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Des chauffeurs de transport adapté négligents

Photo: Mathieu Gagnon-Lauzon/Collaboration spéciale

Des organismes communautaires dénoncent le comportement négligent et inapproprié de plusieurs chauffeurs de taxis du transport adapté géré par la Société de transport de Montréal (STM) à l’égard de personnes ayant des déficiences intellectuelles ou un trouble du spectre de l’autisme.

Diali Nunes Mankwe, mère d’Emmanuel, un jeune garçon autiste de 12 ans, utilise maintenant très rarement le transport adapté. Ce service offert par la STM, qui permet à son fils d’être transporté en taxi de chez lui ou de son école jusqu’à son camp de jour et ses rendez-vous de santé, est pourtant très utile pour cette mère monoparentale sans voiture. Mais Mme Nunes Mankwe craint pour la sécurité de son fils depuis que ce dernier a été laissé sans surveillance devant le bureau de son orthophoniste, il y a quatre ans.

«Le chauffeur, qui partait de l’école avec mon fils, est arrivé au moins une demi-heure avant l’heure prévue, alors je n’étais pas sur place pour l’accueillir, a raconté à Métro Mme Nunes Mankwe. Il aurait dû attendre avec lui dans la voiture. Mais il l’a fait rentrer dans le bâtiment et il est parti.»

Quand sa mère est arrivée sur place, l’enfant sans surveillance était parti marcher dehors. Prise de panique, elle l’a retrouvé plusieurs coins de rue plus loin.

Un protocole est mis en place par la STM depuis plusieurs années pour assurer une offre de service «de personnes responsables à personnes responsables». «Ce qui veut dire que le chauffeur ne laisse pas le client seul. Advenant que la personne responsable ne soit pas au rendez-vous prévu, le chauffeur, le chef d’opérations et le répartiteur tentent de la contacter et après analyse de la situation, vont décider de rester sur place ou alors de poursuivre le trajet avec le client pour assurer le service aux aux autres clients présents dans le minibus ou le taxi», a indiqué Nadine Bernard, directrice des communications à la STM.

Il arrive toutefois régulièrement que les chauffeurs, qui sont sous contrat avec la STM, ne respectent pas le protocole, selon le Regroupement pour la Trisomie 21 (RT21), la Corporation l’Espoir, qui offre des services aux personnes vivant avec des déficiences et le Regroupement des usagers du transport adapté de Montréal (RUTA).

«Ça peut être une catastrophe quand une personne vulnérable est déposée quelque part sans que le chauffeur vérifie la présence d’un responsable sur place», a rapporté Martine Rainville, directrice de la Corporation l’Espoir.

«On s’est déjà fait appeler par la police parce qu’une personne avait été laissée au mauvais endroit. Elle était complètement perdue et il y avait nos coordonnées dans ses poches.» – Patrick Bélanger, coordonnateur des programmes à la Corporation l’Espoir

Ces organismes déposent chaque année plusieurs plaintes auprès de la STM en lien avec ce service. «Certains chauffeurs utilisent un langage grossier avec les personnes ayant un handicap ou les intervenants les bousculent parce qu’ils sont pressés, crient parce qu’ils prennent du temps pour mettre leur manteau, déplore Geneviève Labrecque, directrice générale du RT21. La STM dit qu’elle prend ça au sérieux, mais on ne voit pas de changement.»

Pour une meilleure formation des chauffeurs
Les organismes croient que la formation imposée à ces chauffeurs de taxi n’est pas suffisante pour desservir adéquatement les personnes handicapées.

Les chauffeurs de taxi et de minibus du transport adapté suivent une formation obligatoire de huit heures, élaborée par la STM en collaboration avec le Regroupement des usagers du transport adapté de Montréal (RUTA), où ils apprennent comment bien servir cette clientèle particulière.

«Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de lacunes, ni qu’elle est assimilée par les chauffeurs. Ils la suivent une fois et c’est tout», a commenté Fahima Boumaiza, chargée de communication au RUTA, en entrevue avec Métro. Elle croit que les chauffeurs de taxi devraient être plus régulièrement sensibilisés aux besoins spéciaux de cette clientèle. «Si c’était souvent le même chauffeur qui venait chercher le même client, ça faciliterait le contact», a aussi estimé Mme Boumaiza.

Selon la gravité de la plainte, la STM souligne qu’elle peut prendre des mesures préventives (observation sur la route, retrait du chauffeur pendant l’enquête) ou correctives (plan d’action, formations d’appoint, suspension).

Des retards qui pénalisent les usagers
Les véhicules du transport adapté de la STM arrivent souvent trop tôt ou trop tard par rapport à l’horaire prévu, ce qui n’est pas sans conséquence pour de nombreuses personnes handicapées.

Des usagers sont en retard à leurs rendez-vous médicaux, alors que cela peut prendre six mois pour en ravoir un, et à leur travail, alors que leur employeur n’est pas forcément indulgent.

Les délais sont si courants que les usagers du transport adapté doivent attendre une demi-heure après l’heure convenue pour signaler un retard à la STM. «C’est un gros problème», considère Fahima Boumaiza, chargée de communication au Regroupement des usagers du transport adapté de Montréal (RUTA).

L’été dernier, Diali Nunes Mankwe a déposé trois plaintes parce que le taxi s’était présenté à l’heure où le camp de jour de son fils commençait. «Devant attendre avec lui, j’arrivais en retard au travail», a-t-elle déploré.

«Les chauffeurs doivent apprendre comment parler aux personnes déficientes, avec des mots simples et sans les infantiliser, en laissant un temps de réaction.» – Geneviève Labrecque, directrice générale du Regroupement pour la trisomie 21

«Des fois, le véhicule arrive une heure en retard sur les lieux d’une activité, sans raison apparente, sans aviser la famille», a pour sa part observé Geneviève Labrecque, directrice générale du RT21. Les intervenantes doivent alors faire du temps supplémentaire pour attendre avec l’enfant et la famille est inquiète. À l’inverse, les chauffeurs arrivent parfois en avance, alors que l’activité n’est pas terminée, et ils insistent pour que l’usager embarque immédiatement, «sinon ils vont être en retard».

En plus de dénoncer les retards, Alain Tremblay, qui se déplace en fauteuil roulant, estime que les véhicules sont surutilisés. «On nous tasse littéralement comme des sardines dans les taxis-vans», a-t-il témoigné.

La STM reconnaît que la diminution des retards est son principal défi. Elle vise d’ailleurs à équiper d’ici 2018 toute sa flotte de transport adapté de GPS afin de suivre les déplacements en temps réel et de tenir l’usager au courant des délais.

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