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La CIA utilise des jeux de société pour former ses agents

Stéphanie Marin, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

AUSTIN, Texas — Alors qu’on pourrait penser qu’elle se sert de jeux vidéo de guerre sophistiqués, la CIA entraîne ses agents de renseignement notamment avec… des jeux de société et de cartes.

La mythique Agence centrale du renseignement (CIA) des États-Unis a permis un rare coup d’oeil sur ses rouages internes cette semaine, au festival d’innovation et de nouvelles technologies South by SouthWest qui se tient chaque année à Austin, au Texas.

Présents sur place, trois des formateurs d’agents de la CIA ont levé le voile sur une autre portion de leur travail qui consiste à créer des jeux pour assurer la sécurité des États-Unis.

Cet aperçu de la secrète organisation a permis de voir comment la CIA se sert, mais aussi crée des jeux comme «La collecte de données», et «Le caïd: la traque d’El Chapo» (Kingpin: the Hunt for El Chapo) pour entraîner ses agents.

Celui sur la collecte de données est un jeu de cartes dont le but est de recueillir un maximum d’informations afin d’informer les hauts responsables de la Maison-Blanche en cas de crise menaçant la sécurité du pays. On y trouve des cartes venant compliquer la vie des agents comme «Résurgence de Daech» (groupe armé État islamique) ou encore «Conflit de la mer de Chine» et d’autres très terre-à-terre comme «Bloquage bureaucratique», «Satellite écrasé» et «Source mal informée».

L’objectif de ces jeux, explique le formateur David Clopper, est notamment de favoriser la collaboration et le travail d’équipe. Un peu comme dans un épisode de la série télévisée américaine «Homeland» lorsque l’agente de la CIA Carrie Mathison et ses collègues se retrouvent devant plusieurs écrans géants, l’armée prête à attaquer et qu’ensemble ils doivent décider au moyen des données disponibles si une bombe doit être larguée ou pas.

Les équipes qui parviennent à communiquer et à mettre en place des stratégies sont normalement celles qui parviennent à gagner dans le jeu, rapporte M. Clopper, qui a révélé être un adepte du jeu de rôle Donjons et Dragons.

Les jeux doivent exposer les joueurs à de nouvelles idées, de nouveaux concepts et de nouveaux outils, ajoute-t-il.

Un autre jeu requiert des participants qu’ils prennent les décisions nécessaires pour construire une série de satellites afin d’intercepter les renseignements secrets de pays étrangers.

«Puis, on leur jette un obstacle inattendu, par exemple le fait que le Congrès américain vient de couper leur budget en deux», explique M. Clopper.

Le formateur Volko Ruhnke, spécialisé en analyse militaire et terroriste, a rappelé comment le travail des agents de renseignement est aussi de répondre aux questions des législateurs qui doivent prendre des décisions. Si la demande est de prédire comment va évoluer la guerre en Afghanistan au cours de la prochaine année, elle nécessite de rassembler plusieurs expertises et d’en faire la synthèse. Un jeu développé dans ce but s’apparente à une version modifiée du jeu Risk — un jeu sur plateau portant sur la diplomatie, le conflit et la conquête — avec une carte de l’Afghanistan divisée en secteurs et des pions représentant des bâtiments, des véhicules blindés, etc.

Pourquoi des jeux de cartes et des tableaux en carton, plutôt que des jeux vidéo qui offrent aujourd’hui mille possibilités, dont celle de la réalité virtuelle?

Les jeux de société ne sont pas dispendieux, répondent en coeur les formateurs.

«Je me suis déjà servi de jeux vidéo, mais ils sont beaucoup plus difficiles à adapter pour nos besoins, a ajouté la formatrice Rachel Grunspan. Les situations de conflits dans le monde changent rapidement et modifier un jeu vidéo est beaucoup plus ardu et lent.»

Car les formateurs cherchent à créer un jeu le plus près possible de la réalité, lors duquel les joueurs réalisent les impacts de leurs décisions.

Et si l’administration ne comprend pas toujours comment des jeux peuvent être utiles et leur semble parfois futiles, les participants, eux, les prennent parfois trop au sérieux.

Un analyste a été «éliminé» par ses collègues de travail qui le trouvait insupportable.

«Des équipes ont vraiment pris les grands moyens», se rappelle Mme Grunspan, qui raconte que le maître du jeu a dû intervenir dans ce cas particulier pour ressusciter le joueur assassiné, car il détenait des informations essentielles sans lesquelles le jeu ne pouvait se poursuivre.

La CIA n’est d’ailleurs pas la seule à utiliser ce genre d’outils. De nombreuses organisations utilisent les jeux pour former, même l’armée américaine, indique M. Clopper.

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