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Une survivante âgée de 105 ans raconte le génocide des Arméniens

Photo: Sylvain Gagnon / TC Media

À 105 ans, Keghetsig Zourikian Hagopian, qui habite à Cartierville, fait partie des derniers témoins du génocide des Arméniens. Trop jeune à l’époque des événements, elle n’a jamais pu raconter à ses enfants ce qui s’est passé. Pourtant, la tournure qu’a pris sa vie est la conséquence directe des grands massacres subis par les Arméniens en 1915, en Turquie. Keghetsig, qui signifie la plus belle en arménien, est née à Bursa, dans le nord-ouest de la Turquie, non loin d’Istanbul. Elle avait deux sœurs et un frère.

Elle a perdu son père quelques temps avant le début du génocide. Il était militaire dans l’armée turque. Il a été tué après la défaite subie par l’armée Ottomane à la fin de l’année 1914, face aux Russes. Un nettoyage ethnique avait été alors opéré dans les rangs des militaires, augurant des exactions qu’allaient connaître les Arméniens de Turquie dans les mois qui allaient suivre. On a alors appelé sa mère pour partir récupérer les affaires de son mari à Istanbul, la métropole qui s’appelait encore à cette époque, Constantinople.

Début d’une tragédie
Une fois sur place, elle apprend que des massacres et des déportations ont débuté à Bursa et qu’il était préférable pour elle et ses enfants de rester dans la grande ville. La mère monoparentale, ne pouvant subvenir aux besoins de tous, décide alors de mettre ses deux plus jeunes filles dans un orphelinat. «J’étais avec ma sœur plus petite que moi», raconte Keghetsig.

Ce placement dura quelques années, avant que l’on décide, en 1922, de répartir un peu partout en Europe ainsi qu’en Égypte, au Liban et en Syrie, les enfants Arméniens qui étaient dans les orphelinats en Turquie et éviter qu’ils ne soient éliminés à leur tour. Keghetsig prend alors le bateau à destination de la Grèce.

Elle saura plus tard, en 1970, à l’occasion d’un voyage en Turquie, pour voir ce qui restait de sa famille, que sa mère, en apprenant que les enfants de l’orphelinat allaient être envoyés ailleurs avait couru pour récupérer ses enfants, mais qu’elle était arrivée trop tard et le bateau était parti. À l’adolescence, on ne sait pas pourquoi Keghetsig est envoyée en Égypte.

«J’ai travaillé comme servante chez une riche famille d’Alexandrie», dit-elle. Au milieu de la communauté Arménienne de cette ville de la côte méditerranéenne, elle rencontre aussi son futur époux. Lui aussi était un orphelin venu du Liban.

Nouvel exode
Elle aura trois enfants avant de devenir jeune veuve. Aucun membre de la famille ne sera reconnu Égyptien. Son fils cadet a même passé son service militaire dans l’armée égyptienne pour obtenir ce statut, mais en vain. Voyant la vie se dérouler sans perspectives prometteuses, la famille décide alors de partir. «Mon fils aîné est venu à Montréal en 1962, avant de nous aider à le rejoindre.» Faute d’un passeport officiel, la famille voyagera avec un laisser-passer.

L’histoire de la famille, fortement liée aux événements qui ont suivi le génocide, ne sera complètement connue qu’après le voyage en Turquie dans les années 1970. C’est à ce moment que la sœur aînée de Keghetsig et sa mère, lui raconteront pourquoi elle a vécu comme une orpheline alors que sa mère était encore vivante.

Les dix particularités d’ici à connaître sur le génocide des Arméniens.

Cent vies pour les Arméniens

100LIVES (hundred lives) est une initiative lancée par deux homme d’affaires arméniens, Ruben Vardanyan et Noubar Afeyan, avec la collaboration de Vartan Gregorian, président de l’Institut Carnegie de New York. Elle est soutenue par le comédien et militant des droits de l’homme, George Clooney. Elle vise à récompenser 100 personnes, institutions ou États qui ont contribué à sauver des Arméniens durant le génocide ou des conséquences de celui-ci. Une rétribution de 1 M$ américain sera accordée à chacun des 100 qui ont aidé des Arméniens au début du siècle dernier.

Interrogé par le «Courrier» lors d’une conférence de presse téléphonique mondiale, M. Afeyan a souligné que la démarche de 100LIVES ne doit pas être comparée au titre de «justes parmi les nations» qui reconnaît la contribution de personnes ou d’organismes à sauver des juifs durant l’holocauste, même si l’initiative s’en inspire beaucoup.

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