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L’empathie est «la clé» pour éradiquer l’extrémisme, plaident des chercheurs

Vivek Venkatesh
Le chercheur Vivek Venkatesh est spécialisé en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent. Photo: Courtoisie Université de Concordia

Alors que la montée de l’extrémisme inquiète de plus en plus les autorités canadiennes, des chercheurs de l’Université Concordia se sont attardés aux façons de prévenir ou d’enrayer le recrutement au sein de «groupes sectaires», ainsi que les façons d’en sortir. Leur conclusion: le respect et l’empathie sont essentiels pour y arriver, même face à des propos haineux.

«On vit dans une ère où c’est de plus en plus difficile de briser les murs qui existent entre nos chambres d’écho, nos silos, explique à Métro l’un des auteurs de l’étude, Vivek Venkatesh. Si on entend une opinion qui résonne avec la nôtre, on s’ouvre naturellement. Mais on ne prend plus le temps de réfléchir à l’aspect humaniste qui amène des gens à adopter une idéologique extrémiste ou différente.»

Un projet d’éducation collective

Expert en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent, le professeur affirme qu’il faut créer des ponts entre les sphères idéologiques. «La radicalisation vient de la haine et de notre capacité à se protéger en discriminant l’autre. C’est une émotion de base, une sorte d’instinct animal. Si on peut sensibiliser le public aux effets nocifs de la haine, on peut progressivement bâtir une résilience contre l’extrémisme», fait-il valoir.

«Plusieurs personnes intègrent un mouvement extrémiste parce qu’ils n’ont pas d’autres espaces pour discuter des sujets qui les préoccupent. Ils se reconnaissent au sein d’un groupe qui veut bien raisonner avec eux.» – Vivek Venkatesh, chercheur à Concordia

Avec une équipe de plusieurs chercheurs, M. Venkatesh participe au projet SOMEONE, qui a pour but de créer des stratégies «d’éducation sociale» pour prévenir la radicalisation et l’extrémisme violent. Son groupe est en discussions actuellement avec le ministère de l’Éducation pour créer des cursus scolaires qui «briseraient le fossé» entre les professeurs et les étudiants sur des sujets controversés comme l’immigration, à l’origine de la radicalisation de plusieurs personnes.

«C’est souvent difficile pour des enseignants d’aborder ces questions, parce qu’ils n’ont pas les outils pour aborder les enjeux. Ils ont aussi leurs propres valeurs, leurs propres opinions, et se demandent comment rester neutres dans la discussion. Notre but, c’est de créer ces outils d’évaluation, pour imaginer des espaces de pluralisme qui seraient ouverts au débat», soutient l’expert.

Des interviews ciblées et «uniques»

Son collègue Ryan Scrivens a interviewé une dizaine d’anciens extrémistes – mais aussi des policiers, des militants et des organismes – dans le cadre de l’étude. Aujourd’hui enseignant à l’École de justice criminelle du Michigan, l’ancien chercheur de l’Université Concordia abonde relativement dans le même sens.

«L’opinion d’anciens adeptes est très utile, en ce sens qu’elle offre un compte rendu de première main des stratégies qui se sont révélées efficaces – ou inefficaces – pour favoriser leur désengagement de la violence extrémiste.» -Ryan Scrivens, chercheur à l’École de justice criminelle du Michigan

Selon lui, le simple fait de s’intéresser à l’opinion d’anciens militants «permet de faire la lumière sur les facteurs qui ont incité ces personnes à s’engager plus à fond dans l’extrémisme violent ou, au contraire, les en ont dissuadés dès le départ».

M. Scrivens affirme que le résultat de ses recherches est d’autant plus pertinent, car il s’est entretenu avec des extrémistes «hors des réseaux», qui n’avaient jamais parlé publiquement. Leurs témoignages «à froid» ont ainsi beaucoup plus de valeur qu’un «récit prédéfini qu’ils auraient créé au fil du temps».

Des facteurs variés de l’extrémisme

Pour le chercheur postdoctoral à l’Université Concordia, Maxime Bérubé, il faut comprendre que plusieurs facteurs «contradictoires» peuvent inciter une personne à joindre un groupe extrémiste.

«Certains ont vécu des expériences de victimisation, se sont sentis négligés ou ils étaient à la recherche d’une identité ou d’un statut. C’est ce que le mouvement extrémiste leur apportait», considère-t-il.

Selon les trois chercheurs, la présente recherche pourra aussi servir dans le milieu de la santé, pour les cliniciens ou les psychologues notamment.

«Quand on quitte un groupe sectaire, il y a souvent un néant, un manque d’idéologie ou de philosophie pour mener la vie qui peut être assez difficile à vivre. C’est là qu’on a besoin d’être en lien avec plusieurs secteurs d’intervention, dont des professionnels de la santé mentale», conclut Vivek Venkatesh.

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