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Les autobus express en perte de vitesse à Montréal

La ligne express 445 Papineau Photo: Josie Desmarais/Métro

Malgré la priorité que la Ville lui donne, le réseau d’autobus express de la Société de transport de Montréal (STM) peine à se démarquer. De 2012 à 2018, ces lignes ont perdu plus de 20% de leur achalandage, révèlent des données obtenues par Métro grâce à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics.

En tout, ce réseau spécial a enregistré, en 2018, près de 5 millions de passages de moins qu’en 2012. Ce sont les lignes Express 435 du Parc/Côte-des-Neiges et 467 Saint-Michel qui enregistrent les plus importantes saignées: 56% en moins pour la première et 60% pour la seconde.

Selon le professeur à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal Jean-Philippe Meloche, ces chiffres témoignent de l’«inefficacité» d’un système dont la règle d’or est l’efficacité.

«Ce qu’on appelle du transport de masse, les trains et les métros en font. L’express est supposée en faire, mais ce n’est pas tout à fait ça. Généralement, elles ont des circuits moins efficaces: elles ramassent des gens, en déposent, en ramassent, en déposent», signale-t-il.

Même son de cloche chez le spécialiste de la planification des transports Pierre Barrieau. 

«Les autobus express sont tellement lents pour des autobus express qu’année après année, leur intérêt diminue» – Pierre Barrieau, chargé de cours en mobilité dans plusieurs universités

En entrevue avec Métro jeudi, lors de la présentation du budget de la STM, le directeur général de la société de transport, Luc Tremblay, a soutenu qu’il y avait un besoin pour les express. Il croit toujours à leur potentiel «complémentaire» au métro.

«C’est sûr que le métro va toujours rester un petit peu plus attractif parce que, initialement, le réseau du bus servait à rabattre les gens. Nous, ce qu’on veut faire, c’est de développer davantage le bus», maintient-il.

De nouvelles lignes à succès?

Le président de Trajectoire Québec, François Pepin, se dit pour sa part «surpris» de la baisse de performance du modèle express à Montréal. La mairesse Valérie Plante et la STM ont implanté en août trois nouvelles lignes du genre – la 445, la 465 et la 480 – à Montréal.

Les résultats sont «prometteurs», d’après la STM, pour ces nouveaux bus qui circulent sur voie réservée. En moyenne, la 445, qui circule majoritairement sur l’avenue Papineau, a doublé son achalandage depuis la première semaine de service. Environ 800 «montants» par jour étaient enregistrés à la première semaine. Ce chiffre atteint près de 1600 aujourd’hui.

En août, le réseau de transport a également scindé la précédente express 435 en deux, donnant naissance aux lignes 480 et 465. La première a gagné 1100 passages par jour depuis sa première semaine de circulation. La seconde stagne autour de 2500 passages par jour. Selon la STM, «il faut environ deux ans avant qu’une ligne atteigne sa maturité».

L’ancienne 435, déjà en perte de vitesse, affichait encore 4500 passages quotidiens l’an dernier.

«Il faut vraiment se poser la question: où est-ce qu’on peut poser des express pour que ça soit payant? On a trouvé la clé. Il y a des endroits où on peut le faire.» -Luc Tremblay, DG de la STM

La STM a annoncé jeudi qu’elle acheminerait la plupart de ses nouveaux véhicules hybrides et électriques vers les circuits express 428 Parc, 496 Victoria et 445.

Des pistes de solutions?

Quoiqu’il en soit, François Pepin appelle la STM à faire mousser ses projets d’express davantage. L’utilisation de voies réservées se doit aussi de croître, avance-t-il. «C’est la solution à court terme. Ça peut se faire à l’intérieur d’un an», avance-t-il.

«À Montréal, on est très frileux avec les voies réservées», souligne toutefois le chargé de cours Pierre Barrieau.

La STM maintient qu’elle y travaille. «On veut en mettre de plus en plus. Vous allez voir, on va annoncer ça. La clé, ce sont les voies réservées et les feux prioritaires aux coins de rue», affirme M. Tremblay.

Pour Jean-Philippe Meloche, le problème ne se règlera pas qu’avec des voies réservées. 

«Il faut que la voie réservée soit efficace. À la limite, on permet peu de virages à droite à l’heure de pointe. Pour que les automobilistes aient peu d’options», propose-t-il.

M. Meloche invite la STM à «éloigner les arrêts» des express pour accélérer leur parcours. Il évoque aussi la possibilité de fournir des «télécommandes» aux chauffeurs d’autobus pour qu’ils puissent contrôler les feux de circulation.

Achalandage de l’autobus express depuis 2012:

  • 2012: 23,6 M
  • 2013: 23,9 M
  • 2014: 22,8 M
  • 2015: 21,2 M
  • 2016: 20,3 M
  • 2017: 19,4 M
  • 2018: 18,7 M

*À noter que, depuis 2017, sur les lignes ciblées et opérées par des bus articulés, les autobus permettent à des clients avec un titre admissible de monter aux portes arrières sans devoir valider.

Avec la collaboration de Henri Ouellette-Vézina

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