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Jan-Fryderyk Pleszczynski: «Nous avons besoin de rêver»

Jan-Fryderyk Pleszczynski Photo: Denis Beaumont/Métro

À la tête du conseil d’administration du Conseil des arts de Montréal depuis un an, Jan-Fryderyk Pleszczynski croit que la culture montréalaise se porte bien, mais qu’il y a un bon coup de barre à donner pour soutenir et diffuser la diversité dans les arts. La nouvelle génération parviendra peut-être à tracer les ponts, à condition qu’on lui permette de rêver.

On dit souvent que Montréal est riche culturellement. Tient-on ça pour acquis?
Je ne pense pas. C’est fou le potentiel créatif – latent et exploité – qu’on a ici. La culture est en santé, mais certains secteurs sont sous-financés et sous-représentés. Il y a du chemin à faire en matière de diversité. Montréal demeure une petite métropole. Alors les moyens financiers sont ce qu’ils sont. C’est sûr que ça limite ce qu’on peut faire. D’où l’importance d’avoir des programmes de tournée, pour émerger à l’international. Ça prend des moyens, du soutien, des connaissances, de la profondeur. Tout ça se gagne avec du temps… et de l’argent.

Les artistes sont habitués à se faire dire d’être créatifs avec des financements anémiques…
C’est vrai qu’ils ont le dos large, les artistes. On demande à la société un serrage de ceinture et ce n’est pas toujours drôle. On a donc besoin de rêver, de s’évader… La culture est une échappatoire qui nous permet ça. Avec les défis posés par l’austérité, la dernière chose dans laquelle on doit couper, c’est la culture. Je suis content de voir que, jusqu’à présent, nos dirigeants ont quand même été assez sages à ce propos. Les actions semblent suivre le discours disant que la culture est un moteur économique. Mais ça prend plus que ça. Nous avons, somme toute, de petits moyens face à l’ampleur des besoins. Les grandes productions théâtrales, les grandes installations muséales, ça prend des moyens! Les noces de Figaro avec deux acteurs, ça ne fonctionne pas!

Même s’il est essentiel de financer les grandes manifestations qui sont les locomotives de la culture, croyez-vous que les événements hyperlocaux sont l’avenir?
Tout à fait. On y croit beaucoup. C’est une façon pour le public de s’approprier les arts. Il y a de plus en plus de manifestations culturelles qui dynamisent les quartiers. À Montréal, l’utilisation des espaces urbains est de plus en plus intéressante. Nous avons un super Quartier des spectacles dont on peut être fiers, mais, dans chaque quartier, il est important de rejoindre les gens, de donner un accès – souvent gratuit – à la culture. Il faut amener la culture chez les gens et non pas toujours attendre que ceux-ci aillent vers les salles. Un des défis du soutien à la diversité culturelle, c’est d’aller là où les gens sont. Il y a un dialogue obligatoire afin de se coller le plus possible à leur réalité.

Mise-t-on suffisamment sur le bilinguisme et le multiculturalisme montréalais?
Il serait faux de prétendre qu’on mise assez là-dessus quand on regarde l’offre actuelle. Globalement, il y a une belle diversité, mais est-elle suffisamment suivie, vue et soutenue pour qu’on s’y intéresse, pour qu’on la remarque? Je crois qu’il faut améliorer les véhicules qui sont porteurs de cette diversité-là. Ce qui est le plus visible, le plus diffusé, n’est pas représentatif de ce qu’est devenu et de ce que va devenir Montréal. Il y a du chemin à faire en ce sens. On se promène à Montréal et c’est flagrant: tout n’est pas blanc et francophone! Il y a de la place dans nos spectacles, nos institutions, nos festivals pour une plus grande diversité. Cela dit, la plupart des petits festivals offrent une belle diversité.

«Est-ce que l’excellence passe par la rentabilité? Tant mieux si c’est le cas. Mais au-delà de la rentabilité, on rencontre l’excellence avec d’autres critères.» – Jan-Fryderyk Pleszczynski

Historiquement, le mécénat dans le domaine des arts est davantage l’affaire de la communauté anglophone. Voyez-vous un changement?
Oui, c’est plus ancré chez les jeunes francophones, dans les entreprises. C’est vrai que le mécénat est davantage dans l’ADN des anglophones. Je ne dis pas qu’on a renversé la vapeur, mais je crois qu’il faut arrêter de se comparer à ce sujet. Pour les jeunes générations, ça ne fait plus de différence. Il faudra du temps pour que les frontières s’estompent complètement, mais nous sommes loin des deux solitudes. À Montréal, du moins.

Le financement public des arts fait encore sourciller beaucoup de contribuables. Est-ce une prise de risque nécessaire?
Ça va plus loin que ça. Dans une petite population, le fait de ne pas soutenir adéquatement le milieu culturel sur la base de non-rentabilité serait une catastrophe. Notre société est mure et a les moyens de ses ambitions en matière de culture. Et, disons-le, les dépenses sont loin d’être excessives. Quand un projet est financé, il y a une obligation de performance, d’excellence. Est-ce que l’excellence passe par la rentabilité? Tant mieux si c’est le cas. Mais au-delà de la rentabilité, on rencontre l’excellence avec d’autres critères.

Est-ce que les jeunes sont assez exposés à la culture? Leur donne-t-on la chance de devenir des consommateurs d’art ou, encore mieux, des acteurs du milieu des arts?
C’est essentiel de le faire. De plus en plus d’organisations l’ont compris et tentent d’instruire le jeune public sur ce plan. De très belles initiatives sont lancées pour amener les jeunes au théâtre, au musée, à l’opéra. On dit que nos enfants ne bougent pas assez à l’école. Je crois aussi qu’ils n’y rêvent pas assez. Il y a là un danger social, surtout si nos enfants sont exposés au fast-food numérique. Si on demande à un enfant de dessiner un dragon, il sera peut-être tenté d’en trouver un sur son iPad. Moi, je veux savoir comment le jeune imagine le dragon. Est-ce qu’il a des ailes? Est-ce qu’il a trois têtes? Il faut nourrir l’imaginaire de nos jeunes.

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