Cours d'éducation financière: Québec va trop vite
MONTRÉAL — Le milieu de l’enseignement demande à Québec de mettre les freins dans le dossier du futur cours d’éducation financière, estimant que rien ne justifie l’implantation précipitée, en septembre prochain, que propose le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx.
«Depuis que je suis dans l’enseignement, je n’ai jamais vu un cours devenir obligatoire pour tout le monde sans projet pilote, sans préparation, sans matériel, sans formation, alors qu’on est à préparer la grille-matières depuis décembre dans plusieurs milieux», s’insurge la présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), Josée Scalabrini.
La FSE et les deux autres grands syndicats de l’enseignement, qui représentent quelque 107 000 professeurs du primaire et du secondaire, réclament ainsi un moratoire sur l’implantation de ce cours, s’interrogeant même sur la légalité de la démarche.
«Nous sommes convaincus qu’il n’y aura pas plus de jeunes, l’an prochain, qui vont faire faillite en secondaire 5 parce qu’ils n’auront pas eu le cours d’éducation financière», a laissé tomber Mme Scalabrini, lundi, en entrevue téléphonique avec La Presse canadienne.
La FSE, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) et l’Association provinciale des enseignants du Québec (APEQ) font valoir que leurs membres devront déjà composer, en septembre prochain, avec l’introduction des nouveaux cours d’histoire nationale pour les secondaires 3 et 4. Elles ajoutent que, contrairement à tous les nouveaux cours, celui d’éducation financière n’a fait l’objet d’aucune consultation comme l’exige la procédure légale, qu’on ne sait pas qui a préparé ce nouveau cours ou même ce qu’il contient et qu’il n’a fait l’objet d’aucune évaluation.
Les trois syndicats soulignent que plusieurs milieux ont déjà adopté leur grille-matières pour l’an prochain.
«Aucune vision d’ensemble»
Mme Scalabrini souligne que la sortie n’a rien à voir avec le cours lui-même, mais plutôt avec la manière de l’introduire.
«On n’est pas contre le cours d’éducation financière, pas du tout. On est contre la façon cavalière avec laquelle les choses se font présentement», a-t-elle expliqué.
Elle y voit un symptôme d’un malaise beaucoup plus profond au ministère, soit celui d’une absence de vision globale face à la formation et à son ajustement aux réalités d’aujourd’hui.
«Il n’y a aucune vision d’ensemble; on y va à la pièce. Ça fait des années qu’on demande de revoir la grille-matières, pour savoir où est-ce qu’il y a de la place pour ajouter ou enlever des cours», fait-elle valoir.
Elle souligne les nombreux débats entourant le cours d’éthique et culture religieuse, qui est donné à tous les élèves durant la totalité du primaire et du secondaire (à l’exception du secondaire 3) pendant que ceux-ci n’ont aucun cours en éducation sexuelle, en éducation financière ou même en éducation aux médias sociaux et d’information.
Josée Scalabrini estime que ces sujets auraient tous leur place dans la formation des enfants à des degrés et des moments divers de leur parcours scolaire et qu’il serait tout à fait possible de rééquilibrer la grille-matières, mais qu’il faudrait que le ministre accepte de lancer une véritable consultation sur le contenu du programme plutôt que de se concentrer uniquement sur la réussite éducative.
«Comment pouvons-nous revoir globalement notre grille-matières, repenser nos priorités et s’arranger pour que ça se fasse le plus intelligemment possible et pour le plus longtemps possible pour arrêter d’avoir des modifications à la pièce?», s’interroge la syndicaliste.
«Est-ce qu’on pourrait faire les choses correctement, prendre le temps de les faire et voir ensemble quels pourraient être ces nouveaux programmes qui toucheraient à l’essentiel de ce que la société décide qu’il faut toucher?», demande-t-elle en conclusion.