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Campements: organismes et itinérants appréhendent d’autres démantèlements

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Jason Dominique demeure depuis juillet dans un campement situé sur le site de l’Îlot Voyageur. Photo: Zacharie Goudreault/ Métro

Des organismes et des personnes en situation d’itinérance appréhendent d’autres démantèlements de campements de fortune à Montréal dans les prochains jours, a constaté Métro.

Le démantèlement du campement de la rue Notre-Dame Est a semé l’inquiétude, tant auprès des organismes communautaires que des sans-abris qui continuent actuellement de vivre dans des tentes dans différents secteurs de la métropole, notamment dans Hochelaga et au centre-ville.

Lundi, plusieurs policiers, dont certains du Groupe tactique d’intervention, ont pris part à l’opération de démantèlement du campement de la rue Notre-Dame Est. Ceux-ci auraient bloqué l’accès à de nombreux intervenants communautaires qui souhaitaient apporter leur support aux campeurs.

Des organismes craignent maintenant que l’histoire se répète ailleurs dans la métropole.

«Les petits campements se font déranger constamment», constate le directeur général de Cactus Montréal, Jean-François Mary. «Je dirais que c’est du harcèlement, carrément», lâche-t-il en entrevue à Métro.

Un campement à l’Îlot Voyageur

M. Mary appréhende notamment le démantèlement «imminent» d’un campement de fortune qui a pris forme dans les derniers mois sur le site abandonné de l’Îlot Voyageur, qui appartient à la Ville depuis 2018. Cet ancien terminus de bus du centre-ville accueille toujours actuellement un peu moins d’une dizaine de tentes et abris de fortune, a constaté Métro vendredi en parcourant les lieux avec Jason Dominique. Ce dernier possède la plus grande tente de l’endroit, où il demeure depuis juillet en compagnie de son colocataire, Denis Beaumont.

«On va encore être obligé de déménager», soupire M. Dominique. Sans domicile fixe depuis trois décennies, l’homme affirme avoir subi quatre démantèlements depuis le début de l’été. Chaque fois, les policiers arrivent sans prévenir, déplore-t-il.

Esprit d’entraide

Pourtant, les campeurs de l’Îlot Voyageur ne dérangent personne, souligne M. Dominique, qui a bien rembourré sa tente pour l’hiver, qu’il chauffe en utilisant des bougies. Les campeurs peuvent aussi s’entraider et se protéger, ajoute-t-il. «Ça fait cinq vies que je sauve en deux semaines», lance Jason Dominique, qui s’est procuré de la naloxone pour intervenir lorsque des campeurs vivent une surdose reliée à la consommation d’opioïdes.

«Je ne veux pas changer ma vie. Je suis bien comme je suis là», ajoute M. Dominique. Pour lui, il est hors de question d’aller dans le refuge aménagé dans l’Hôtel Place Dupuis, juste en face. Si le campement doit disparaître, il ira planter sa tente ailleurs, confie-t-il.

«Au refuge, il faut faire la file et suivre les règles. Il y a trop de protocoles», explique M. Dominique, qui craint aussi d’attraper la COVID-19 s’il se rend dans un refuge, où le respect de la distanciation physique peut s’avérer complexe.

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Quelques tentes ont pris forme sur le site de l’Îlot Voyageur dans les derniers mois. Zacharie Goudreault/Métro.

Un démantèlement «imminent»

Selon Cactus Montréal, qui tire ses informations du Service de sécurité incendie de Montréal et du Service de police de la Ville de Montréal, le démantèlement de ce campement devrait avoir lieu d’ici quelques jours, potentiellement lundi. M. Mary a toutefois espoir que cette opération se déroule dans le calme, l’organisme ayant réussi à convaincre les services de la Ville de l’informer en amont de ce démantèlement.

«Il n’y a pas de démantèlement en cours ou prévus sur le terrain de l’îlot voyageur appartenant à la Ville. Ce sont des rumeurs non avérées», a toutefois répliqué à Métro, en fin d’après-midi, une attachée de presse de l’administration de Valérie Plante, Catherine Cadotte. Elle préfère parler d’une opération de «mise à l’abri solidaire et volontaire».

«Des intervenants offrent aux campeurs un entreposage gratuit de leurs effets personnels, jusqu’au 31 mars 2021, et nous travaillons avec nos partenaires communautaires pour accompagner les personnes vers les ressources disponibles», indique-t-elle.

«Je veux monter ma tente une fois pour toutes et qu’on arrête de me déloger.» -Jason Dominique, campeur à l’Îlot Voyageur

Plus de tolérance réclamée

Des démantèlements de petits campements dans Hochelaga auraient aussi eu lieu en matinée, vendredi, selon le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM).

«Sur la rue Sicard, les personnes qui voulaient continuer à dormir en tentes sont juste parties un peu plus loin», indique à Métro l’organisatrice communautaire du RAPSIM, Laury Bacro. «On ne fait que mettre ces gens-là plus à risque» en les éloignant des organismes communautaires et en les divisant en plus petits groupes, déplore-t-elle.

Jean-François Mary appelle ainsi la Ville à faire preuve de plus de tolérance à l’égard des campements qui ont pris forme cette année dans la métropole dans le contexte de la pandémie du coronavirus et de la crise du logement.

«Ce qu’on demande à la Ville, c’est de faire preuve d’un minimum d’humanisme et qu’elle tolère les personnes [qui s’installent] où ça ne dérange personne», plaide-t-il.

Au cas par cas, dit la Ville

Questionné par Métro vendredi, le responsable de l’habitation au comité exécutif, Robert Beaudry, n’a pas écarté la possibilité que d’autres démantèlements de campements aient lieu dans les prochains jours.

«Ça va être des évaluations au cas par cas […] Il y aura des évaluations pour analyser les enjeux de santé et de sécurité», a-t-il déclaré en marge d’un point de presse portant sur la conservation de logements abordables dans Lachine et Verdun. Il a d’ailleurs souligné qu’aucune arrestation n’a eu lieu en lien avec le démantèlement du campement de la rue Notre-Dame Est qui, selon lui, «a somme toute bien été».

L’élu de Projet Montréal a d’ailleurs invité les personnes qui vivent dans ces tentes à se diriger vers les différents refuges d’urgence mis en place par la Ville dans les derniers mois, alors que le nombre d’itinérants aurait doublé à Montréal.

«Les ressources en place sont tout à fait suffisantes», a assuré M. Beaudry.

La tolérance des campements est-elle envisagée par la Ville?

«On n’est pas une optique de tolérance. On est dans une optique de santé publique et de sécurité publique», a tranché l’élu.

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