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COVID-19: Montréal presse la Santé publique de récolter des données sur la race

Une file de personnes en attente d'un test de dépistage de la COVID-19 au CLSC de Parc-Extension. Photo: Josie Desmarais/Métro

La Ville de Montréal presse les autorités de santé publique à Québec et à Ottawa de récolter des données sur la race et le statut social des personnes atteintes du coronavirus. Mais le gouvernement Legault est froid à l’idée.

Les élus du conseil municipal ont adopté mardi soir à l’unanimité une motion du conseiller indépendant Marvin Rotrand. Appuyée par de nombreux groupes communautaires, celle-ci demande aux autorités sanitaires à Québec et à Ottawa de «recueillir et [de] publier des données désagrégées incluant la race, le revenu, le handicap et d’autres déterminants sociaux de santé» des personnes atteintes de la COVID-19.

Selon la Ville, la collecte de ces données permettrait de mieux saisir les «disparités systémiques» que la pandémie a exacerbées et ainsi «développer des mesures cohérentes et efficaces pour renforcer l’accès équitable à la santé», indique le document.

«On doit tenir compte des problèmes systémiques qui ont créé des problèmes d’accès aux soins de santé pour différentes races», a d’ailleurs réagi mardi le chef intérimaire d’Ensemble Montréal, Lionel Perez.

Racisme systémique

En août dernier, la Santé publique de Montréal a publié une analyse qui témoigne d’un «gradient croissant» entre le nombre de cas positifs à la COVID-19 par 100 000 habitants dans les quartiers montréalais et la proportion de membres des minorités visibles qui demeurent dans ceux-ci. C’est notamment le cas à Montréal-Nord, dans le quartier Saint-Michel et dans Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce.

Toutefois, «il n’est pas possible, à ce jour, d’établir la prévalence exacte de la COVID-19 selon le groupe ethnoculturel, puisque ces informations ne sont pas colligées lors des enquêtes de cas individuelles», comme c’est le cas à Toronto, indique le document.

Pour la conseillère de Projet Montréal Cathy Wong, cet enjeu de collecte de données s’inscrit dans la lutte contre le racisme et la discrimination systémiques, un dossier qu’elle chapeaute au comité exécutif.

«Ces données nous permettront de mieux lutter contre les inégalités systémiques et surtout de mieux déployer les programmes sociaux pour qu’ils répondent aux besoins des communautés», a-t-elle déclaré pendant la séance du conseil municipal.

La DRSP compte agir

La directrice régionale de santé publique de Montréal (DRSP), Mylène Drouin, se dit d’ailleurs sur la même longueur d’onde que la Ville dans ce dossier.

«C’est important d’avoir ces informations pour bien adapter nos interventions», a-t-elle affirmé lorsque questionnée par Métro mercredi, en marge d’une conférence de presse à Montréal.

Ses équipes entendent d’ailleurs poser des questions additionnelles aux personnes atteintes de la COVID-19, notamment afin de connaître leur langue maternelle et leur origine ethnique. La Santé publique de Montréal espère ainsi pouvoir «découvrir des éclosions ou des agrégats de cas liés à des communautés spécifiques» et adapter ses interventions en conséquence.

«C’est quand même un sujet sur lequel nous sommes très sensibles.» – Mylène Drouin, DRSP

Québec rejette l’idée

Aux États-Unis, la collecte de données individuelles détaillées sur la COVID-19 dans plusieurs États a permis de constater que les personnes noires, d’origine latino-américaine ou autochtones sont nettement plus à risque de contracter la maladie ou d’en mourir que les personnes blanches.

Au Canada, le Manitoba est la seule province qui collige actuellement des données sur l’origine ethnique des patients atteints de la COVID-19. Une étude publiée en octobre dernier par Statistique Canada a toutefois fait toutefois état d’un taux de mortalité relié à la COVID-19 plus élevé dans les quartiers «défavorisés sur le plan socioéconomique» à travers le pays, où les membres des minorités visibles sont «surreprésentés».

La pandémie a ainsi «mis en évidence» le besoin d’avoir accès à des données désagrégées sur l’origine ethnique des personnes atteintes de la maladie afin de mieux cerner l’ampleur des inégalités auxquelles font face les minorités visibles dans le contexte de la crise sanitaire, souligne le rapport.

Joint par courriel, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec a assuré être «très sensible» à cet enjeu. Il n’entend pas pour autant «recueillir l’information concernant l’ethnicité lors des enquêtes de santé publique», confirme une porte-parole. Québec compte toutefois tenir compte des «inégalités sociales de santé» pour réaliser ses analyses sur «les populations à risque» dans le contexte de la pandémie.

Au moment d’écrire ces lignes, le cabinet de la ministre fédérale de la Santé, Patty Hajdu, n’avait pas répondu à nos questions.

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