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Saignée de la main-d’œuvre dans des services à domicile de Montréal

Services à domicile
Judy Bambach est la directrice de Répit Ressources, dans l'Est de Montréal. Photo: Josie Desmarais/Métro

Alors que Québec a reçu hier des dizaines de milliers de candidatures pour son nouveau programme de formation, des services à domicile de Montréal appréhendent le pire pour leurs patients. L’exode du personnel, combiné à des hausses de salaire insuffisantes, leur fait craindre une saignée de la main-d’œuvre sans précédent, qui marquerait un point de non-retour.

«On desservait environ 12 000 usagers au début de la pandémie. Aujourd’hui, au moment où on se parle, ça va être difficile d’en traiter 550. C’est abominable», martèle la directrice générale du centre Répit-Ressource, situé dans l’est de Montréal, Judy Bambach.

À Montréal, les neuf entreprises d’économie sociale d’aide à domicile (EÉSAD) qui offrent des services à domicile ont vu leurs ressources chuter dans les derniers mois. Plus de 450 employés auraient déjà quitté, soit pour suivre le programme de formation du gouvernement, soit pour obtenir de meilleures conditions ailleurs.

«C’est un peu comme si on se promenait sur une route en temps de guerre. On pense souvent qu’on va dans le bon sens, mais il y a constamment des bombes qui explosent.» -Judy Bambach

Primes insuffisantes

La prime salariale de 8% serait très loin d’être suffisante pour les préposés à domicile, selon la gestionnaire. Celle-ci déplore en fait que ces suppléments ne soient que partiels. «La prime ne s’applique pas partout, mais seulement aux usagers pour lesquels le CIUSSS paie. Presque une semaine sur deux, je ne peux rien donner de plus à mes employés, alors que ce sont les mêmes tâches», scande-t-elle.

D’ailleurs, au CIUSSS Centre-Sud, le porte-parole Éric Forest dit n’anticiper aucun exode d’employés, «puisqu’ils ont droit aux mêmes mesures de bonification des salaires» qu’en CHSLD. Il reconnaît malgré tout que les ressources baissent. «Nous faisons présentement moins de visites chez les usagers depuis le début de la crise sanitaire», dit-il.

Au Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA), on accueille aussi avec «consternation» le nouveau programme de formation de Québec. «Sur le terrain, on constate déjà les effets néfastes. Plusieurs propriétaires de résidences pour aînés nous ont rapporté des démissions ou des manifestations d’employés très intéressés à accepter l’appel du premier ministre», indique son PDG, Yves Desjardins.

«Je ne sais plus à quoi m’attendre»

Préposée à domicile depuis plusieurs années maintenant, Annie Méthot n’entend pas quitter son poste. Mais elle n’en revient pas de la détresse humaine engendrée par les choix du gouvernement.

«Plusieurs de nos clients sont sur des listes d’attente parce qu’on n’a pas les capacités. Quand on arrive chez eux après un ou deux mois, ce n’est pas beau à voir. Il y en a qui dépendent complètement de nous, ils n’ont même pas de soutien familial», dénonce la Montréalaise, en entrevue avec Métro.

«Je ne sais plus à quoi m’attendre quand j’ouvre une porte. On est épuisées psychologiquement, parce qu’on sait que les usagers auraient besoin de beaucoup plus.» -Annie Méthot

Par son nouveau programme de formation, Québec n’aidera en rien à résoudre le problème, selon elle. «On amplifie le problème, en diminuant encore plus les services à domicile, alors que les besoins sont grandissants. Je ne serais pas surpris de trouver quelqu’un à terre, chez lui, si ça continue», lâche la préposée. Elle estime que de plus en plus de gens prendront le chemin de l’hôpital, si rien ne change.

Des patients angoissés

La situation cause énormément d’anxiété et d’inquiétude pour plusieurs patients à travers le Québec. C’est le cas d’André Brosseau, atteint de la sclérose en plaques depuis 2011. Il se dit «complètement dépendant» de l’aide qu’il reçoit à sa résidence.

«C’est vraiment insécurisant ce qui se passe en ce moment, à bien des niveaux. Je me considère chanceux d’avoir encore accès à des services aujourd’hui, mais je me demande comment ça ira demain. Des gens comme moi sont pris en otage, et c’est stressant.» -André Brosseau

M. Brosseau estime que les autorités «déplacent un problème», celui de la crise dans les CHSLD, «pour en créer un autre ailleurs». «La seule solution serait d’être plus conformes au niveau du salaire, pour tout le monde», insiste-t-il.

Appelée à réagir, l’attachée de presse au cabinet de la ministre de la Santé, Élizabeth Lemay, indique que «le soutien à domicile est une grande priorité». «Nous travaillons en ce moment afin de viser à un salaire cohérent pour des fonctions similaires pour le personnel en soins à domicile. On comprend leur inquiétude, mais l’objectif de notre campagne de recrutement n’est pas de prendre des ressources déjà présentes dans le réseau, mais d’en ajouter», indique-t-elle.

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