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Histoires d’élections

Photo: Archives de Montréal

Dimanche le 5 novembre, près de 1 143 000 Montréalais seront conviés aux urnes afin de choisir le maire de la ville et leurs représentants locaux. Si l’exercice démocratique apparaît aujourd’hui comme un droit acquis pour tous les citoyens, il n’en a pas toujours été ainsi à l’échelle municipale. Retour sur l’histoire mouvementée des élections montréalaises.

Qui pouvait voter?
Lors des premières élections municipales à Montréal, en juin 1833, on estime que seulement 1300 personnes, sur une population d’environ 30 000, avaient le droit de vote. Seuls les propriétaires pouvaient se porter candidats et élire leurs représentants à l’hôtel de ville.

«À l’époque, le vote municipal était fondé sur l’idée que l’administration d’une ville ne concernait que ceux qui payaient des taxes. Les politiques municipales devaient être gérées par ceux qui avaient un intérêt personnel dans la ville, qui y avaient investi leur argent», explique  Paul-André Linteau, professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et codirecteur du Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal.

Cette mesure exclut d’emblée la vaste majorité de la population, composée d’ouvriers et d’artisans n’ayant pas accès à la propriété. Ce sont plutôt les grands hommes d’affaires qui se retrouvent au conseil municipal.

«C’était une conception très élitiste de la société, précise M. Linteau. Le droit de vote jouait un rôle d’exclusion sociale extrêmement important. C’était une époque où les élites économiques, religieuses et politiques pensaient que le peuple devait simplement écouter ses chefs.»

Il faudra attendre 1860 pour que les locataires obtiennent le droit de se prononcer. Mais là encore, pour pouvoir voter, leur loyer doivent atteindre un seuil minimum, en plus d’avoir acquitter à temps leurs corvées et leurs taxes municipales.

Sous la pression des organisations ouvrières, ces restrictions seront abolies à la fin du 19e siècle. Il faudra tout de même attendre 1912 pour que les locataires puissent être candidats aux élections.

Les votes des femmes
La primauté des droits des propriétaires aura pour conséquence indirecte de permettre à certaines femmes de pouvoir se prononcer aux municipales, et ce, bien avant que le droit de vote ne leur soit accordé au niveau provincial ou fédéral.

Les veuves et les femmes non-mariées propriétaires peuvent en effet voter dès 1887 au scrutin. En comparaison, les Québécoises devront attendre 1917 pour obtenir ce droit aux élections fédérales et 1940 pour les élections provinciales.

«Pour nous, ça paraît contradictoire, mais à l’époque, ce ne l’était pas, estime Harold Bérubé, professeur d’histoire à l’Université de Sherbrooke. On ne cède pas le droit de vote aux femmes pour être progressiste, mais parce qu’on n’a pas le choix. Elles sont propriétaires. Ce serait plus dangereux pour les gens de l’époque de nier le droit de vote d’un propriétaire que de l’accorder à une femme.»

Les femmes locataires, veuves ou «filles» majeures, obtiennent ce droit en 1899, alors que les femmes mariées doivent patienter jusqu’en 1934. À l’époque, une femme mariée perdait légalement ses possessions et ses droits légaux au profit de son mari.

Jessie Kathleen Fisher (photo) est la première conseillère municipale élue, en 1940, dans Côte-des-Neiges.

Si elle l’emporte le 5 novembre, la chef de Projet Montréal, Valérie Plante, deviendra pour sa part la première mairesse de la ville. Lors des deux dernières élections, ce sont des femmes, Mélanie Joly en 2013 et Louise Harel en 2009, qui ont terminé au second rang du scrutin populaire.

Le jour du scrutin
Les premières élections tenues à Montréal ont peu à voir avec celles organisées de nos jours. Les premiers scrutins ressemblent davantage à des assemblées d’investiture où on vote à main levée pour son candidat. Les premiers électeurs ne votent pas pour le maire non plus. Jusqu’en 1852, ils votent uniquement pour ses conseillers, qui, eux, choisissent un maire dans leurs rangs.

«Plusieurs de ces assemblées prennent la forme d’un spectacle où on fait de l’effet pour essayer de vendre son candidat, précise Harold Bérubé. Résultat, ça tourne parfois au vinaigre, avec des empoignades en bonne et due forme pour empêcher des gens de voter ou un candidat de se présenter.»

Le vote secret ne sera introduit qu’en 1889.

Charles Wilson, dernier maire élu par ses pairs en 1851

Historiquement, le taux de participation aux élections municipales a toujours été faible à Montréal. En 2013, le taux de participation avait été de 43,3%. Dans les deux dernières décennies, il faut remonter à 2001 pour s’approcher de la barre des 50%.

La situation était encore pire au 19e siècle. Les bureaux n’étaient alors ouverts que pendant 8 heures, alors que la majorité des ouvriers en travaillaient 12. «Il ne faudrait pas être sévère avec la faiblesse de ces taux, croit pourtant M. Bérubé. On doit garder en tête l’idée que, pendant longtemps, le municipal n’a pas été vu comme une assise démocratique légitime.»

«Le système municipal au Canada n’était pas conçu avec l’idée d’une citoyenneté, continue-t-il. On ne voulait pas créer des citoyens. On voulait un régime qui répare les rues, gère les affaires, mais pas qui enseigne aux gens qu’ils sont maîtres de leur destinée. On n’a pas cherché à créer une démocratie locale forte.»

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