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La Ville va de l’avant et déversera ses eaux usées dans le fleuve

Sewer drains Photo: Getty Images/iStockphoto

La Ville de Montréal maintient sa décision de déverser pendant sept jours consécutifs l’équivalent de 8 milliards de litres d’eaux domestiques usées directement dans le fleuve Saint-Laurent.

L’administration a pris les deux dernières journées pour réévaluer sa décision et en est venue à la conclusion que celle-ci «demeure la plus acceptable dans les circonstances», a affirmé le président du comité exécutif, Pierre Desrochers, vendredi.

La Ville de Montréal soutient qu’elle n’a pas le choix de déverser cette quantité d’eau directement dans le fleuve afin de pouvoir construire une nouvelle chute à neige dans le cadre du projet Bonaventure.

Entre les 18 et 25 octobre, toutes les eaux non traitées qui sont habituellement acheminées à l’usine d’épuration par le collecteur sud-est, qui comprend les eaux de pluie et les eaux provenant des résidences et des entreprises de ce secteur, devront plutôt être déversées dans le Saint-Laurent, entre LaSalle et Rivière-des-Prairies, avec un débit de 13 mètres cubes par seconde.

Une chute à neige reliée au collecteur (le tuyau qui renvoie à l’usine d’épuration les eaux usées et l’eau de la neige fondue) se trouve sous l’autoroute Bonaventure. Avec la mise au sol de la route, la Ville doit construire une nouvelle chute un peu plus loin. L’endroit choisi pour cette nouvelle chute à neige comporte bel et bien un puits relié à un collecteur, nécessaire à toute chute à neige, mais un travail supplémentaire est nécessaire pour peaufiner l’emplacement et corriger des déficiences. Les employés de la Ville devront entrer dans le puits jusqu’au collecteur, là où passent normalement les eaux usées. Ce travail ne peut donc pas se faire avec l’eau qui passe dans le collecteur, pour des raisons de sécurité pour les employés de la Ville, a expliqué l’administration.

La Ville de Montréal précise ainsi que ce n’est pas la totalité des eaux usées du réseau de la Ville qui seront acheminées vers le fleuve pendant cette période, mais l’équivalent du tiers.

La Ville interdira les sports nautiques, la pêche, la baignade et tout contact avec l’eau du fleuve pendant cette période. Elle affirme qu’il n’y aura pas d’impact sur l’eau potable. En raison du fort débit du fleuve, l’administration soutient que le cours d’eau pourra facilement diluer les eaux usées sans causer de dommage sur la faune aquatique. De 24 à 48h après le déversement, la qualité de l’eau du fleuve sera revenue à la normale, soutient la Ville.

«Bien qu’on aurait aimé avoir une autre option, il n’y en a pas d’autres et c’est celle-là que nous avons prise», a affirmé M. Desrochers, vendredi, précisant que le ministère de l’Environnement leur avait remis le certificat pour réaliser cette opération à la suite d’un rapport d’analyse.

M. Desrochers a fait part des questions que les administrateurs se sont posé au cours des deux derniers jours pour s’assurer que la décision était la bonne:

-Est-ce qu’on doit réellement déménager la chute à neige?

Les autres chutes à neige de la Ville sont déjà utilisées à pleine capacité et celle qui doit être remplacée dessert le centre-ville, là où la neige doit être dispersée rapidement et efficacement, répond la Ville. Montréal ne peut donc pas se priver de cette chute à neige.

-Peut-on disposer la neige ailleurs que dans les chutes à neige de Montréal?

Avec la distance à parcourir, la quantité de camions que cela nécessiterait et les délais, la Ville estime que «ce ne serait pas quelque chose de valable». La Ville écarte également la possibilité de déverser la neige dans le fleuve.

-Peut-on placer les eaux usées dans un bassin de rétention en attendant?

Considérant la quantité d’eau impliquée durant les sept jours nécessaires à la construction de la nouvelle chute à neige (travaux jour et nuit), ce n’est pas une option, répond la Ville. On aurait pu construire une conduite parallèle, mais ces travaux auraient coûté près d’1G$, soutient Pierre Desrochers, et auraient duré près de 5 ans.

-Est-ce le bon moment de l’année pour faire ces travaux?

Idéalement, pour minimiser l’impact environnemental, janvier aurait été un meilleur moment, reconnaît la Ville. Mais il est impossible pour elle de bloquer toutes les chutes à neiges du secteur (car c’est ce qui arrivera en asséchant tout le collecteur pour réaliser les travaux) en plein hiver, ajoute-t-elle. Octobre reste donc une meilleure option, dit-elle, puisque, la température de l’eau du fleuve étant plus basse, la reproduction bactériologique est moins grande.

«Après avoir réfléchi à toutes les options, nous en sommes venus à la conclusion que la décision prise est la bonne et la plus acceptable», a affirmé M. Desrochers.

Une décision digne des «Simpsons»

«Une déclaration comme celle-là, ça se rapproche d’un scénario des Simpsons, c’est une décision à la Homer Simpson, a déclaré le chef intérimaire de l’opposition officielle Projet Montréal, Luc Ferrandez. Ça n’a aucun sens de dire que ça n’a pas d’impact [sur le fleuve] de mettre 8 milliards de litres d’eaux contaminées dans le fleuve. C’est une déclaration improvisée pour couvrir un manque de préparation.»

Sylvain Ouellet, porte-parole en matière d’environnement, reconnaît que le fleuve a effectivement un fort débit d’eau, mais souligne que les usines d’épuration des eaux n’ont pas été construites sans raison.

«Imaginez ce que ça donne: on retient [le contenu] des toilettes des résidents pendant sept jours, on retient les usines pendant 7 jours, les boucheries, les hôpitaux, pendant 7 jours, a illustré Luc Ferrandez. Regardez ce que ça fait comme image que de verser tout ça dans le fleuve et dites-vous que ça n’a pas d’impact. Non, ça a un impact évident», a lancé M. Ferrandez qui dénonce «l’indifférence» de l’administration Coderre par rapport à cette question environnementale.

D’autres doutent de la capacité du fleuve à diluer rapidement les eaux usées.

«J’ai étudié la question des débordements d’eaux usées dans un secteur de la région métropolitaine pour ma thèse et j’ai des doutes face à cet argument, avait indiqué à Métro cette semaine Isabelle Jalliffier-Verne, doctorante en Génie-civil à Polytechnique Montréal. Il serait intéressant de savoir sur quelles études se basent les conclusions de la Ville.»

Si elle ne conteste pas le fait que le haut débit d’un cours d’eau pourrait permettre la dilution des contaminants, elle souligne aussi que cela peut accélérer leur transport dans le cours d’eau. «Les prises d’eau de municipalités en aval pourraient peut-être être touchées, de même que la faune ou la flore en berge», dit-elle, en ajoutant que cela dépendra aussi de la concentration en contaminants des eaux rejetées et des points de rejets.

Le Parti Québécois (PQ) a demandé vendredi au ministre de l’Environnement de suspendre l’autorisation donnée à la Ville de Montréal. Mathieu Traversy, parole du PQ en matière d’environnement, s’est dit inquiet de la décision de la Ville de Montréal et souhaite «qu’on puisse évaluer toutes les options et retenir la solution la moins dommageable et la plus durable». Il souhaite que toutes les analyses ayant mené à l’autorisation du projet soient rendues publiques.

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