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Il faut revoir l’espace accordé aux voitures, dit l’économiste Philippe Crist

Photo: Collaboration spéciale

L’économiste et chercheur du Forum international des transports, Philippe Crist, croit que les villes ont accordé trop d’espace aux automobiles et qu’elles doivent maintenant revoir l’aménagement de leurs voies publiques au profit «des humains». Selon lui, la pratique du vélo doit avoir sa juste place dans ce nouveau partage de l’espace publique. Il présentera mercredi une conférence à ce sujet à la Grande Bibliothèque, dans le cadre du Festival Go vélo Montréal

Comment le vélo peut-il aider les municipalités à régler certains de leurs problèmes de mobilité?
D’ici 2050, à l’échelle planétaire, on effectuera 400 000 milliards de déplacements cumulés. De ces déplacements, 52 000 milliards sont des déplacements que nous n’effectuons pas encore aujourd’hui. La quasi-totalité de ces nouveaux déplacements se feront dans des pays en voie de développement et dans nos villes. Ni la voiture, ni le transport en commun, ni la marche à pied et ni le vélo ne pourront absorber seuls ces besoins de mobilité. Mais le vélo et la marche à pied font partie intégrante d’une réponse cohérente des villes du 21e siècle aux demandes de mobilité. Pourquoi? Parce que ce sont deux modes qui, sur des distances courtes et moyennes, permettent d’aller assez facilement de porte en porte à une vitesse semblable aux autres modes de transport, surtout aux heures de pointe.

Au cours du siècle dernier, on a donné trop de place à un seul mode de transport dans beaucoup de nos villes. On est présentement en phase de rééquilibrage. Des villes comme Montréal, Paris, Chicago et New York se posent la question sur la place qu’on va donner à la voiture et à l’humain.

Plusieurs accidents impliquant des cyclistes ont récemment défrayé le manchette à Montréal. Que font les villes pour faire en sorte que les voies publiques soient mieux partagées?
Il y a des choix forts à faire. Est-ce qu’on va essayer de sécuriser les cyclistes téméraires qui sont actifs dans la circulation actuelle? Ou est-ce qu’on va essayer de rendre les conditions de circulation plus sécuritaires pour les cyclistes qui ne font pas encore de vélo? Les villes qui ont augmenté leur part modale de façon fulgurante en Europe ont fait le second choix. Cette réallocation de la place donnée aux infrastructures cyclistes qui sont sécurisants et sécurisées pour les pratiquants, c’est le choix que des villes comme Montréal ont commencé à faire au début des années 2000 et continuent à faire, mais pas à la même échelle que beaucoup d’autres villes en dehors de l’Amérique du Nord. À mon point de vue, Montréal et Québec sont des villes qui ne sont pas européennes, mais qui sont atypiquement nord-américaines. Montréal a longtemps été leader en ce qui concerne la place du vélo dans la circulation urbaine. Il y a un vrai danger qu’elle se réfère à ses voisins et qu’elle ne regarde pas vers l’avant, vers des villes qui pourraient être des modèles et qui ont une participation plus importante des marcheurs et des cyclistes.

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Il y a près de dix ans, le vélo en libre-service faisait son apparition. Dix ans plus tard, quelles sont les dernières innovations pour encourager la pratique du vélo?
Les innovations sont plutôt dans l’organisation des villes. La première infrastructure à mettre en place, elle est invisible. C’est la gestion de la vitesse. C’est de réduire la vitesse à 30km/h. Pas partout sur le réseau. Mais sur des parties importantes du réseau où on voudrait favoriser le passage et l’achalandage des cyclistes. C’est ce que la Suède et les Pays-Bas ont fait. Les accidents et les conflits qui peuvent survenir sur ces réseaux apaisés sont peu mortels. Dès qu’on permet une vitesse plus élevée, les accidents deviennent rapidement mortels. C’est important que, sur un réseau, les personnes qui ne font pas du vélo n’aient pas peur pour leur vie.

Quelle est la ville vélo par excellence?
Les villes qui sont leader au niveau mondial, c’est Copenhague, Amsterdam, Rotterdam, Bram et Munich. Il y a aussi des villes qui ont su rapidement développer la fréquentation du vélo comme Nantes ou Séville. Séville a fait passer sa part modale de vélos de moins de 1% à plus de 6% en l’espace de cinq ans. Ils ont réduit la vitesse au centre-ville et ils ont mis en place en peu de temps un réseau complet de pistes cyclables. Ce qui fait que n’importe qui à Séville a une piste cyclable à moins de 200m qui lui permet d’aller vers le centre et de circuler dans des conditions où la vitesse est limitée. Les voitures ne peuvent pas traverser la ville, mais les vélos le peuvent.

Avez-vous mesuré les bienfaits dont profitent les villes qui décident de laisser une plus grande place aux cyclistes?
Le Forum international des transports a regardé les chiffres des villes. Le vélo est un mode de transport vulnérable en ville et il y aura toujours des accidents qui auront un effet néfaste sur la santé. Quand on regarde l’exposition à la pollution de l’air des cyclistes, on voit aussi un effet négatif sur la santé. Mais, d’un point de vue santé, quand on regarde les bienfaits positifs de l’activité physique, surtout pour ceux qui commencent à être actifs et qui deviennent moins sédentaires, on voit que les bienfaits sont plus importants que les deux impacts dont je vous ai parlé précédemment. Une ville qui augmente le nombre de ses cyclistes fait des économies. La ville de Copenhague a fait cette analyse. Pour chaque kilomètre parcouru, ils ont calculé que la Ville économise 1,34 couronne danoise (0,27$ CAD). Et pour chaque kilomètre parcouru en heure de pointe, cette valeur monte à 1,83 couronne danoise (0,83 CAD).

Conférence de Philippe Crist
Mercredi à 11h, à la Grande Bibliothèque

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