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Les seringues souillées témoins de la toxicomanie montréalaise

Photo: Chantal Levesque/Métro

Participer à un blitz de ramassage de seringues, c’est aussi découvrir que le crack est en hausse à Montréal, mais aussi qu’il y a un réel effort de ramassage chez bon nombre des utilisateurs de drogues par injection (UDI). Récit.

Fin avril, dans les locaux de l’organisme Spectre de rue, pas moins de 78 bénévoles ont répondu présents, malgré la pluie battante et une température poussive. Une rapide formation permet d’apprendre comment ramasser une seringue de façon sécuritaire. En effet, si aucun incident n’a jamais eu lieu durant un blitz de ramassage, la vigilance est de mise puisque 18% des 4000 usagers de drogues montréalais sont atteint du VIH et 68%, de l’hépatite C. Ces deux données justifient à elles-seules l’existence du programme de distribution de plus de 900 000 seringues propres par an à Montréal.

Le travailleur de milieu de Spectre de rue, Alexandre Stamboulieh, explique aussi ce qu’il faut ramasser: les ampoules d’eau pour diluer la drogue, les mini-casseroles qui permettent de la chauffer et les condoms qui servent de garrot. On est réparti en douze secteurs avec un chef d’équipe et une carte des rues à inspecter.

«Dans les faits, c’est une minorité de consommateurs qui se laissent traîner. C’est très mal vu dans le milieu. Mais parfois, juste après un fix [NDRL: une injection de drogue], la personne peut avoir une montée rapide, perdre complètement contact avec la réalité et laisser traîner son matériel. L’effet des opioïdes, c’est assez intense», explique M. Stamboulieh. En 2006, les opioïdes qui font des ravages à Vancouver n’étaient la drogue de prédilection que de 10% des UDI montréalais. Aujourd’hui, c’est 40%.

Sur une immense carte du quartier Centre-Sud, les employés de Spectre de rue ajoutent une punaise rouge pour chaque nouveau lieu où l’on trouve des seringues. «Ça permet de voir les points chauds et où installer des boîtes de récupération», explique Sophie Auger, travailleuse de milieu dans l’organisme. On retrouve très peu de punaises rouges dans des parcs. Par contre, l’arrière des boutiques des rues Saint-Denis et Sainte-Catherine sont particulièrement fournies.

Les punaises bleues indiquent les endroits où ont été trouvées des pipes à crack. Depuis quatre ans, leur nombre est en croissance et on en retrouve une vingtaine par blitz, même si les intervenants sont déjà passés aux mêmes endroits, au minimum dix jours plus tôt, lors de leurs rondes régulières.

Il ne faut pas marcher bien longtemps dans une ruelle pour trouver des ampoules d’eau et des mini-casseroles. Les bénévoles sont un peu déboussolés, mais Alexandre Stamboulieh se félicite. «Pas de seringue, ça veut dire que l’usager l’a probablement récupérée dans un des bacs stériles fournis gratuitement», lance-t-il.

Même constat dans un immense squat temporairement abandonné dans le Village. On n’y a trouvé que deux seringues usagées, malgré la cinquantaine d’emballages vides ramassés sur place. Marie-Pierre Gadoua, une des bénévoles de l’équipe, a déjà interrogé des utilisateurs de ce squat dans le cadre d’une étude sur l’itinérance. «Contrairement aux apparences, il y a des règles à respecter, raconte-t-elle. Dans ce squat, ce qui fonctionne, c’est qu’il y a une sorte de boss qui s’assure que les limites ne sont pas dépassées pour éviter que les voisins portent plainte».

De son côté, Geneviève Maltais-Tremblay, intervenante à l’association Les Chemins du Soleil, se demande si elle ne repassera pas au squat avec des adolescents qui fréquentent son association, histoire de les sensibiliser aux ravages des drogues.

Lors de ce blitz de ramassage, on comptait parmi les participants des intervenants communautaires, des usagers, des politiciens, des représentants d’institutions et même deux agents de sécurité. «En composant des équipes de ramassage variées, on veut aussi favoriser les échanges qui contribuent à briser les préjugés», rapporte M. Stamboulieh.

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