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Itinérance: retour des campements à Montréal

Guylain Levasseur est un occupant du campement dans Hochelaga-Maisonneuve. Photo: Jason Paré/Métro

De nouveaux campements occupés par des personnes itinérantes ont vu le jour dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve et le Plateau-Mont-Royal.

Moins visible que celui de l’année dernière aux abords de la rue Notre-Dame, le camp de fortune dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve s’est installé dans le boisé Steinberg dans le secteur de Viauville. Tentes et roulottes y ont fait progressivement leur apparition depuis la mi-avril. Métro y a rencontré Guylain Levasseur, un occupant du campement, peu de temps après une visite du chef d’Ensemble Montréal, Denis Coderre.

Sans domicile depuis des années à la suite d’une infestation de punaises dans son immeuble, M. Levasseur était déjà l’un des organisateurs du campement Notre-Dame en 2020. De fil en aiguille, il est devenu en quelque sorte un porte-parole du campement Notre-Dame, et cette année ne fait pas exception. Il a installé sa roulotte dans le boisé Steinberg il y a plus d’une semaine et plusieurs médias lui ont parlé jusqu’à maintenant, ce qui ne le dérange pas, au contraire.

«Un moment donné, il faut être visible. On fait un combat pour l’itinérance, pour aider le monde. – Guylain Levasseur, un occupant du campement»

Il regrette que l’année dernière, un seul occupant du campement Notre-Dame ait trouvé un logement permanent.

Simon Chrétien, lui, a installé sa tente au campement Hochelaga peu de temps après l’arrivée de Guylain. Il explique qu’il a essayé d’avoir un logement, sans succès.

«J’ai essayé d’aller en voir une couple, mais la plupart, quand tu les appelles, il te demande un test de Covid.» – Simon Chrétien, un occupant du campement

Pour ce qui est des logements sociaux, il raconte que c’est trop difficile d’avoir une place. «Ça fait onze ans que j’attends un HLM.» C’est le décès de l’un de ses fils qui l’a amené à vivre dans la rue. Malgré cela, il affirme ne pas avoir perdu contact avec ses deux autres enfants et ses deux petits-fils. «Je les vois quand même régulièrement et quand on se voit pas, on communique par Facebook.»

Pendant l’hiver, Simon a été hébergé au centre Pierre-Charbonneau, une expérience qu’il n’a pas trop appréciée, surtout pour ce qui est de la cohabitation avec les autres et les vols qu’il y a subis. «Moi, je suis un gars tranquille. J’aime mieux être icitte que là-bas. T’as une liberté. Tu peux avoir toute icitte.»

Si on les autorise à rester, Pierre raconte que les occupants du campement prévoient se faire un jardin. Selon lui, ils ne dérangent personne. «On est tranquille. Le monde fait leurs affaires et personne se fait voler.»

De nombreux visiteurs

En plus de M. Coderre et le porte-parole de l’opposition officielle en matière d’itinérance, Benoit Langevin, la responsable de l’itinérance au comité exécutif, Nathalie Goulet, leur a également rendu visite à leur campement. «Ils sont bienvenus. Même Valérie [Plante] est bienvenue. On peut s’assoir et discuter.»

Afin d’être le plus sécuritaires possible et ne pas se faire déloger, les occupants du campement Hochelaga ont décidé de ne plus faire de feu. Malgré cette restriction, Guylain ne s’inquiète pas pour le mauvais temps. «J’ai des génératrices et j’ai des chaufferettes disponibles.»

Grâce à la générosité de Bertrand Raymond, le patron de la compagnie Speedex, située à Terrebonne, une cuisine a été aménagée dans un abri d’auto et un extincteur a été distribué pour chaque tente du campement.

«Ça fait cinq ans que je m’implique beaucoup dans la société à Montréal, raconte M. Raymond. Cet hiver, j’ai donné avec mes complices 5000 repas à la Place Émilie-Gamelin. C’est pas normal qui a du monde dans rue.»

Guylain mentionne qu’il reste tout de même des besoins à combler, comme des toilettes, des bidons d’eau, des trousses médicales et de la naloxone. Pour ce qui est de la suite, Guylain cherche à contacter le propriétaire des lieux pour s’entendre avec lui et qu’on leur permette de rester.

Sur Le Plateau, des citoyens réclament un meilleur encadrement des campements

Le campement qui s’est récemment formé près de la station de métro Mont-Royal, dans un ancien stationnement à l’arrière du sanctuaire du Saint-Sacrement, a quant à lui bouleversé le quotidien de plusieurs citoyens. Hurlements, bouteilles de bière brisées, violence… Voilà ce qui est rapporté par certaines personnes du quartier, qui réclament à la Ville et l’arrondissement un meilleur encadrement de la situation.

«C’est depuis le démantèlement de la halte-chaleur que les choses dégénèrent. Il y a du bruit et on vit des situations assez inquiétantes», témoigne une résidente du secteur, Maryline Pires.

Pendant le mois de février, une halte-chaleur temporaire a été mise en place à cet endroit par le RÉSEAU de la communauté autochtone à Montréal en collaboration avec la Ville, le Centre d’amitié autochtone de Montréal Inc et Exeko. Le projet avait été initié d’urgence à la suite du décès de Raphael André Napa, qui avait été retrouvé sans vie par des policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) dans une toilette chimique en janvier.

«Il s’agissait d’une mesure hivernale. À cause de la fermeture des restaurants et des espaces publics, c’était plus difficile pour les personnes en situation d’itinérance d’avoir accès à de la chaleur», explique le responsable des communications de RÉSEAU, Alexandre Huard-Joncas.

La halte-chaleur a été démantelée une fois que la température a remonté à la fin du mois de mars, comme prévu. Les organismes impliqués auraient aimé continuer de faire vivre ce projet, mais il s’ajoutait à plusieurs autres initiatives déjà en vigueur, souligne M. Huard-Joncas. Le personnel était déjà épuisé par ses nombreux engagements après une année de pandémie, ajoute-t-il.

Pendant ces deux mois, les personnes itinérantes des environs étaient moins dans la rue et devant les commerces, entraînant une réduction des plaintes des résidents, mentionne-t-il.

Mobilisation de citoyens

Mardi après-midi, trois tentes étaient toujours installées dans le stationnement. Une dizaine de personnes en situation d’itinérance issues de la communauté autochtone étaient réunies autour d’une table de pique-nique. Quelques bouteilles de bière vides pouvaient être aperçues. Un homme allongé près d’une des tentes échangeait des injures avec une dame qui se servait de la toilette chimique.

Trois citoyens du quartier, soit Marilyne Pires, Sylvie Lamer et René Auger, ont chacun entrepris des démarches similaires avant même de se consulter. Étant tous inquiets de la situation, ils ont communiqué avec la Ville et l’arrondissement, mais sans obtenir de réponse, selon leurs dires. Ces résidents voulaient trouver une solution autre que d’avoir à appeler la police dans certains cas graves.

Ils se sont par la suite regroupés pour créer une pétition, laquelle compte 120 signatures en date du 27 avril et s’adresse au maire de l’arrondissement.

Un des enfants de Mme Pires aurait vu un des sans-abri faire ses besoins dans le stationnement. Celle-ci craint pour la sécurité de son fils et sa fille. Ils évitent dorénavant de passer par là.

«Le choix de l’emplacement n’a pas été très bien réfléchi. Il y a une école juste au coin. Les élèves traversent. Il y a le métro à deux pas et tous les résidents», exprime Mme Lamer.

Les personnes occupant le campement consommeraient beaucoup et seraient très bruyants (cris incessants ponctués d’injures, musique, etc.). Des bagarres et des actes de violence sexuelle se seraient déjà produites, selon les initiateurs de la pétition. Ces derniers réclament donc un meilleur encadrement de la situation. Une solution adaptée aux besoins réels des itinérants autochtones doit être apportée, soutiennent-ils.

Clarification

D’autres citoyens du quartier choqués par la pétition auraient envoyé un courriel à RÉSEAU, soutient M. Huard-Joncas. Ceux-ci préparaient une autre pétition en appui aux actions structurantes de la communauté autochtone dans Le Plateau-Mont-Royal.

«On n’est pas contre le fait qu’il y ait des gens là. C’est le comportement et le manque d’encadrement qui nous inquiète dans le fond. On ne sait pas où tout ça va, mais on est ouvert à la communication», précise M. Auger.

«Quand on s’est promené avec la pétition, la majorité des personnes nous on dit qu’ils étaient inquiets pour cette population itinérante. Ce n’est pas une action contre eux et ça, on l’a dit très clairement depuis le début.» – Sylvie Lamer, résidente

Les trois riverains aimeraient que quelque chose de mieux soit proposé aux gens de ce campement de fortune.

«En ce moment, ces personnes en situation d’itinérance n’ont rien. C’est un stationnement. Ils n’ont pas de services. Ils sont laissés à eux-mêmes. Ils ont des besoins réels qui ne sont pas rencontrés», déclare Mme Lamer.

Solutions aux campements des sans-abri

Le directeur général de la Société de développement commercial (SDC) de l’avenue du Mont-Royal, Claude Rainville, a communiqué, le lundi 26 avril, avec la conseillère d’arrondissement du district De Lorimier, Josefina Blanco, pour aborder le sujet et tenter de trouver des solutions à la problématique des campements de sans-abri.

«Il faut trouver un équilibre. Il y a un soutien qui doit être apporté à ces gens-là, mais en même temps, il faut préserver un sentiment de sécurité dans le quartier. Ce que l’on me dit, c’est qu’il y a beaucoup d’incivilité dans ce secteur-là» – Claude Rainville, directeur général de la Société de développement commercial (SDC) de l’avenue du Mont-Royal

De son côté, Mme Blanco explique qu’il sera important d’opter pour une approche humaine avec les personnes sans-abri qui font ces campements, tout en étant empathique avec les gens du voisinage. Ces derniers peuvent parfois faire face à des situations pouvant être difficiles en matière de cohabitation harmonieuse, en raison du bruit, de la propreté ou de disputes qui peuvent prendre place, reconnaît-elle.

«On doit voir de quelle façon on peut accompagner à la fois les personnes en situation d’itinérance et les résidents», affirme Mme Blanco.

«Avec l’arrivée du beau temps, les gens peuvent avoir tendance à aller vers des tentes. On ne croit toutefois pas que des campements permanents représentent une réponse permanente au problème du logement», dit-elle.

L’arrondissement dit donc s’engager à trouver une solution, mais le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral devront contribuer en investissant de l’argent pour répondre au problème d’accessibilité au logement, suggère-t-elle.

En 2017, l’arrondissement a fait l’acquisition du terrain qui servait alors de stationnement au Centre de services communautaires du Monastère pour 3 M$. Il s’agissait d’une première étape vers l’aménagement d’un pôle culturel dans Le Plateau-Mont-Royal. À la base, l’idée de ce projet avait été lancée en 2002.

À l’heure actuelle, les travaux sur la station de métro sont en cours. Ceux-ci doivent être terminés avant de passer à la prochaine étape, fait remarquer Mme Blanco.

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