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Une île à la reconquête de ses berges

Le parc des Rapides, dans LaSalle, constitue un accès privilégié aux rapides de Lachine et au fleuve Saint-Laurent. Photo: Pablo Ortiz/Métro

Montréal est une île. Une évidence? Peut-être pas. Malgré ses 266 kilomètres de rives, l’accès à l’eau demeure difficile pour une majorité de Montréalais. Depuis des décennies toutefois, des efforts sont mis pour reconnecter les habitants aux plans d’eaux qui les entourent. Portrait d’un mouvement bien entamé, qui prendra encore plus d’ampleur avec l’ouverture prochaine aux baigneurs des plages de Verdun et de l’Est.

Un site exceptionnel
Les plans d’eaux abondent sur l’île de Montréal. En plus du majestueux fleuve Saint-Laurent, l’île est entourée de la rivière des Prairies, du lac Saint-Louis et du lac des Deux-Montagnes, sans parler du canal de Lachine, véritable rivière au cœur de Montréal.

Cette situation exceptionnelle a permis à la ville de naître et de prospérer grâce aux activités portuaires. Du commerce des fourrures aux silos à grain, l’eau a joué un rôle primordial dans le développement de Montréal.

«L’Administration portuaire de Montréal (1830) est plus ancienne que la Ville de Montréal (1832). C’est dire à quel point c’est important», rappelle Dinu Bumbaru, directeur des politiques d’Héritage Montréal.

La rupture
Ironiquement, l’expansion des activités portuaires a contribué à éloigner les Montréalais du fleuve.

L’industrialisation constante de la ville à partir du 19e siècle a grugé une bonne partie des berges au profit de quais, d’usines et de voies ferrées. Des activités industrielles qui ont contribué au développement de la ville, mais qui ont eu des conséquences environnementales importantes. En effet, jusqu’au milieu des années 1970, les eaux usées industrielles étaient rejetées directement dans le fleuve, sans traitement.

On observait un phénomène semblable au nord, sur les rives de la rivière des Prairies et de la rivière des Mille-Îles, alors des lieux de villégiature chéris des Montréalais.

«On parle de villages entiers de vacanciers construits sans aucun système de traitement des eaux usées, qui ont fini par s’autopolluer en rejetant leurs déchets dans les rivières», explique Pierre Valiquette, architecte-paysagiste et conseiller en planification environnementale.

Au milieu des années 1960, les plages ont donc fermé l’une après l’autre, victimes de la pollution. L’eau était devenue synonyme de contamination, et les Montréalais s’en sont éloignés.

Le réveil
À la même époque, les liens entre les Montréalais et le fleuve ont pu se retisser d’une nouvelle façon. La raison? Expo 67.

«C’est un tournant dans l’accès aux berges puisqu’on a choisi d’installer l’Expo directement dans le fleuve, soutient Dinu Bumbaru. On a placé Habitat 67, un des bâtiments canadiens les plus connus du monde, sur la pointe de la Cité-du-Havre, qui n’était auparavant qu’un brise-lame. Le pont de la Concorde est venu créer une liaison entre la terre et les îles. Ça a créé une relation différente avec le fleuve.»

Dans la même optique, le déménagement du port de Montréal vers l’est, au milieu des années 1970, a permis la revitalisation du Vieux-Port, un projet achevé en 1992 pour le 350e anniversaire de la ville.

Loin du centre-ville, les projets d’aménagement des berges sont apparus dans les années 1980, avec par exemple le parc René-Lévesque, à Lachine, et la promenade Bellerive, aux abords de la rue Notre-Dame Est.

«Le fleuve est l’un des grands monuments de Montréal. On pense souvent à la montagne, mais sans le fleuve, la montagne est petite. Avec le fleuve, tout grandit» –Dinu Bumbaru, directeur des politiques d’Héritage Montréal

La baignade, un symbole

La plage de l’Horloge /Josie Desmarais

La baignade serait-elle la dernière étape pour que les Montréalais puissent réclamer leur statut d’insulaires?

«Quand on peut permettre l’ouverture d’une plage à la baignade, c’est qu’on a atteint le sommet de la qualité de l’eau, illustre Ariane Marchand, biologiste pour le Comité ZIP Jacques-Cartier, une organisation de mise en valeur et de conservation du Saint-Laurent. Les gens ont encore une perception négative du fleuve, mais la qualité de l’eau s’est grandement améliorée au cours des dernières années.»

Pour ça, on peut dire merci à la station d’épuration Jean-R. Marcotte, qui, depuis 1996, traite les eaux usées de l’ensemble de l’île.

Une avancée qui rend réaliste la baignade un peu partout sur l’île. Aux plages du Cap Saint-Jacques et du Bois-de-l’Île-Bizard s’ajouteront bientôt la plage de Verdun (d’ici la fin juin, selon l’arrondissement) et la plage de l’Est, dans Pointe-aux-Trembles, un projet ralenti par la décontamination du site.

Alors, le moment est-il proche où tous les Montréalais pourront faire saucette à quelques minutes de chez eux? «Pour avoir accès à l’eau, il faut un plan d’eau sécuritaire, où l’eau est propre, chaude et pas trop rapide. Et ce n’est pas le cas partout autour de l’île de Montréal», tempère Pierre Valiquette.

 

Un patrimoine environnemental à préserver
Qu’on s’y baigne ou pas, les cours d’eau ont tout de même un rôle important à jouer en milieu urbain.

«Les berges végétalisées apportent beaucoup de bénéfices à la conservation de la qualité de l’eau. Elles participent à la filtration des eaux de ruissellement et des sols, en plus de créer l’ombrage qui maintient une température de l’eau adéquate», souligne Ariane Marchand.

Des bienfaits qui seront très utiles pour contrer les effets des changements climatiques. En plus de permettre de lutter contre la chaleur, les berges sont également très utiles dans le cas d’inondations.

«Les milieux humides agissent comme une éponge : au printemps ou lors de grosses pluies, ils absorbent le surplus d’eau, puis le relâchent durant les périodes sèches. Quand on perd ce milieu humide, on n’a plus cette éponge», –Ariane Marchand, biologiste

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