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Montréal réclame la décriminalisation de la possession simple de drogues

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Des seringues neuves dans un site d'injection supervisée. Photo: Josie Desmarais | Métro

La Ville de Montréal presse Ottawa de décriminaliser la possession simple de drogues, alors que le nombre de surdoses est en hausse dans la métropole. Une demande qui ne fait toutefois pas l’unanimité à l’hôtel de ville.

Les élus du conseil municipal se sont penchés mardi sur une motion en ce sens déposée par le conseiller indépendant de Snowdon, Marvin Rotrand. Dans les dernières semaines, de nombreux organismes communautaires ont pressé Montréal d’emboiter le pas à Vancouver en demandant elle aussi au gouvernement fédéral de décriminaliser la possession simple de drogues.

Selon plusieurs groupes, la loi actuelle contribue à la stigmatisation des utilisateurs de drogues, ce qui nuirait à leur santé et à leur sécurité. Le nombre de surdoses mortelles rapportées par le Bureau du coroner a d’ailleurs connu une hausse marquée cet été ainsi qu’en octobre dernier. Montréal est d’ailleurs la région la plus touchée au Québec par le phénomène des surdoses.

Motion adoptée

Mardi après-midi, une version amendée de cette motion a été adoptée avec 47 voix pour et 13 contre. Elle a notamment reçu l’appui de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, et du chef intérimaire de l’opposition officielle, Lionel Perez.

«Cette mesure va permettre d’orienter les ressources de sécurité publique où on en a vraiment besoin», s’est pour sa part réjoui M. Rotrand. Actuellement, la criminalisation de la possession simple de drogues contribue à «isoler encore plus» les toxicomanes, rendant leur situation encore plus précaire, a aussi fait valoir le conseiller indépendant du district de Loyola, Christian Arseneault, qui a soutenu M. Rotrand dans sa démarche.

Un constat que partage la responsable de l’inclusion sociale au comité exécutif, Nathalie Goulet, qui a offert son appui à cette motion en marge de son adoption. 

«On doit en effet adopter une approche de santé publique plutôt qu’une approche de judiciarisation des personnes, et nous devons travailler à la réduction des méfaits», a-t-elle dit. Pour ce faire, il ne faut pas «interdire un comportement jugé problématique», mais plutôt «réduire les conséquences de ce comportement sur les personnes jugées à risque», a ajouté l’élue de Projet Montréal.

«Un malaise» pour certains élus

Quelques élus ont toutefois fait part de leur opposition à cette motion. C’est notamment le cas du conseiller du district de Saint-Léonard Ouest, Dominic Perri, a voté contre cette requête, disant craindre que celle-ci ne contribue à la «banalisation» de l’utilisation de «drogues dures». Un «malaise» qu’a aussi dit partager le conseiller Richard Deschamps, de l’Équipe Barbe.

«Il me semble qu’on va vite pour voter et accueillir favorablement une telle proposition […] On n’a pas de preuves qu’il y aura une réduction des méfaits», a affirmé l’élu de LaSalle, qui appréhende aussi une hausse du «crime organisé» si cette demande reçoit l’aval d’Ottawa.

Le maire d’Anjou, Luis Miranda, a lui aussi voté contre cette motion, de même que le vice-président de la Commission de la sécurité publique, Abdelhaq Sari, entre autres.

Un enjeu de santé publique

Dans une lettre acheminée mardi à M. Rotrand, la directrice de santé publique de Montréal, Mylène Drouin, s’est d’ailleurs positionnée en faveur de cette motion. 

«Incluse dans un train de mesures cohérentes, cette décriminalisation pourrait agir en réduisant la judiciarisation des personnes qui utilisent des drogues, en diminuant la stigmatisation liée à l’usage de drogues et en contribuant à lever certaines barrières à l’accès au traitement pour les personnes qui souhaitent s’en prévaloir», indique le document, dont Métro a obtenu copie.

Mme Drouin estime d’ailleurs que cette demande est encore plus «importante» dans le contexte de la pandémie, qui a eu des «impacts collatéraux importants pour les personnes qui utilisent des drogues à Montréal». En plus de faire état d’une «hausse marquée» des surdoses depuis le début de la crise sanitaire, la lettre mentionne aussi une augmentation des interventions d’urgence auprès d’utilisateurs des sites de consommation supervisée.

«Cette situation épidémiologique survenue au cours des derniers mois a placé Montréal devant le bilan le plus préoccupant observé depuis le début de la vigie montréalaise des surdoses, en décembre 2016», soulève Mylène Drouin.

Dans les derniers mois, tant le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, que l’administratrice en chef de l’Agence de la santé publique du Canada, Theresa Tam, ont fait preuve d’ouverture quant à la décriminalisation de la possession simple de drogues.

«Toutes les figures majeures de santé publique endossent les recommandations inscrites dans cette motion.» -Marvin Rotrand, conseiller indépendant de Snowdon

Stratégie de réduction des méfaits

Contacté par Métro, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) s’est d’ailleurs dit «favorable» à la décriminalisation de la possession simple de drogues «dans une optique de réduction des méfaits». Une telle mesure devra toutefois s’accompagner «de ressources et de mesures complémentaires pertinentes», notamment en matière de santé et «d’accès aux soins».

La motion demande d’ailleurs que cette éventuelle décriminalisation de la possession simple de toutes les drogues s’accompagne de la mise en oeuvre, par la Ville, d’une stratégie de réduction des méfaits. Celle-ci comprendrait des mesures «adaptées et complémentaires» afin de réduire les effets des sanctions pénales sur les toxicomanes.

À cet égard, Mme Goulet a notamment rappelé que des milliers de policiers du SPVM ont reçu dans les derniers mois une formation pour pouvoir administrer de la naloxone à des personnes en surdose d’opioïdes.

Jusqu’à maintenant, le gouvernement de Justin Trudeau s’est montré froid à l’idée de décriminaliser la possession simple de drogues au Canada.

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