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Aide médicale à mourir: Jean Truchon témoigne sur sa souffrance

Photo: Mario Beauregard/Métro

MONTRÉAL — Atteint d’une maladie dégénérative incurable, Jean Truchon a tout envisagé pour mettre fin à ses souffrances quotidiennes: se laisser mourir de faim, se noyer, se jeter devant le métro ou même se procurer auprès de vendeurs de drogue une dose létale. Il a éliminé ces options pour diverses raisons, mais est actuellement en Cour pour faire invalider des dispositions du régime d’aide médicale à mourir qui l’empêchent de l’obtenir.

M. Truchon a toutes ses capacités intellectuelles et est bien entouré, a-t-il témoigné mardi matin au palais de justice de Montréal.

Atteint de paralysie cérébrale depuis sa naissance, il ne lui restait alors que l’usage d’un bras et s’est toujours déplacé en fauteuil roulant. Mais depuis son hospitalisation en 2012, sa vie a basculé. Diagnostic? Hernie cervicale avec sténose spinale sévère.

«On m’a dit que c’est fini», a rapporté l’homme de 51 ans à la juge Christine Baudouin de la Cour supérieure.

Il n’a dorénavant plus l’usage de ce bras, a dû quitter son appartement et aller vivre dans un centre de soins de longue durée, parce qu’il avait besoin de trop de soins au quotidien. Les douleurs ne le lâchent plus, il a perdu le reste de son autonomie sans son bras et encore plus de qualité de vie, a-t-il expliqué au tribunal avec l’aide d’un ami qui lui sert en quelque sorte d’interprète, car il est aussi atteint de dysphasie et qu’il peut être difficile de comprendre ses paroles.

«Pour moi, je suis mort en 2012», a-t-il dit.

Son idée d’en finir avec ses jours a commencé à germer à ce moment, «car la vie ne veut plus rien dire pour moi». L’homme a pleuré lorsqu’il a évoqué sa vie en centre de soins et sa perte de dignité, tous ces moments où il doit sonner ou tenter d’avoir l’attention d’un préposé pour faire la moindre chose.

Il a évalué toutes les possibilités, avant de les rejeter une par une.

La noyade? Il dit n’avoir aucun endroit où aller et craint que quelqu’un se noie en tentant de le sauver. Aller voir des vendeurs de drogue? «J’ai peur qu’ils me volent et je ne peux pas me défendre.» Se jeter devant le métro ou un autobus? «Non, pour ne pas briser d’autres vies que la mienne.» Et puis, il y avait le risque de ne pas mourir et «d’être pire que maintenant». Le jeûne? Il y a plusieurs étapes de souffrances avant la mort et la confusion à la fin, ce qu’il abhorre, a-t-il expliqué. Mais il s’y résoudra s’il n’y a pas d’autre option.

L’aide médicale à mourir lui a été refusée. La Loi québécoise concernant les soins de fin de vie la réserve aux seules personnes «en fin de vie», alors que le Code criminel fédéral parle «d’une mort naturelle raisonnablement prévisible».

M. Truchon ne peut donc la demander: aucun médecin ne peut lui dire combien d’années il lui reste à vivre.

Mais il veut pouvoir décider pour lui-même. «On n’a pas besoin d’être en fin de vie pour ressentir des souffrances intolérables», a-t-il dit à la juge.

Il est donc à l’origine, avec Nicole Gladu, une femme aussi atteinte d’une grave maladie dégénérative sans possibilité de guérison, de cette contestation judiciaire des deux lois.

Leur avocat va faire valoir, au cours d’un procès qui devrait durer 33 jours, que ces critères de «fin de vie» et de «mort naturelle raisonnablement prévisible» sont contraires à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège leur droit à la vie et à la sécurité, et aussi contraires à l’article 15 qui prévoit leur droit à l’égalité de traitement.

Il est donc demandé que ces exigences soient invalidées par la Cour. Leur avocat, Jean-Pierre Ménard, fera aussi valoir que ces critères sont vagues et ambigus et créent beaucoup trop d’incertitude. Cela force les gens à envisager d’autres méthodes pour mettre fin à leur vie, comme le suicide et la grève de la faim, «une mort cruelle», a-t-il déclaré.

Le Procureur général du Canada — tout comme la Procureure générale du Québec — sont devant le tribunal pour défendre leurs lois respectives.

Aux journalistes, Me Ménard a expliqué avoir choisi de faire témoigner seulement deux personnes, bien qu’il y en ait beaucoup au Québec dans la même situation.

«Il faut faire la démonstration devant la juge de ce que c’est souffrir. Pas pour faire du misérabilisme, mais pour montrer que ça touche du vrai monde, qui souffrent vraiment et qui veulent en finir.»

L’avocat estime qu’il y a suffisamment de balises dans la loi pour protéger les personnes vulnérables, sans la nécessité de ce critère de «fin de vie».

Le procès a été ajourné mardi midi et se poursuivra mercredi matin.

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