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SPVM: le coronavirus, «prétexte» pour éviter la question du profilage?

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Des interventions du Service de police de la Ville de Montréal ont eu lieu dans plusieurs parcs de la métropole. Photo: Josie Desmarais/Métro

La crise du coronavirus ne doit pas servir de prétexte pour ne pas mettre en place des mesures pour prévenir le profilage racial au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), scandent des organismes. Ces derniers pressent le corps de police de publier des données sur l’origine ethnique des personnes interpellées par les forces de l’ordre.

Ce n’est pas la première fois qu’une telle demande est formulée. En fait, depuis la publication d’un rapport accablant sur les interpellations policières au SPVM, des groupes ont uni leurs voix à plusieurs reprises pour presser le SPVM d’agir pour mettre fin au profilage racial.

Cette analyse universitaire, présentée en octobre dernier, indiquait que les personnes noires et arabes ont en moyenne quatre fois plus de chances que les personnes blanches d’être appelées à s’identifier sans raison auprès des forces de l’ordre. Les femmes autochtones, pour leur part, ont 11 fois plus de chances de subir des interpellations.

Ces interpellations ne sont pas nécessairement liées à une enquête ou à une infraction, mais constituent plutôt des contrôles de routine de l’identité des individus.

Engagements retardés

Rapidement, après la publication de ce rapport, le SPVM avait pris plusieurs engagements pour prévenir les biais systémiques au sein de ses membres. Le corps de police prévoyait notamment de compléter une politique en matière d’interpellations avant le mois de mars dernier. Il se donnait le même échéancier pour créer une équipe spécialisée dans les interventions auprès des communautés culturelles.

Le SPVM a toutefois mis ces engagements sur pause en raison de la pandémie.

«Où est la politique qui était promise pour mars 2020? Quand allons-nous l’avoir?», a questionné jeudi le directeur général du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), Fo Niemi. Ce dernier a pris part en avant-midi à une conférence virtuelle auprès d’autres organismes et du conseiller indépendant Marvin Rotrand.

Questionné par Métro, le SPVM a confirmé avoir mis sur pause la réalisation de ces engagements en raison de la pandémie. Le corps de police assure toutefois qu’il «implantera sa politique et divulguera l’avancement de ses travaux dès que les circonstances et conditions seront réunies».

Motion

Lundi prochain, M. Rotrand, qui siège dans le district de Snowdon, déposera une motion en séance du conseil municipal pour demander à la Ville de forcer le SPVM à publier des données détaillées notamment sur l’origine ethnique et le statut social des personnes faisant l’objet d’interpellations policières. Ces informations pourraient faire l’objet d’une présentation sur une base annuelle ou bi-annuelle, a précisé M. Niemi.

«Cette politique adresserait les inquiétudes des citoyens reliées au profilage racial», estime M. Rotrand.

Le temps presse, selon des organismes, d’autant plus que plusieurs d’entre eux appréhendent une hausse des cas de profilage racial par les forces de l’ordre en lien avec la crise du coronavirus. Depuis le mois de mars, le SPVM a remis des centaines d’amendes s’élevant en général à environ 1500$ à des personnes ne respectant les règles de distanciation physique ou sociale en vigueur.

«En raison de la COVID-19, on a des expériences d’adolescents qui sont interpellés dans la rue et qui se font demander leurs pièces d’identité. […] C’est bien de sortir, mais si tu risques de recevoir une amende de 1500$, c’est très problématique», laisse tomber la vice-présidente de l’Association jamaïcaine de Montréal, Sharon Nelson.

Les représentants d’organismes précisent toutefois qu’ils ne peuvent prouver actuellement si les minorités visibles ont fait l’objet de plus d’interpellations policières en lien avec le respect des mesures sanitaires dans les dernières semaines. D’où l’importance, selon eux, d’avoir accès à des données à cet égard.

«Les statistiques montrent que dans les endroits où de telles données sont collectées, comme à New York, les personnes racisées sont surreprésentées dans les interpellations policières», souligne Alain Babineau, du CRARR. Ce dernier ne serait pas surpris que la situation soit similaire à Montréal.

La motion sera débattue lundi prochain en séance du conseil municipal.

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