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Football : une équipe dans l’ombre

Les cheerleaders doivent apprendre de nombreuses chorégraphies, chacune correspondant à diverses situations de jeux. Pour ce faire, elles se pratiquent chaque semaine. Photo: Denis Germain

Alors que les Alouettes se préparent à inaugurer leur saison à domicile jeudi soir, leur autre équipe, celle de cheerleading, s’exerce dans l’est de Montréal pour cette première. Incursion dans un univers encore rempli de préjugés.

À l’ombre du stade Olympique, dans un gym de Hochelaga, l’équipe de danse des Alouettes se prépare pour leur prochaine prestation. En arrière-fond, les haut-parleurs crachent l’un des succès du Franco-Congolais Maître Gims. Le sol, un plancher synthétique reprenant l’esthétique d’un terrain de football, tremble sous les pas frénétiques des danseuses. Ce n’est qu’une des nombreuses chorégraphies qu’elles devront mettre au point avant la fin de leur entraînement.

« On est évidemment là pour encourager l’équipe, mais c’est aussi important de donner un bon spectacle pour rendre l’expérience de match encore meilleure pour les partisans », explique d’entrée Julie, la coordonnatrice du volet danse.

« Oui, on peut danser et être en tenue plus légère un jour de match, mais le lendemain, nous avons nos carrières, certaines ont des enfants. Nous avons plusieurs facettes à nos vies » – Julie, coordinatrice du volet danse

Originaire de Pointe-Aux-Trembles, Alexandra en est à sa 11e saison avec l’équipe. Elle a commencé la danse à l’âge de 10 ans, faisant principalement du street-jazz.
(Photo : Denis Germain)

L’équipe de cheerleaders se sépare d’ailleurs en deux volets. Celui de danse, ainsi que celui de stunt, une nouveauté de l’année dernière. Dans cette dernière section, les athlètes effectuent diverses figures acrobatiques. « C’est une évolution naturelle », croit la directrice du programme, Annie Larouche. Avec l’équipe depuis son retour au Québec, en 1996, elle a vu la popularité du cheerleading grimper avec les années. « Je voulais garder nos danseuses, parce que nos fans les aiment, mais je souhaitais ajouter cette portion-là au spectacle. Je désirais également avoir des garçons sur l’équipe. Je n’en ai toujours pas dans le volet danse, mais je suis ouverte à en avoir. »

Pour être sélectionné, les cheers doivent passer une audition publique où elles seront évaluées par Annie Larouche, ainsi que par les capitaines de l’équipe. Pour le volet danse, les prétendantes doivent apprendre une chorégraphie le jour même, qu’elles devront reproduire. En stunt, les participants doivent réaliser diverses figures.

Les vétérans ne sont pas assurés de garder leur rôle. « Comme pour les joueurs, elles doivent se battre pour leur poste chaque année, révèle Julie. C’est le moment le plus difficile pour tout le monde. Surtout lorsqu’une fille qu’on connaît et qu’on aime n’est pas reprise, ça fait quelque chose à tout le monde. »

André-Anne a deux fils de 14 et 12 ans, ainsi qu’une fille de 7 ans. Ceux-ci ont grandi en la voyant performer. « Pour eux, c’est comme si maman va faire un spectacle de danse. »
(Photo : Denis Germain)

Défaire les clichés
« Je crois que les stéréotypes commencent à changer de plus en plus, pense André-Anne, qui en est à sa 13e saison. On a tous un travail dans la vie. Ce n’est pas notre réalité de tous les jours. » Mère de trois enfants et travaillant comme adjointe administrative, cette résidente de Mercier est d’ailleurs bien loin des images reçues.

Pour elle, la gestion du temps est essentielle afin de concilier ses trois rôles. « Mes enfants ont tous leurs activités et maman essaie de suivre le calendrier des trois, mon calendrier de travail, et les Alouettes par-dessus ça, révèle-t-elle en riant. Le cheers est aussi le moment qui me permet de décrocher et de prendre du temps pour moi. »

Actuellement enceinte et attendant son enfant pour le mois d’octobre, Nadine ne passe pas inaperçue. Maintenant à sa quatorzième année avec les Alouettes, elle occupe un poste de capitaine au sein de l’équipe. « Lorsque j’avais appris que j’étais enceinte, j’en ai parlé à Annie Larouche, qui m’a rassuré que je faisais partie de l’équipe, et qu’attendre un enfant n’est pas un handicap. Mon rôle a été adapté en conséquence. Je suis sur les lignes de côtés à analyser les performances de nos filles. »

De son côté, Julie aimerait qu’on retienne qu’elles sont à la fois des athlètes et des artistes. « Oui, on peut danser et être en tenue plus légère un jour de match, mais le lendemain, nous avons nos carrières, certaines ont des enfants. Nous avons plusieurs facettes à nos vies », souligne-t-elle.

Évoluer avec son époque
À l’ère du #MeToo, alors que de nombreuses cheerleaders dans la NFL ont dénoncé des traitements dégradants de la part de leur équipe respective, la pertinence des cheers peut être remise en question.

« C’est désolant de voir ce qui se passe ailleurs, mais on ne l’a pas vécu. On respecte nos athlètes, affirme Mme Larouche. Le contrat avec nos cheers a été analysé par les avocats de la [LCF] lorsque les scandales sont sortis. Je ne fais pas de pesées, je n’ai pas d’exigence sur la couleur de leurs cheveux, ou sur leur apparence physique. On veut simplement des athlètes accomplis qui seront des modèles pour nos jeunes. »

C’est d’ailleurs cet aspect qui rejoint particulièrement Marie-Chloé. Cette dernière a commencé la danse a trois ans, avec pour professeurs des cheerleaders des Alouettes. « Oui, il y a l’aspect spectacle, mais nous sommes aussi présentes dans les écoles, ou à des événements communautaires, souligne-t-elle. Pour les enfants, on est des modèles, et on voit à quel point notre rôle à de l’importance. Je peux me reconnaître en eux, me rappeler lorsque j’étais à leur place. »

« On est à l’intersection entre le sport et l’art, rappelle Julie. Je crois que nous sommes toutes confortables et à l’aise. Ça reste toujours dans la classe et le respect de la femme. »

Rester malgré les difficultés
La fiche des Alouettes peut rebuter certains partisans. L’équipe n’a pas participé aux séries éliminatoires depuis 2014, et a eu sa dernière fiche gagnante en 2012. Malgré tout, les cheerleaders restent positives.

« On doit fonctionner indépendamment, en dépit des performances sportives de l’équipe, et ne pas les laisser nous affecter. Au contraire, on essaie de se surpasser pour offrir une meilleure expérience aux spectateurs ! », souligne en souriant Julie.

La dernière prestation de l’équipe se déroulera le 24 novembre prochain, à Calgary, lors de la Coupe Grey.
(Photo : Denis Germain)

« Peu importe ce qui arrive sur le terrain, on garde le sourire et on a du “fun”, ajoute Marie-Chloé. C’est aussi ce qu’on souhaite transmettre aux partisans. »

Beau temps, mauvais temps, soleil, pluie, ou neige, elles sont présentes à toutes les parties à domicile des Alouettes afin de les encourager. Elles disposent d’ailleurs de plusieurs uniformes, qu’elles utilisent en fonction de la température.

Indépendamment de la fiche des Moineaux, leur saison se conclura lors de la Coupe Grey : l’ensemble des équipes de cheerleading y sont conviées afin de présenter, à tour de rôle, un spectacle. D’ici là, elles performeront pour le public montréalais lors des parties des Alouettes.

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