l’employé d’usine de 47 ans a écrit «Ô Trump, parieur compulsif, nous sommes ici pour voter». Il fait référence au retrait de l’administration Trump, en 2018, de l’accord nucléaire iranien et au rétablissement de sanctions draconiennes contre l’économie du pays.

Côté face, Mohammadi s’est adressé au guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei. «Cher leader, nous sommes prêts à sacrifier notre vie pour toi».

À ses côtés, Aliréza Hachémi, 25 ans, est moins expansif mais tout aussi déterminé. Avec son vote, il espère surtout tourner la page de la présidence Hassan Rohani, réélu à un second mandat en 2017 sur la promesse de récolter les fruits de sa politique d’ouverture envers l’Occident.

«Après l’élection de Rohani, tout s’est effondré. Il a signé un très mauvais accord [sur le nucléaire] et s’est tourné vers l’Ouest sans garanties solides», dénonce-t-il. L’homme reproche au président, qui fait figure de modéré, d’être «très faible».

En souvenir de Soleimani

Les 290 députés de la onzième législature à sortir des urnes depuis la Révolution islamique de 1979 débuteront leur mandat dans un contexte de tensions exacerbées entre Téhéran et Washington, dans un pays frappé par une violente récession.

À Khorasan, quartier ouvrier du sud de la capitale, le vote a lieu sous la figure tutélaire du puissant général, tué à Bagdad le 3 janvier. L’attaque avait fait craindre un conflit ouvert entre les deux ennemis jurés.

À l’entrée de la mosquée Lorzadeh, transformée en bureau de vote, un portrait géant du général défunt est éclaboussé de peinture rouge. «Le sang du martyr Soleimani va effacer Israël de la surface de la Terre», est-il écrit.

En cette journée d’élections en Iran, de nombreux électeurs se rendent aux urnes en brandissant des pancartes à l’effigie de Soleimani.

«Je suis ici pour dire à l’ennemi que le martyr Qassem Soleimani est vivant et le sera toujours», commente Mehdi Zojagi, un ancien homme d’affaires octogénaire.

Sur le guidon de son vélo, il a accroché un drapeau montrant Soleimani au paradis, entouré de hauts responsables défunts dont l’ayatollah Khomeini, fondateur de la République islamique. Sur l’autre face du drapeau, son propre portrait est surmonté de la légende «Moi aussi je suis un soldat du général martyr Qassem Soleimani».

D’autres disent s’être déplacés pour des questions plus terre-à-terre, comme le chômage.

«À cause du manque d’emplois, beaucoup de jeunes se tournent vers la drogue», se désole Hosseini Okhasch, 18 ans.

À l’inverse, il y a ceux qui sont venus après avoir entendu l’ayatollah Khamenei appeler à voter par «devoir religieux» à trois jours du scrutin.

Crainte d’abstentions

Malgré la grogne causée par l’assassinat de Soleimani, l’un des principaux enjeux des élections en Iran est l’abstention, que les observateurs prédisent élevée. Également, la disqualification de milliers de candidats réformateurs et modérés participe au problème.

Le député réformateur sortant Elyas Hazrati dit avoir voté tout en sachant qu’il ne pourrait pas être reconduit à son poste.

«J’ai été disqualifié par le Conseil des Gardien pour […] engagement insuffisant en faveur de la République islamique», explique-t-il.

Un total de 7296 candidats ont été disqualifiés, la plupart modérés et réformateurs, par cet organe chargé de valider les candidatures. Le Conseil des Gardiens est dominé par les ultraconservateurs.

Planté sur le seuil de la mosquée, Ahmad, 30 ans, semble perplexe.

«Ma femme m’a dit, « si tu votes, je te tue »», raconte-t-il, ajoutant qu’elle «déteste le gouvernement».

«Ils tuent des innocents. Nous avons tout perdu et il n’y a plus rien à perdre», poursuit-il, en référence aux manifestations déclenchées en novembre après l’annonce d’une forte hausse du prix de l’essence. La répression de ces manifestations a fait plus de 300 morts selon l’ONG Amnesty International.

Finalement, il ne votera pas. «Les gens ont perdu la confiance et la foi», conclut-il.

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