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La petite librairie qui voulait faire sa place parmi les grands

Photo: Pablo Ortiz

La librairie Racines, qui met à l’honneur des auteurs racisés, fêtera sous peu son premier anniversaire. Gabriella Kinté, l’instigatrice du projet, porte à bout de bras cette petite librairie qui se veut un lieu d’échange et de partage à Montréal-Nord.

«On fait beaucoup de choses avec peu de moyens, mais on a un impact tellement positif qu’on ne veut pas lâcher le morceau», soutient-la jeune femme.

Ce dimanche, il pleut et la librairie Racines est déserte quand Métro pénètre dans ce petit espace situé à l’angle des boulevards Henri-Bourassa et Léger. Sur les murs colorés, on découvre des portraits. On y devine la librairie, Gabriella Kinté, son mari et  leur jeune fils, dessinés sur le mur. Des livres sont posés ça et là. Les Aimé Césaire, Frantz Fanon et autres «grands» noms côtoient d’autres auteurs moins connus. Ils sont Québécois, Haïtiens afro-américains ou Africains. Ils écrivent en français, en créole ou en anglais. Ils ont tous en commun d’avoir la peau foncée.

Gabriella Kinté, son fils de sept mois sur les genoux, évoque les débuts parfois difficiles de sa nouvelle entreprise, qui tourne grâce aux amis, à la famille, à son mari aussi et aux dons.

Jugé par certains trop «communautaire», la librairie Racines assume son choix de ne mettre en avant que des auteurs racisés, comme pour compenser leur absence sur les tablettes des grands magasins, qui mettent trop souvent des auteurs «d’ici», blancs.

La population québécoise, les gens «d’ici», ne sont pas uniformes, plaide la libraire. «Notre mandat, c’est de mettre en avant la culture et les arts des personnes racisés », dit-elle fièrement.

Surtout, ajoute-t-elle, c’est une manière pour les communautés noires de se sentir représentées. Tout simplement. Pendant que les publicités, le cinéma ou la télévision montrent en grande majorité des personnes blanches.

Selon elle, ce manque de diversité a un gros impact pour les jeunes, qui ne se reconnaissent pas dans les histoires qu’on leur raconte. Ce n’est pas un hasard si la section jeunesse est la plus populaire de sa librairie, souligne-t-elle. On y trouve des livres pour enfants où les héros sont noirs, un autre raconte la vie d’une famille multiculturelle. «Le papa est noir, la maman est blanche, les enfants sont métis. C’est très populaire parce que c’est aussi ça, Montréal», note Gabriella Kinté.

«Il y a beaucoup de personnes qui disent que ça doit être difficile de trouver ces livres, mais il suffit de faire une recherche et de les commander comme n’importe quel livre. Les librairies ne vont pas avoir en tête de mettre la diversité en avant. Ici, c’est notre mandat. Alors, on va faire notre commande [en conséquence]. La littérature haïtienne, afro aussi, c’est très lu. Il y en a des auteurs. Ça ne manque pas. Ça ne peut pas être une excuse».

Gabriella Kinté se réjouit aussi de toucher un large public qui vient parfois même du Plateau–Mont-Royal pour notamment écouter une table ronde sur la vie des Noirs à Montréal. «C’est des sujets qui les interpellent. Ils ont accès à des discours qu’ils n’entendent pas partout. Ils veulent entendre ces histoires-là, ces témoignages», explique-t-elle, heureuse de pouvoir construire des ponts entre les communautés.

Même si l’équilibre financier est fragile, la librairie arrive à tourner « au jour le jour ». Gabriella Kinté ne compte pas s’arrêter là, ne serait-ce que pour permettre aux gens du quartier d’avoir la possibilité de venir ici, voire même de s’inspirer de son projet pour se lancer à leur tour.

Une situation insécurisante, dit-elle, mais qui ne l’empêchera pas de poursuivre l’aventure de la librairie Racines. Avant tout, elle souhaite continuer d’organiser des soirées de discussions et de mettre en contact des gens qui ne se côtoient pas ordinairement, de faire émerger des idées et des débats qu’on entend rarement.

Le premier anniversaire de la libraire aura lieu dimanche 5 août à 14heures à la librairie Racines, 4689 boulevard Henri-Bourassa.

Le choix de la libraire 

État d’âme, de Josiane Ménard.

Josiane Ménard est une jeune poétesse de 30 ans, d’origine haïtienne et née à Trois-Rivières. Dans cet ouvrage très personnel, elle y raconte son histoire, divisée en trois temps. Gabriella Kinté n’a pas hésité lorsqu’on lui a demandé de nous conseiller un des meilleurs et plus récents ouvrages de sa librairie. «C’est une jeune femme noire qui a écrit son premier livre, un livre très personnel. Elle a beaucoup de courage», a-t-elle souligné.

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