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L’Inspecteur épingle fermera ses portes

Photo: Collaboration spéciale

Près de 5 mois après la fermeture des Bobards, c’est au tour de l’Inspecteur Épingle d’annoncer la fin définitive de ses activités le 12 mars. La disparition de cette institution, fondée il y a 35 ans, met une nouvelle fois sur le devant de la scène les difficultés d’opérer une petite salle de spectacle sur Le Plateau Mont-Royal.

Les propriétaires de la taverne située au 4051, rue Saint-Hubert ne souhaitent pas commenter cette fermeture pour l’instant. Peu surpris de cette annonce, d’autres acteurs de la scène musicale alternative du quartier estiment que la fermeture de l’Inspecteur Épingle illustre les problèmes auxquels ils sont tous confrontés.

S’adapter ou mourir?
Du Divan Orange à la Casa Del Popolo, en passant par la Sala Rosa ou le Quai des Brumes, toutes les salles de l’arrondissement contactées affirment être confrontées à des plaintes régulières du voisinage.

«Un nouveau locataire arrive un beau jour et s’installe à côté d’un bar établi depuis 30 ans, et il décide de faire des plaintes de bruit, il faut le faire!», s’insurge Anne-Claude Crépin, responsable des spectacles au Quai des Brumes.

Les amendes pour bruit ont baissé dans l’arrondissement, mais leurs montants varient tout de même de 600$ pour une première infraction à 12 0000$.

D’octobre 2014 à juillet 2015, le Divan Orange a ainsi, à lui seul, accumulé 22 000$ d’amendes. La salle, qui a reçu une «généreuse» subvention de 25 000$ de l’arrondissement pour effectuer des travaux d’insonorisation, se dit toujours incapable d’honorer cette facture. «Ce serait fatal!», s’exclame Lionel Furonnet administrateur et directeur artistique au Divan Orange, qui s’attend à défendre en cour le fait que le règlement de ce problème a déjà couté bien plus cher.

Comme le Quai des Brumes, le Divan Orange a même dû payer le loyer à la place des locataires mécontents qui ont fini par quitter leur appartement prématurément.

S’estimant chanceux de n’avoir reçu qu’une amende en 16 ans, Mauro Pezzente, le copropriétaire de la Casa del Popolo et La Sala Rosa estime que c’est aussi aux salles de spectacle de faire un effort. Ce dernier préfère pointer du doigt l’augmentation des taxes d’affaires et des loyers dans le quartier.

«Ils ont incroyablement gonflé ces 15 dernières années alors que les prix des consommations et des entrées sont restés les mêmes. Il devient de moins en moins rentable pour certains d’entre nous de continuer dans ces conditions», dénonce-t-il.

Un écosystème à protéger
Vincent Stephen-Ong, musicien professionnel, trouve «dommage» la fermeture de l’Inspecteur Épingle, un «haut lieu de la scène culturelle». Sur sa page Facebook Sauvons le Plateau, il souligne l’importance de préserver la vie culturelle du quartier qu’il considère comme un écosystème auquel tous les musiciens appartiennent.

«Se plaindre contre une petite salle revient à se plaindre contre le Quartier des Spectacles, ça n’a vraiment pas de sens, c’est un établissement qui aide le développement de la culture musicale de Montréal, défend-il, quand on élimine certaines portions de cet écosystème, ça affecte d’autres portions aussi.»

Pour lui, un des atouts majeurs du Plateau est justement cette mixité entre les résidences et les lieux culturels. « On est conscient que c’est un des attraits du Plateau, mais le défi de faire régner une cohabitation harmonieuse entre les salles et les résidents n’en est pas un défi moindre», nuance Michel Tanguay, chargé de communication à l’arrondissement du Plateau.

Le Divan Orange propose une certification
En dépit de ces fermetures, la vie culturelle du Plateau est loin d’être en péril, mais certaines salles aimeraient que l’on reconnaisse davantage le rôle qu’elles tiennent pour assurer la diversité culturelle.

C’est le cas de Lionel Furonnet. L’administrateur et le directeur de la programmation du Divan Orange propose la mise en place d’une certification visant à reconnaître ces lieux comme des espaces qui ont une mission; celle de soutenir la relève musicale.

«Il existe ce genre de certification en agriculture. Elles serviraient à reconnaître le travail quotidien des artisans en mettant en avant des valeurs positives, plutôt que de faire trop souvent parler de nous comme une nuisance dans le quartier», précise-t-il.

Bien qu’il reconnaisse les efforts des élus pour améliorer la situation des petites salles de spectacles du Plateau, M. Furonnet ne se sent pas pour autant complètement à l’abri de futures mauvaises surprises.

«On fait rouler l’économie quand même, on est reconnu pour la scène culturelle et alternative au Québec, mais on est toujours les mauvais enfants», conclut Mme Crépin du Quai des Brumes, qui souhaiterait également pouvoir bénéficier de plus grandes protections.

Plus de 200 artistes se produisaient chaque année à L’Inspecteur Épingle, dont Lisa Leblanc, Damien Robitaille, Cats on Trees, ou encore Fred Fortin.

 

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