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CHSLD: manque criant de personnel et formation inadéquate dans les zones de coronavirus

Une préposée de CHSLD
Une préposée aux bénéficiaires du Centre d'hébergement de LaSalle lance l'alerte sur les conditions de travail. Photo: Josie Desmarais/Métro
François Carabin et Carl Sincennes

La gestion des CHSLD comme celui de LaSalle, l’un des pires foyers d’éclosion de coronavirus de la province, soulève des questionnements sur l’hygiène et la formation fournies aux nouveaux employés envoyés en renforts. Ceux-ci se voient précipités dans la «zone chaude» des établissements, souvent avec peu ou pas de formation. Un constat partagé chez le personnel de plusieurs établissements montréalais.

En pleine pénurie de personnel, les CHSLD de Montréal ont fait appel depuis le début de la crise à nombre d’infirmières et de préposés aux bénéficiaires débutantes, ou qui reviennent dans la profession après une longue pause. Certains de ces hommes et femmes doivent immédiatement affronter les «zones chaudes», c’est-à-dire les sections des établissements réservées aux personnes infectées par le coronavirus.

Ce constat dans l’Ouest de l’Île ne se limite pas qu’à LaSalle, convient d’ailleurs Jonathan Deschamps, président de la section 2881 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente entre autres les préposées aux bénéficiaires du secteur.

«Il y a une résidence privée à Dorval, la résidence Herron, qui a dû être mise sous tutelle parce qu’il y avait des employés qui désertaient. Ça a créé un important manque de personnel», observe-t-il.

En raison d’un décret ministériel émis au mois de mars, les établissements de soins peuvent temporairement transférer des employés ou engager des professionnels inexpérimentés.

«Ils sont envoyés dans ces zones d’éclosion», indique M. Deschamps.

CHSLD de LaSalle

Métro a recueilli le témoignage d’une préposée aux bénéficiaires arrivée sur le plancher du CHSLD en pleine pandémie.

Afin d’éviter des représailles, elle tient à garder son nom secret.

Celle qui a commencé tout récemment affirme avoir remarqué un manque de personnel et d’organisation dès sa première journée. À son arrivée dans l’établissement, le gestionnaire en place n’avait pas été mis au courant de sa présence.

Mais ce qu’elle déplore surtout, c’est qu’on l’a mise au travail sans même lui donner de directives claires concernant les mesures à prendre pour éviter d’attraper ou de transmettre le coronavirus.

«On est censé avoir une réunion avant chaque quart, mais il n’y en a pas. Tu commences direct», dit-elle.

D’ailleurs, la préposée n’est guère étonnée de voir que LaSalle est le deuxième plus important foyer de contagion à Montréal, puisque «des employés ne respectent pas les directives d’isolement ou de changement de jaquettes. Ou encore certains patients se rassemblent dans la salle principale».

Elle ajoute que le manque de personnel est si criant qu’elle a dû compléter certains quarts toute seule, alors qu’il doit techniquement y avoir un minimum de deux préposés aux bénéficiaires en tout temps par section et au moins un gestionnaire.

Ce problème, mêlé avec le confinement, cause une grande détresse chez les patients, estime-t-elle.

Un accueil amélioré

Dans les trois jours précédant l’entrevue, le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île avait embauché 49 nouveaux employés.

Après avoir discuté du problème avec l’employeur, M. Deschamps a obtenu quelques «propos rassurants» sur la formation des employés.

«Ils nous ont dit qu’ils veulent améliorer l’accueil des nouveaux employés dans les installations», a indiqué M. Deschamps.

Partout à Montréal?

Pénurie de personnel oblige, les établissements de soins longue durée se tournent souvent vers de jeunes infirmières depuis le début de la pandémie. C’est ce qu’avance la présidente du secteur privé de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQP), Sonia Mancier.

«Hier soir, une personne m’a appelée en me disant: ça ne fait pas longtemps que je suis dans le réseau et on m’a demandé d’aller dans la zone chaude. Et elle n’avait pas le choix. On leur met l’épée au-dessus de la tête», évoque-t-elle.

«Je trouve ça déraisonnable. Cette professionnelle-là va juste vouloir prendre ses affaires et s’en aller.» – Sonia Mancier

Des renforts

Selon Sonia Mancier, la crise de la COVID-19 a exacerbé la pénurie de personnel.

«La pénurie a toujours été présente. Là, elles sont déjà moins au départ et on leur demande de travailler encore plus. J’ai reçu un témoignage ce matin: elle m’a dit qu’elle était la seule infirmière pour cent patients», soulève la syndicaliste.

Mardi, le premier ministre du Québec, François Legault, a convenu qu’il était nécessaire d’augmenter l’entrée de personnel dans le réseau des CHSLD. Une importante portion des morts depuis le début de la pandémie ont été constatées dans ces établissements, au Québec.

Si elle convient qu’il faut renflouer ces institutions, la directrice régionale de la santé publique, Mylène Drouin, appelle surtout à éviter les transferts de personnel.

«Oui, c’est l’ajout de personnel. Mais aussi, il faut séparer le personnel qui est dans des zones chaudes de celui qui ne l’est pas. Et donc de réduire le nombre de professionnels qui peuvent travailler à plus d’un endroit», a-t-elle avancé en conférence de presse, mercredi.

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