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Une fleur rare est protégée en Estrie

HO / La Presse Canadienne Photo:
Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — «C’est le temps que tu as perdu pour ta polémoine de Van Brunt qui rend ta polémoine de Van Brunt si importante», aurait pu dire le renard s’il avait été apprivoisé par Patrice Laliberté plutôt que par le Petit Prince de Saint-Exupéry.

S’il est d’accord avec l’importance de la délicate petite fleur mauve, le biologiste de Conservation de la nature Canada (CNC) contesterait certainement l’idée d’avoir perdu du temps, car le temps presse alors que l’existence même de la polémoine est menacée.

L’espèce n’existe nulle part ailleurs que dans le nord-est de l’Amérique du Nord et la plupart des sites où elle a été repérée se trouvent au Québec.

«Elle a été trouvée à 14 endroits au Canada, soit 11 au Québec et trois au Nouveau-Brunswick, mais trois des espaces où elle se trouvait au Québec ont disparu et il n’en reste plus que huit», a expliqué M. Laliberté en entrevue avec La Presse canadienne, ajoutant qu’elle a aussi été repérée à quelques endroits au Vermont et dans le New Hampshire.

D’où sa satisfaction à l’annonce, mercredi, que Conservation nature Canada venait de faire l’équivalent de ce que le Petit Prince avait fait en mettant sa rose sous une cage de verre; l’organisme sans but lucratif s’est en effet porté acquéreur d’un terrain de 31 hectares à Ham-Sud en Estrie, à environ 50 kilomètres au nord de Sherbrooke, où la polémoine a pris racine.

La particularité de ce terrain est qu’il comprend une prairie humide, là où pousse la polémoine. Aussi, le terrain, dont la superficie équivaut à environ 60 terrains de football, accueille deux autres espèces menacées, des oiseaux ceux-là, la paruline du Canada et le moucherolle à côtés olive.

«Ce sont des bénéfices collatéraux, souligne le biologiste. Cette propriété a aussi d’autres espèces de flore et des animaux qui la fréquentent.»

Et du temps, il en a fallu pour y arriver, dit-il: «On a commencé autour de 2011, 2012 pour protéger cet espace, à faire des approches auprès des propriétaires. Ça prend souvent quelques années.»

Le terrain a été acquis par CNC pour une somme d’environ 200 000 $.

Coïncidence
L’annonce survient au lendemain d’un autre transfert de propriété dans la municipalité voisine, Saint-Camille, où la Coopérative de solidarité du rang 13 a fait don d’un terrain de 40 hectares (environ 80 terrains de football) à l’organisme Nature Avenir.

«Il y a de l’intérêt pour plus d’une centaine d’espèces fauniques sur ce terrain, mais la protection de la polémoine était un de nos objectifs», explique la directrice générale de Nature Avenir, Andréanne Blais, en entrevue téléphonique.

Pour elle, l’importance de protéger cette fleur ne fait pas le moindre doute.

«Son habitat est très peu connu et les méthodes de conservation sont assez difficiles parce qu’on la connaît très peu», dit-elle.

«L’intérêt, c’est vraiment de préserver les sites où l’on retrouve la polémoine parce que si elle venait à disparaître, on ne saurait même pas à partir de ses graines comment faire la sauvegarde de l’espèce», fait-elle valoir.

Et pour cause: si les spécimens trouvés sur le terrain du CNC poussent dans une prairie humide, ceux de Nature Avenir se trouvent dans une aulnaie marécageuse.

«Chez nous, c’est un marécage riverain, arbustif, mais on la retrouve aussi parfois sur le bord des routes dans des habitats quand même assez différents, mais il faut qu’elle ait le pied dans l’eau», explique Mme Blais, soulignant que c’est là un des rares critères que l’on connaisse.

Là aussi, le terrain est fréquenté par les deux mêmes oiseaux menacés — la paruline du Canada et le moucherolle à côtés olive — et possiblement un autre locataire dont on cherchera à établir la présence avec un recensement.

«Il y a aussi un potentiel d’habitat pour la tortue des bois, qui est une espèce très rare», précise Mme Blais.

Deux autres aires de protection de la polémoine existent depuis quelques années, soit la Réserve naturelle de la Rivière-Stoke (un hectare) et la Réserve naturelle de la Rivière-Nicolet (19 hectares), toutes deux situées dans la même région du plateau des Appalaches, des terres acquises par la Société de conservation des milieux humides du Québec.

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