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Thando Hopa, mannequin sud-africaine albinos

TO GO WITH AFP STORY BY CLAUDINE RENAUD South African lawyer and part-time fashion model Thando Hopa (L), an albino, tries on an evening dress by South African fashion designer Gert-Johan Coetzee (R) during a mock-up fitting session at his workshop on June 13, 2015 in Johannesburg. Thando Hopa grew up in the shade, her porcelain skin hidden under long sleeves and sunscreen until the day this South African said goodbye to her complexes and decided to fight prejudice against albinos by becoming a model. Petite and born with a genetic anomaly that left her skin de-pigmented from head to toe, Hopa entered the fashion world without the usual vital statistics required of a catwalk model. But ghostly, no make-up barring a vivid fuchsia on her lips, her hair sculpted to a magnificent bleached height, she exploded onto the cover of the first Forbes Life Africa back in 2013. AFP PHOTO / GIANLUIGI GUERCIA Photo: AFP

Thando Hopa a grandi à l’ombre, ses bras menus toujours à l’abri de manches longues et de crèmes solaires jusqu’au jour où cette Sud-Africaine a dit adieu à ses complexes et accepté de devenir mannequin pour lutter contre les préjugés pesant sur les albinos.

Entrée dans le monde de la mode sans le gabarit réglementaire, c’est en dilettante qu’elle défile ou pose pour un couturier local, jouant de ce corps à peau de lune, dépigmenté des pieds à la tête, qu’une anomalie génétique lui a donné à la naissance.

Spectrale, le sourcil invisible, la lèvre à peine rosée d’une pointe de fuchsia et le cheveu crépu moussant d’un blond javellisé, elle explose en couverture du numéro zéro de Forbes Life Africa en 2013.

« C’est l’une des plus belles photos de moi », commente la jeune femme de 25 ans. « Mais plus jeune, longtemps, je n’ai jamais pu sortir sans me maquiller. Avec le temps, j’ai pris confiance. Savoir se définir est le premier pas pour devenir ce qu’on veut être. »

Diplômée de droit, elle travaille comme procureur à la cour de Johannesburg, tout près de là où Nelson Mandela avait sa plaque d’avocat dans les années 1950.

« J’ai été approchée plusieurs fois pour être mannequin mais j’ai refusé, je ne voyais pas l’intérêt. Un métier aussi superficiel, je me disais, ah, après tout je suis juriste! », s’amuse-t-elle.

Quand le designer Gert-Johan Coetzee croise sa route en 2012 au hasard des allées d’un centre commercial, elle réfléchit à nouveau: « C’est là que ma sœur m’a dit de ne pas voir le mannequinat comme du mannequinat, mais comme un moyen de changer les regards sur l’albinisme. ‘Souviens-toi comme les gens te traitaient!' ».

Troisième d’une famille de quatre enfants – son cadet est aussi albinos –, Thando n’a jamais eu vraiment à se plaindre. Protégée par une mère cultivée et cinéaste, elle est chouchoutée par un père ingénieur qui n’a jamais cessé de lui répéter qu’elle était « la plus adorable des petites filles ».

Mais même en Afrique du Sud, où les cas de meurtres d’albinos et de trafics d’organes rapportés par les médias sont rarissimes, il reste beaucoup à faire, dit-elle.

Superstitions
« J’ai eu des gens qui me demandaient si c’était vrai que les gens comme moi disparaissaient, pfuitt, quand ils meurent car ce mythe existe et la réalité est qu’il y a encore des superstitions. Dans certains coins, les gens se précipitaient en disant «Oh mon Dieu, tu portes chance!» et ils me serraient dans leurs bras. D’autres crachaient par terre pour chasser le mauvais sort », se souvient-elle.

Et « si ma mère avait écouté les profs, je n’aurais jamais rien fait de ma vie. Ils pensaient que j’étais lente, presque stupide, retardée mentale. Ils ne réalisaient pas que je ne pouvais pas lire au tableau » à cause d’une forte myopie, commune chez les albinos.

« Souvent, les gens atteints d’albinisme dodelinent de la tête pour accommoder la vision, et les autres trouvent ça bizarre », remarque Thando.

Elle-même s’aide d’une loupe monoculaire, ne conduit pas et fuit les talons aiguilles.

En cela, son premier défilé tint un peu du miracle: « La robe était splendide, noire et verte, échancrée si je me rappelle bien, élégante, ruineuse. Mais j’étais terrorisée parce que c’était la première fois que je portais des talons. En marchant, j’ai même récité une petite prière. »

A-t-elle jamais souhaité changer de peau?

« On a eu cette discussion un jour avec mon père, je suis entrée dans sa chambre en larmes en disant que je voulais être comme les autres enfants, que tout le monde se moquait de moi, que j’en avais marre de mes chapeaux débiles et de la crème solaire… je pleurais. Mon père qui est un homme merveilleux mais pas doué pour les émotions, m’a dit: pour être honnête, ma fille, quand tu es née, ça m’a choqué moi aussi », raconte-t-elle.

« Je devais avoir douze ans, le moment où on commence à devenir une femme, à s’intéresser aux garçons et à se confronter avec l’idée que l’on se fait de soi-même, j’étais terriblement frustrée (…) Je me suis surtout demandée si les gens m’auraient traitée différemment (si je n’étais pas albinos), mais même ce jour-là, je n’ai jamais réussi à m’imaginer autrement que je ne suis. »

« La mode, ajoute Thando Hopa, me rappelle mon côté créatif. Mais ça a été une décision rationnelle. Les écoles ont besoin de comprendre ce qu’est l’albinisme, comme n’importe quelle autre forme de différence: les enfants sont tous différents. »

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