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Montréal-Nord: pourquoi la manifestation a dégénéré?

Photo: FELIX O.J. FOURNIER / TC Media

Une opération anti-drogue blâmée, un décès qui interpelle et une enquête critiquée: une succession d’éléments ont provoqué, selon plusieurs, des tensions et mené à un dérapage opéré notamment par un groupe de casseurs, pour la plupart indépendants au rassemblement initial et ce, alors que les policiers avaient comme consigne de «laisser aller, plutôt que d’utiliser la force».

«Les leçons de la mort de Fredy Villanueva (abattu par un policier le 9 août 2008) n’ont pas été retenues. Rien n’a changé dans l’arrondissement, il n’y a pas eu de justice», assure Nargess Mustapha, porte-parole de Montréal-Nord Republik, qui décrit un climat tendu depuis la perquisition du Groupe tactique d’intervention (GTI) le 31 mars qui a mené à la saisi notamment de 237 grammes de marijuana.

«C’est complètement loufoque, clame Jonathan Duguay, intervenant jeunesse auprès d’Un itinéraire pour tous. La vie de Jean-Pierre Bony (touché par une balle de plastique à la tête) a été prise et on a mené cette opération comme si l’on visait un cartel. Il n’était même pas armé, pourquoi lui tirer dessus ?»

«Réaliser une telle intervention pour si peu de drogue, c’est incroyable. Une nouvelle fois, l’histoire se répète. On est tous choqué», assure Ricardo Lamour, un proche de la famille Villanueva, qui critique également l’ouverture d’une enquête par la Sûreté du Québec, alors que l’ouverture du Bureau d’enquête indépendante (BEI) se fait toujours attendre.

«La police enquête sur la police, c’est choquant. On n’a rien appris du passé», reprend Ricardo Lamour. «Les gens ont une cicatrice sur le cœur, on vit cela comme un assassinat. C’est tragique», déplore Jonathan Duguay.

Plusieurs commerces touchés ont été fermés au lendemain d'actes de vandalisme dans Montréal-Nord.
Plusieurs commerces touchés ont été fermés au lendemain d’actes de vandalisme dans Montréal-Nord.

Certains émeutiers cagoulés
Après deux rassemblements qui ont débuté vers 18h, une vigile pour commémorer l’anniversaire de naissance de Fredy (le 6 avril 1990) et une marche pacifique qui s’est terminée par une minute de silence en l’honneur de Jean-Pierre Bony devant l’immeuble visé par l’opération du Groupe tactique d’intervention (GTI), la situation a dérapé.

Pendant cette dernière manifestation, plusieurs individus cagoulés ont rejoint le cortège avant de tenter d’en prendre la direction, en vain dans un premier temps.

Vers 21h, après un retour vers le parc Henri-Bourassa, une cinquantaine de personnes se sont séparées de la manifestation initiale pour rejoindre le poste de quartier 39, entraînées par plusieurs groupuscules d’émeutiers qui ne cachaient pas vocalement parlant leur envie d’en découdre avec les forces de l’ordre.

Les manifestants s'étaient réunis devant le 6330 rue Arthur-Chevrier pour une minute de silence.
Les manifestants s’étaient réunis devant le 6330 rue Arthur-Chevrier pour une minute de silence.

Pourquoi la police a tardé à intervenir ?
La stratégie du SPVM était claire: de pas entrer en confrontation avec les émeutiers, même lorsque ces derniers vandalisaient les locaux du PDQ 39.

Tout au long des deux manifestations, les forces de l’ordre se sont d’ailleurs montrées très discrètes, restant à plusieurs dizaines de mètres des participants à la marche.

«Dès 21h15, des casseurs cherchaient l’altercation, assure Ian Lafrenière, directeur des communications du SPVM. Il y a même eu des appels au 911 pour déplacer les policiers. Le niveau d’agressivité était élevé et la situation était difficile. Certains policiers voulaient intervenir, mais on ne voulait pas de blessés».

Le poste de quartier 39 a été lui aussi touché.
Le poste de quartier 39 a été lui aussi touché.

Alors qu’une vingtaine d’individus brisaient des vitrines de deux commerces sur le boulevard Henri-Bourassa et lançaient un cocktail molotov dans une banque, la brigade anti-émeutes a pris plus d’une vingtaine de minutes pour intervenir et faire fuir les agitateurs, sans toutefois les poursuivre.

«On n’était pas en manque de policiers, explique M. Lafrenière. Nous avions décidé de prendre notre temps, de laisser aller, plutôt que d’utiliser la force».

Une stratégie identique adoptée encore après 22h30, lorsque six véhicules furent incendiés sur la rue Arthur-Chevrier et dans les alentours, après le repli des manifestants les plus virulents.

«Nous avons privilégié la sécurité de la population, c’était notre priorité», indique Anie Samson, responsable de la sécurité publique à la Ville.

Des mesures seront prises dans les jours et semaines à venir par les forces de l’ordre qui prévoient de visionner les caméras de surveillance de l’arrondissement et d’étudier les nombreuses photos prises lors de ces débordements afin de procéder à d’éventuelles arrestations.

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