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Aspergés de poivre de cayenne «sans raison», ils portent plainte contre le SPVM

Photo: Josie Desmarais/Métro

Cinq mois après avoir été aspergés de poivre de cayenne dans leur véhicule, les Montréalais Daniel Louis et Gertrude Dubois ont déposé des plaintes en déontologie policière et devant la Commission des droits de la personne contre des policiers et un superviseur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) qu’ils jugent responsables d’abus de pouvoir. Ils n’excluent pas d’entamer des poursuites judiciaires.

Le 9 juin dernier, alors qu’ils klaxonnaient comme plusieurs autres automobilistes à l’occasion d’une soirée organisée en marge du Grand Prix du Canada, M. Louis et Mme Dubois ont été interpellés par des agents du SPVM. Après une courte discussion, l’un d’eux leur a demandé de s’identifier. Alors qu’il récupérait ses documents, M. Louis a été aspergé d’un fort jet de poivre de cayenne qui a aussi atteint sa conjointe. L’homme dans la quarantaine a ensuite été extrait de la voiture et menotté.

Le couple condamne «un cas typique de brutalité policière injustifiée».

«C’est un abus de pouvoir indéfendable», a déploré M. Louis, dans les bureaux du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR) mercredi. Il a affirmé avoir demandé à plusieurs reprises aux policiers pourquoi il était la seule personne interceptée pendant l’intervention, mais en vain. En plus des blessures physiques et psychologiques, l’incident s’est soldé par deux accusations criminelles pour entrave et résistance à l’arrestation, ainsi que deux constats d’infraction totalisant près de 900$. Mme Dubois a aussi perdu une bague et un collier.

«Être victime de violence policière, c’est grave, mais être l’objet d’accusations criminelles m’oblige à me poser de sérieuses questions sur la couleur de la justice montréalaise.» –Daniel Louis

Durant le trajet vers le poste de police, M. Louis a affirmé avoir dit aux policiers qu’il avait du mal à respirer. «Ils ont ignoré ma demande, sans me prendre au sérieux. Ils ne m’ont jamais cité mes droits», a-t-il avancé.

De son côté, Mme Dubois a elle aussi été projetée sur la voiture de M. Louis et menottée. Bien qu’elle ait été libérée, elle dit n’avoir reçu aucune aide pour décontaminer ses yeux. «Je n’ai rien compris de toute cette brutalité. Je me sentais traitée comme une criminelle, c’était très intense», a-t-elle expliqué.

Depuis l’incident, la vie du couple a changé. «Mes mains deviennent moites quand je croise des policiers, a confié Daniel Louis. Je tremble. J’ai peur quand je suis intercepté par des policiers pour des vérifications de routine. Je ne leur fais plus confiance. J’ai même installé une dashcam dans ma voiture.»

Leur fils, qui n’a que neuf ans, «devra grandir dans cet environnement-là», s’est désolée Gertrude Dubois. «Je lui ai dit que je veux qu’il soit prudent. Parce que oui, la couleur de sa peau peut créer des différences. Il devra faire plus attention que les autres», a-t-elle martelé.

«Malheureusement, ça existe le racisme et la discrimination. Tout le monde devrait le dénoncer. Il est clair que les policiers ne nous traiteraient pas de manière aussi abusive si nous n’étions pas noirs.» –Gertrude Dubois

La SQ enquêtera
Selon le conseiller au CRARR et ex-policier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Alain Babineau, le dossier est sous la loupe d’un sergent-enquêteur de la Sûreté du Québec (SQ) depuis l’été dernier.

Au moment des faits, un internaute avait filmé l’intervention policière et l’avait mise en ligne sur les réseaux sociaux. Les images ont rapidement été partagées des milliers de fois.

«Lorsqu’on regarde cette vidéo, on voit clairement une force excessive pour ce qui se produisait à ce moment.» –Alain Babineau, conseiller au CRARR

En accusant les victimes au criminel, «on change le narratif», a-t-il déploré. «Il devient le suspect d’une enquête, même s’il a été la victime d’actes déraisonnables. Ça ajoute une pression financière et du stress. C’est de l’intimidation», a-t-il renchéri.

À ses dires, les policiers sont pourtant formés «à engager la conversation» et à rester calmes. «En tant qu’agent, tu commandes le respect. D’utiliser la force sans menace, sans violence, c’est exagéré», a-t-il illustré. Il déplore que l’événement marquera M. Louis et Mme Dubois, ainsi que leurs proches, leurs enfants et toute leur communauté, «pour le reste de leur vie».

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