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Des messages suprémacistes en amont du Mois de l’histoire des Noirs

Une feuille It's Okay to be white
Une feuille portant les mots "It's okay to be white" a été affichée sur un babillard de l'Institut Simone de Beauvoir. Photo: Josie Desmarais/Métro

Des affiches portant la mention «It’s okay to be White» («C’est correct d’être blanc») ont été collées sur les murs des universités McGill et Concordia le 27 janvier dernier, à quelques jours du lancement du Mois de l’histoire des Noirs. Loin d’être anodins, ces messages seraient attribuables à des mouvements suprémacistes blancs, selon plusieurs.

Marlihan Lopez a souvent pris la parole sur les enjeux touchant les femmes noires et sur le racisme systémique. Elle est la coordonnatrice du programme d’études interdisciplinaires en sexualité à l’Institut Simone de Beauvoir, rattaché à l’Université Concordia. Une grande affiche du mois de l’histoire des Noirs est accrochée sur la porte de son bureau. Sur le babillard en face de son bureau, des conférences sur Blackface au Québec et la colonisation envers les personnes noires sont annoncées.

Lorsqu’elle a aperçu la feuille à côté de son bureau, elle s’est sentie visée et vulnérable, étant une des rares travailleuses noires dans l’immeuble.

Mme Lopez croit que l’affirmation de la feuille émane d’une fragilité. «Certains groupes se voient menacés par l’espace que commencent à acquérir les groupes relégués jusqu’ici en marge de la société», affirme-t-elle. «Il faut le voir dans une perspective de rapport de pouvoir», dit-elle.

La date du 27 janvier tombe dans une période bien particulière de commémorations diverses. En plus de précéder le Mois de l’histoire des Noirs, c’est aussi le jour de commémoration de la libération d’Auschwitz. La date se trouve également pendant la Semaine de sensibilisation musulmane, qui a culminé avec l’anniversaire de l’attentat de Québec, le 29 janvier.

Importé de «l’Alt-right» américain

Cet acte qui peut sembler anodin relève d’une tendance américaine bien ancrée dans les mouvements de suprémacistes blancs, selon l’ancien néonazi Maxime Fiset, devenu spécialiste de l’extrême droite. En 2018, des feuilles portant la mention «It’s Okay to be White» avaient été déposées au Département des études autochtones à l’Université du Manitoba, à l’Halloween. Des affiches semblables ont été déposées au même moment à Ottawa, à Halifax et à New Westminster en Colombie-Britannique.

Les messages, qui émanent d’un forum en ligne de suprémacistes, ont été affichés aux États-Unis, en Australie, en Angleterre et en Nouvelle-Zélande, explique M. Fiset à Métro. «Ce ne sont pas des personnes réactionnaires qui ne se préoccupent pas vraiment des questions sociales qui vont commencer à mettre ces affiches-là. C’est l’Alt-right», ajoute-t-il.

De l’intimidation sur papier

D’après M. Fiset, la première fonction de cette campagne est de provoquer une réaction chez les personnes sensibilisées au racisme. «La campagne «It’s Okay to be White» sert à essayer de prendre les guerriers de la justice sociale à leurs jeux pour essayer de les frustrer et qu’ils répondent: «non c’est pas correct d’être blanc». Mais il n’y a personne qui pense que ce n’est pas correct d’être blanc. Leur objectif, c’est de les faire sortir de leurs gonds pour leur faire dire des choses qu’ils ne pensent pas, pour les faire passer pour des méchants», observe-t-il.

Selon l’ancien néonazi repenti, plusieurs groupes d’extrême droite pensent que l’Université Concordia est un «nid d’antifascistes» et ont pertinemment décidé de cibler l’institution pour ses valeurs progressistes.  «C’est carrément du trolling sur papier», estime le spécialiste.

M. Fiset croit aussi que le choix de la date d’affichage des feuilles n’est pas anodin. Une opinion partagée par la directrice de l’Institut Simone de Beauvoir, Kimberly Manning, qui estime aussi que son institut a été ciblé pour son curriculum anti-oppressif.

Une affirmation «passive agressive»

La Pre Manning, estime que «c’est correct d’être blanc» est une affirmation très passive agressive émanant du «dog-whistling» suprémaciste.

«C’est une critique de la notion qu’il y a de la discrimination systémique dans la société. Ça déplace l’aspect systémique du racisme à l’aspect individuel. C’est comme si on disait: « c’est correct d’être moi ». C’est un appel à d’autres personnes blanches qui se sentent mal à l’aise par ce qu’ils perçoivent comme étant une attaque personnelle, alors que les efforts que nous déployons sont destinés à reconnaître les expressions systémiques du racisme qui nuisent profondément aux personnes racisées», explique-t-elle.

Kimberly Manning pense qu’il faut que les personnes qui posent ces affiches se questionnent sur les raisons qui les poussent à affirmer «It’s Okay to be White». «Qu’ont-ils peur de perdre? À quoi sont-ils si attachés? Pourquoi se sentent-ils attaqués lorsque les personnes racisées prennent la parole?» demande-t-elle.

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