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Légumes et sols contaminés, une cohabitation difficile

Photo: Josie Desmarais/Métro

Des 97 jardins communautaires montréalais ensevelis en ce moment sous la neige, mais très populaires en été, 20 ont été identifiés comme ayant des terres dangereusement contaminées. Si les arrondissements ont tenté depuis de pallier le problème de différentes façons, la décontamination a été la solution la moins retenue.

Les potagers situés au sein d’une métropole comme Mont­réal sont directement soumis aux contaminations multiples issues des anciennes activités industrielles. C’est ce qui ressort d’une étude de toxicité des jardins communautaires menée par la Direction de la santé publique de Montréal (DSP), en 2009. Parmi les 20 jardins présentant une problématique de contamination, 9 cas touchent l’ensemble du jardin, tandis que dans les 11 autres, une section du terrain a été identifiée comme contaminée.

Grâce à une mise à jour effectuée par Métro, on constate que sept jardins ont été complètement ou partiellement fermés, tandis que seulement trois ont été décontaminés.

«La décontamination, c’est cher, et parfois, c’est juste impossible», confesse François Croteau, maire de l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie, où quatre jardins ont été identifiés comme gravement contaminés. Le jardin Lafond, par exemple, qui est sur un ancien dépotoir, contient une trop forte dose de métaux contaminants (arsenic, plomb, cuivre, etc.) pour être réhabilité. Il a été fermé.

Pour ce qui est des 10 autres jardins signalés comme problématiques, la culture de légumes et de fruits se fait dorénavant dans des bacs en bois, ou encore dans le sol, sur lequel on a ajouté de la terre saine. Le nouveau sol est séparé des contaminants grâce à une membrane d’imperméabilisation.

Ces solutions, qui coûtent quelques milliers de dollars, sont vues comme des options peu coûteuses qui permettent d’éviter la décontamination. Celle-ci coûte en moyenne plus de 150 000 $ par jardin.

Les jardins contaminés contiennent presque tous une concentration massive de plomb, de produits pétroliers et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (générés notamment au cours de la combustion de carburant et de charbon), explique Monique Beausoleil, qui a mené l’enquête pour la DSP. Malgré tout, la toxicologue assure «qu’il n’y a pas de danger réel pour la santé de la population».

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La DSP a testé en 2010 des légumes cultivés dans les sols des jardins les plus contaminés. Résultats : la teneur en métaux respectait les normes canadiennes de la santé, mais restait supérieure à celle observée dans les légumes vendus en épicerie.

Ces résultats ne surpren­nent pas Éric Duchemin, professeur à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM. «En milieu urbain, les contaminants sont présents, c’est inévitable. Il faut gérer les cultures en fonction de cette réalité», résume-t-il. Selon ses observations, les contaminants ont tendance à se retrouver en plus forte dose dans les feuilles. Pour la culture de la laitue, qui a des racines de 15 cm, il faut s’assurer d’avoir suffisamment de nouvelle terre ou encore faire pousser le tout dans un bac.

Même si les légumes cultivés en ville contiennent des métaux, il ne faut pas moins craindre ceux qu’on trouve au marché, croit M. Duchemin. «Les légumes en magasin contiennent des pesticides dont on connaît mal les effets sur le corps. Bref, dans les deux cas, on s’expose à des contaminants… À nous de choisir lesquels on préfère ingérer!» lance-t-il.

jardins communautaire graphique

Jardins communautaires nouveau genre : l’audace du maire Croteau

Dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, près de 900 personnes sont inscrites sur une liste d’attente et doivent patienter plusieurs années avant d’avoir accès à un jardin communautaire. Le maire François Croteau et son équipe ont trouvé des solutions créatives pour changer la situation. Entretien.

Pourquoi les listes d’attente sont-elles si longues?
Les terrains vagues coûtent cher à acquérir, et en plus, ils sont souvent très contaminés; donc, le processus est long avant que le jardin puisse être utilisé.

Que faites-vous pour contrer ce problème?
On encourage les amateurs de jardinage à s’accaparer le domaine public. C’est inspiré de ce qui se fait à San Francisco. Déjà, trois initiatives ont été prises par des groupes de citoyens, qui ont métamorphosé des saillies de trottoir en potagers. On encourage aussi les écoles et les comités de parents à utiliser les saillies qui servent actuellement à sécuriser le passage des écoliers.

Il n’y a aucun risque pour la sécurité alimentaire?
Non, puisque la terre contenue dans les saillies est propre. Toutefois, on ne contrôle pas les contaminants externes potentiels, comme l’urine de chien. Mais j’ai consulté des experts qui m’ont indiqué que les impacts sur la santé ne sont pas si nocifs, car il y a dissolution avec l’arrosage et la pluie. Bref, rien pour s’alarmer.

Pourquoi l’agriculture urbaine vous tient-elle tant à cœur?
Tous ces jardins de rue représentent une occasion de socialiser. Les gens sortent, parlent à leurs voisins. C’est un des meilleurs moyens de créer un sentiment d’appartenance à un quartier.

Quels sont vos prochains projets?
On pense aménager plus de jardins communautaires dans les parcs, dans les secteurs moins utilisés. De plus, je veux changer le règlement de zonage des secteurs industriels, afin de faciliter le déploiement de serres sur les toitures d’entreprises ou d’entrepôts, à la manière des Fermes Lufa.

Lire aussi: Un aperçu du Montréal toxique et Plus de 600 terrains contaminés sur l’île de Montréal

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