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Empêcher que le monde ne se défasse

Asylum seekers rest in a tent at the Canada-United States border in Lacolle, Que., Thursday, August 10, 2017. THE CANADIAN PRESS/Graham Hughes Photo: Graham Hughes | La Presse canadienne

Pour les racistes et autres xénophobes, appelons ça de la joie pure. À même un été plutôt morne, côté nouvelles, l’arrivée des quelque 2000 ou 3000 demandeurs d’asile assure la reprise des hostilités. Celles qu’entretiennent, depuis Hérouxville, les curés de l’identitaire.

Parce qu’évidemment, on ne peut pas concilier immigration et identité québécoise (surtout quand la première est qualifiée d’illégale).
Parce qu’évidemment, l’«autre» est une invariable menace au «nous».

Parce qu’évidemment, la dérive de nos valeurs sociétales s’explique par l’imposition, affichée ou subreptice, des valeurs de l’envahisseur.

Parce qu’évidemment, la langue française se meurt du fait de cette même invasion.

Parce qu’évidemment, demander l’asile en vertu du processus mis en place par le droit n’empêche pas que l’individu soit considéré comme «illégal».

Parce qu’évidemment, les 43 000 membres de La Meute, dont le hautement médiatisé Rambo Gauthier, ne font que défendre notre territoire et notre mode de vie.

Parce qu’évidemment, il est bien plus grave d’accuser quelqu’un de racisme que d’être soi-même raciste.

Parce qu’évidemment, ledit racisme existe partout sur la planète sauf, par chance, ici.

Parce qu’évidemment, le simple fait de ne pas s’inquiéter de la situation actuelle t’assure les étiquettes de «multiculturaliste», d’«idiot utile», d’«antiraciste radical» ou, dernière trouvaille, de «progressiste mondain».

Parce qu’évidemment, le simple fait d’avoir un «ami noir» ou encore d’avoir déjà bouffé un shish taouk sans s’étouffer dédouane le raciste en question. (Note à l’«ami noir» : les racistes t’instrumentalisent, mon vieux. Trouve-toi d’autres copains. Plus sincères.)

Parce qu’évidemment, si le Québec reçoit actuellement un tel nombre de demandeurs d’asile, c’est que ses frontières sont devenues de vulgaires passoires.

Parce qu’évidemment, un Québec souverain pourrait défendre sans ennui ses frontières contre l’envahisseur.

Parce qu’évidemment, le président de la République du Québec, Jean-François Lisée, enverrait Donald Trump valser sur les (épines de) roses.

Parce qu’évidemment, dans un Québec souverain, tous les immigrants reçus par le nouveau pays seraient francophones (les… Haïtiens, par exemple).

Parce qu’évidemment, le droit international et les traités signés n’auraient aucune valeur symbolique ou contraignante, sauf dans le cas où ils feraient notre affaire.

Parce qu’évidemment…OK, OK, c’est bon, j’ai fini. Pour l’instant.

***

En bref, c’est désespérant. C’est à se demander si nos curés de la nation ne se réjouissent pas, en un sens, des événements actuels. De l’eau à leur moulin. La preuve ultime de la prophétie. Un nouvel épisode de leur interminable téléroman intitulé À soir, on fait peur au monde…

Petite question: vous en avez croisé combien, vous, des réfugiés syriens? Ou un réfugié tout court? Ou un demandeur d’asile? Info rapide, maintenant: selon l’ONU, d’ici 30 ans et en raison des changements climatiques, 250 millions de demandeurs d’asile parcourront la planète à la recherche d’un endroit sécuritaire.

250 millions. Trente ans.

On devra ainsi discuter, et rapidement, de nouveaux paradigmes. Parce que le monde change. Ses défis aussi.

Encore une fois, Camus à la rescousse : «Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse.»

Merci, Albert.

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