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Marijuana: dépôt du rapport vers la légalisation

Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — L’âge minimum pour acheter de la marijuana devrait être fixé à 18 ans et la substance devrait être disponible dans des points de vente réglementés par l’État — mais pas à la Société des alcools du Québec (SAQ).

Il s’agit là de quelques-unes des recommandations du groupe de travail sur la légalisation du cannabis, qui a présenté mardi le fruit de son travail des derniers mois. La balle est maintenant dans le camp du fédéral, qui continue à promettre un projet de loi pour le printemps.

La tâche promet d’être colossale, car le gouvernement devra soupeser un ensemble de facteurs, de l’âge minimum pour l’achat de marijuana à la réglementation de la production en passant par la gestion de la conduite avec facultés affaiblies par la marijuana.

Sur la question de l’âge minimum, le groupe de travail a entendu à plusieurs reprises qu’un âge trop élevé risquait d’être favorable au marché illicite. Ils ont aussi entendu des experts évoquer l’âge minimum de 21 ans, alors que le cerveau est toujours en développement.

Mais comme la science n’est «pas définitive concernant l’âge sécuritaire pour la consommation du cannabis», le groupe recommande au fédéral d’établir l’âge minimum national à 18 ans en laissant aux provinces le droit «de l’harmoniser avec leur âge minimum pour l’achat d’alcool».

Ces mêmes provinces devraient avoir la responsabilité de la distribution en gros du produit, puis, en «étroite collaboration avec les municipalités», d’en encadrer la vente au détail, selon le groupe de travail présidé par l’ancienne ministre de la Justice Anne McLellan.

Les administrations devraient cependant «éviter et décourager fortement la co-implantation de la vente au détail de cannabis et d’alcool ou de tabac», insiste-t-on dans le rapport. C’est donc dire que les points de vente comme la SAQ ne seraient pas à privilégier.

Car cela «pourrait signifier à certains que la consommation simultanée de cannabis et d’alcool ou de tabac est tolérée ou encouragée», sans compter que cette co-implantation pourrait avoir des répercussions sur les consommateurs de cannabis qui essaient d’éviter l’alcool.

Permettre la culture personnelle

Ceux qui préfèrent éviter de s’approvisionner dans un commerce devraient pouvoir le faire, estime le groupe de travail, qui recommande de permettre la culture personnelle de cannabis à des fins récréatives jusqu’à un maximum de quatre plants de 100 cm de hauteur.

Pour ce qui est de la consommation de marijuana en public, elle devrait se faire dans les mêmes balises que dans le cas du tabac. Les provinces pourraient «autoriser des espaces réservés à la consommation du cannabis, comme les salons et les salles de dégustation du cannabis».

La possession personnelle de cannabis séché en public pour usage récréatif devrait quant à elle être fixée à 30 grammes, «avec une limite de vente correspondante», est-il précisé dans le rapport de 123 pages.

Le groupe de travail prévient d’autre part que le gouvernement devra avoir à l’oeil les produits comestibles à base de cannabis, qui «suscitent beaucoup d’intérêt» et qui peuvent mener à des surconsommations accidentelles et des surdoses, comme on l’a observé au Colorado.

Il ne suggère pas de prix de détail pour la marijuana, mais prévient qu’il faudra trouver un équilibre entre un prix trop bas, qui encouragerait la consommation, et un prix trop élevé, qui inciterait les consommateurs à se tourner vers le marché illicite.

Le groupe ne fournit pas non plus de pistes d’action concrètes en ce qui concerne l’impact potentiel de la légalisation sur la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis, alors que l’expérience du Colorado démontre que le nombre de ces cas est appelé à bondir.

Faut-il, par exemple, imposer une limite légale de consommation au-delà de laquelle il est interdit de prendre le volant, comme il en existe une pour l’alcool? Le groupe ne statue pas là-dessus, renvoyant la balle au gouvernement fédéral.

«Ce n’est pas responsable pour nous de recommander une limite qui n’est pas soutenue par la science», a fait valoir en conférence de presse le vice-président du groupe de travail, Mark Ware.

Au total, le groupe formule plus de 80 recommandations à l’intention du gouvernement. Ses neuf membres ont basé leurs constats sur les consultations menées ces derniers mois et à partir des enseignements tirés de leurs visites d’États et de pays où le cannabis a été légalisé.

«Nous sommes le plus grand pays industrialisé à aller de l’avant avec la légalisation (…) La leçon principale, je crois, est la suivante: il faut s’attendre à des surprises», a soutenu Mme McLellan en conférence de presse.

«Nous pouvons regarder le Colorado, les surprises avec lesquelles ils ont composé là-bas, nous pouvons regarder l’État de Washington, nous pouvons regarder l’Uruguay… il y aura quand même des surprises», a-t-elle fait remarquer.

Interrogée à répétition sur le caractère réaliste de l’échéancier des libéraux quant au dépôt d’un projet de loi printanier, Mme McLellan a chaque fois refusé de trancher, faisant valoir qu’il revenait au gouvernement de se prononcer là-dessus.

Les trois ministres qui pilotent le dossier — Jane Philpott (Santé), Jody Wilson-Raybould (Justice) et Ralph Goodale (Sécurité publique) — ont tous assuré mardi que l’horizon du printemps 2017 demeurait. Le premier ministre Justin Trudeau a refusé de répondre à cette question.

Autres recommandations en vrac:

— Préciser sur l’étiquetage des produits de cannabis la teneur en THC (tétrahydrocannabinol) et CBD (cannabidiol)

— Exiger un étiquetage approprié sur les produits à base de cannabis

— Permettre, dans des endroits qui sont accessibles aux adultes, une promotion limitée semblable aux restrictions prévues par la Loi sur le tabac

— Interdire tout produit jugé attrayant pour les enfants (emballages qui ressemblent à des bonbons) dans le cas des produits comestibles à base de cannabis

— Interdire les produits mélangés comme les boissons alcoolisées infusées au cannabis ou des produits à base de cannabis avec du tabac, de la nicotine ou de la caféine

— S’engager à utiliser les recettes de la réglementation du cannabis comme source de financement pour la prévention, l’éducation et le traitement

— Déterminer s’il est nécessaire d’établir une limite légale pour la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis

— Soutenir l’élaboration d’un dispositif de dépistage de la drogue en bord de route pour détecter les niveaux de THC et investir dans ces dispositifs

— Envisager la création d’une «Loi sur le contrôle du cannabis» qui contiendrait tous les règlements et toutes les dispositions, sanctions et infractions liées au cannabis

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