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Rapport accablant du SPVM: «la pointe de l’iceberg», selon un ancien policier

SPVM profilage racial
Alain Babineau Photo: Zacharie Goudreault/Métro

Le rapport accablant sur les contrôles de rue auprès des minorités visibles à Montréal ne représente que «la pointe de l’iceberg» des problèmes de profilage racial au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), selon un ancien policier.

Le 7 octobre, le SPVM a dévoilé un rapport universitaire qui fait état de biais systémiques dans les interpellations policières sur la voie publique à Montréal. Les chercheurs ont notamment constaté que les personnes noires ont plus de quatre fois plus de chances d’être appelées à s’identifier par les forces de l’ordre que les personnes blanches pendant ces contrôles de routine.

«Ce rapport ne nous donne qu’un petit aperçu du problème», soulève Alain Babineau en entretien à Métro. Le conseiller du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR) a travaillé pendant 27 ans pour la Gendarmerie royale du Canada avant de prendre sa retraite il y a quelques années.

«Ces données-là ne représentent pas les interpellations d’automobilistes sur les rues, note M. Babineau. Ici, au CRARR, la majorité des plaintes qu’on reçoit viennent d’individus qui se sont fait arrêter en conduisant. C’est ce qu’on appelle en anglais driving while black

Manque de données

En juillet, le résident de LaSalle Ashton Boodoo a lancé une poursuite d’environ 93 000$ contre trois policiers montréalais et la Ville. Les policiers auraient suivi et arrêté l’automobiliste sans raison valable. Ils auraient fait preuve de brutalité policière à son égard lors d’un événement survenu en mai 2015.

Le SPVM a également été condamné pour profilage racial l’an dernier. La Cour a tranché que des policiers ont procédé à l’arrestation «discriminatoire» d’un jeune automobiliste noir à Montréal-Nord en 2011.

Actuellement, le SPVM ne collecte aucune donnée sur l’origine ethnique ou la race des personnes interceptées au volant de leur voiture.

«C’est crucial que le SPVM fasse l’exercice de colliger ces données-là au niveau des interpellations des automobilistes. Ça lui permettrait d’avoir l’heure juste sur l’ampleur du problème», note-t-il.

«Si la mairesse et le directeur du corps de police sont surpris et déçus des chiffres qui sont sortis sur les interpellations de routine, ils vont tomber de leur chaise quand ils vont voir celles sur les interpellations des automobilistes.» -Alain Babineau, conseiller du CRARR

«Incivilités»

L’ancien policier dans la cinquantaine affirme aussi que les personnes noires et autochtones sont «surreprésentées» en ce qui a trait aux amendes remises pour des «incivilités». Celles-ci comprennent entre autres l’interdiction de consommer de l’alcool sur la voie publique. Il est également interdit de faire du bruit ou du «tapage» à la sortie des bars, sous peine d’écoper d’une amende de 300$ avant les frais.

Si elles résistent, les personnes qui reçoivent ces amendes peuvent écoper d’une accusation d’entrave au travail des policiers.

«On a vu des cas où clairement l’accusation d’entrave a été utilisée à des fins de profilage racial», affirme M. Babineau. Ce dernier déplore aussi l’utilisation de la «force excessive» par les forces de l’ordre auprès des minorités visibles.

Moratoire

Le conseiller indépendant de Snowdon, Marvin Rotrand, déposera une motion pendant la prochaine séance du conseil municipal, le mois prochain, pour réclamer un moratoire sur les interpellations policières à Montréal.

«On ne peut pas faire un moratoire complet. […] Les policiers doivent quand même pouvoir faire leur travail», relativise Alain Babineau. Selon lui, la Ville doit développer des balises afin de permettre seulement les interpellations «justifiées», notamment celles réalisées dans le cadre d’enquêtes policières.

Dans les dernières semaines, le SPVM a pris plusieurs engagements pour réduire les «biais systémiques» au sein du corps de police. Ce dernier entend notamment créer une politique d’interpellation d’ici mars 2020.

«Le SPVM s’engage à poursuivre plus loin son analyse et sa démarche afin de déterminer les véritables causes des systèmes et procédures de travail qui peuvent mener à des biais systémiques», a indiqué le corps de police par courriel. 

 

 

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