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Anticosti veut être sur la liste de l'UNESCO

Photo: Getty Images
Stéphanie Marin, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — La municipalité de L’Île-d’Anticosti veut faire inscrire cette île québécoise aux paysages époustouflants et aux fossiles uniques sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO — une façon pour ses habitants de tenter d’assurer la promotion du tourisme sur son territoire et non pas l’extraction du pétrole.

Les partisans du projet avaient commencé à faire mousser la possible candidature de ce «trésor géologique» il y a déjà quelques mois, mais la candidature officielle a été dévoilée mardi matin, à Montréal.

Une éventuelle reconnaissance d’Anticosti par l’UNESCO pourrait mettre des bâtons dans les roues de ceux qui veulent y effectuer des travaux d’exploration et d’exploitation pétrolière.

Le gouvernement du Québec n’a pas encore donné son aval à la candidature, ce qui est requis pour sa présentation. Une lettre envoyée au gouvernement québécois le 8 décembre est demeurée sans réponse, affirme le maire d’Anticosti, John Pineault.

Et il ne reste que 10 jours pour déposer le dossier auprès d’Ottawa.

Le maire espère ainsi que l’événement public de mardi, auquel ont pris part des experts, des amoureux de la nature et des élus locaux, convaincra le premier ministre Philippe Couillard de soutenir le projet.

M. Pineault souhaite bonifier l’offre touristique de l’île et la rendre plus accessible: une place sur la célèbre liste de l’UNESCO aiderait à accomplir cet objectif, croit-il.

Le gouvernement québécois est le partenaire financier d’un projet d’exploration d’hydrocarbures controversé entrepris par une société dont fait partie l’entreprise Pétrolia. M. Couillard a indiqué dans le passé qu’il doit respecter le contrat conclu par le gouvernement péquiste précédent, mais a toutefois affirmé qu’il ferait tout pour empêcher la fracturation hydraulique sur l’île.

Le Parti québécois, Québec solidaire et le Bloc québécois appuient la démarche auprès de l’UNESCO, tout comme le chef de la communauté innue de Mingan (Ekuanitshit), Jean-Charles Piétacho.

Le préfet de la municipalité régionale de comté de la Minganie, Luc Noël, a noté l’absence du gouvernement du Québec lors de l’événement, la qualifiant «d’inquiétante et d’inconcevable».

La députée péquiste Martine Ouellet y a pour sa part assisté.

«Juste de faire cette demande-là, ça va sensibiliser la population, mais surtout le gouvernement de Philippe Couillard à l’importance de protéger l’île d’Anticosti», a-t-elle déclaré.

Celle-ci, située dans le golfe du Saint-Laurent, est très peu peuplée — à peine 200 habitants permanents — mais regorge de cerfs de Virginie.

Ses rives ayant assisté à plus de 400 naufrages, l’île d’Anticosti est aussi composée de profonds canyons creusés dans le calcaire, de nombreuses grottes et d’impressionnantes chutes.

Ses partisans feront valoir sa richesse fossilifère. «Un laboratoire grandeur nature», a soutenu André Desrochers, du département des sciences de la terre et de l’environnement de l’Université d’Ottawa.

Il soutient qu’on retrouve à Anticosti des fossiles excessivement bien préservés, datant de la première grande extinction de masse de l’histoire de la Terre, il y a environ 445 millions d’années.

Le dossier fera valoir à la fois les caractéristiques naturelles et culturelles du site.

Les habitants de l’île d’Anticosti résident pour la plupart dans son seul village, Port-Menier, et vivent principalement de tourisme, notamment de chasse et de pêche.

«La chasse, ce n’est pas compatible avec l’industrie du pétrole. C’est sûr que je voudrais que ça disparaisse. (…) On a voulu démontrer au gouvernement qu’il y a une alternative au pétrole», a indiqué le maire Pineault.

«Il faut lui dire carrément que de ne pas appuyer ce projet-là, ce serait vraiment une gifle, non seulement aux gens d’Anticosti, mais aux Québécois, aux Premières Nations et à une bonne partie de l’humanité», a-t-il ajouté.

Dominic Champagne, auteur et metteur en scène, qui a réalisé un documentaire sur Anticosti, assistait mardi à l’événement, et a loué les efforts entrepris.

«Là on se défend avec les moyens qu’on peut. La poignée d’irréductibles gaulois qui vivent à Anticosti, ils sont 200 à Port-Menier, ils s’allient avec les Autochtones de la Minganie en espérant faire reconnaître ce qu’ils savent être un joyau, par la communauté internationale, pour mettre de la pression pour empêcher le lobby pétrolier de nous enfoncer davantage dans ce dossier-là», a-t-il fait valoir.

En août dernier, la ministre fédérale de l’Environnement, Catherine McKenna, avait invité les Canadiens à proposer des trésors nationaux comme candidats pour figurer au patrimoine mondial de l’UNESCO. Anticosti a saisi cette occasion.

La municipalité insulaire a jusqu’au 27 janvier pour déposer officiellement sa candidature auprès du fédéral, qui choisira ensuite les sites qui seront présentés à l’UNESCO.

Parmi les lieux québécois faisant déjà partie du patrimoine mondial, on retrouve l’arrondissement historique du Vieux-Québec et le parc national de Miguasha, en Gaspésie.

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Anticosti et le pétrole:

Février 2014:

– Le gouvernement péquiste de Pauline Marois annonce qu’il lancera à l’été 2014 des programmes d’exploration afin de «confirmer le potentiel pétrolier de l’île d’Anticosti».

– Conclusion d’une entente entre Ressources Québec (RQ), Pétrolia, Corridor Resources et Maurel & Prom, ainsi que d’une entente de principe entre RQ et Junex.

Mars 2014:

– Hydrocarbures Anticosti est la société créée pour regrouper les actifs des différents partenaires du projet d’exploration: le gouvernement du Québec (Ressources Québec), Pétrolia, Corridor Resources et Maurel Prom.

Mai 2014:

– Le gouvernement de Philippe Couillard donne son feu vert pour des activités de sondages sur l’île d’Anticosti.

Juin 2014:

– Hydrocarbures Anticosti annonce que l’exploration pétrolière s’organise sur l’île d’Anticosti.

Décembre 2015 et par la suite:

– Le premier ministre Couillard affirme qu’il va honorer le contrat mais qu’il fera tout pour empêcher la fracturation hydraulique sur l’île.

Février 2016:

– Pétrolia fait savoir qu’elle n’exclut pas de poursuivre le gouvernement Couillard s’il continue de s’opposer à l’exploration des hydrocarbures sur l’île d’Anticosti.

Mai 2016:

– Le gouvernement rend publics les rapports des évaluations environnementales stratégiques.

Juin 2016

Le ministère de l’Environnement autorise la société en commandite Hydrocarbures Anticosti à effectuer trois forages avec fracturation hydraulique sur l’île d’Anticosti.

Juillet 2016

– Une demande d’injonction permanente dans le but d’empêcher les travaux exploratoires sur l’île d’Anticosti est déposée au palais de justice de Montréal par le chef du Conseil des Innus d’Ekuanitshit, Jean-Charles Piétacho.

Juillet 2016:

– Pétrolia demande une injonction contre Ressources Québec, une filiale d’Investissement Québec, pour qu’elle investisse ce qui était prévu pour le projet d’exploitation des hydrocarbures à l’île d’Anticosti.

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