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Un an jour pour jour: le cafouillage de l'A13

Magdaline Boutros, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Il y a un an jour pour jour, le cafouillage sur les autoroutes 13 et 520 à Montréal a contraint des centaines d’automobilistes à passer la nuit dans leurs véhicules, en pleine tempête de neige.

Bien que le premier ministre Philippe Couillard ait offert des excuses aux automobilistes dans les jours qui ont suivi l’événement, aucune compensation financière ne leur a été offerte à ce jour.

«Une année plus tard, on est obligé de constater que ces excuses-là n’ont pas été suivies par des gestes concrets envers les victimes», a déploré Marc-Antoine Cloutier, qui a tenu un point de presse à Montréal mercredi matin pour marquer le premier anniversaire de l’incident.

L’avocat du cabinet Deveau Avocats pilote l’action collective intentée au nom des quelque 2000 personnes qui ont dû passer l’entièreté ou une partie de la nuit dans leurs véhicules.

Le juge Donald Bisson, de la Cour supérieure, a autorisé, en novembre, que soit entendue la requête en action collective. Des dommages moraux de 2000 $ par individu et des dommages punitifs de 500 $ sont réclamés.

Me Cloutier dit avoir tendu la main au gouvernement du Québec et à la Ville de Montréal, vendredi dernier, pour parvenir à une entente négociée. Une conférence de règlement à l’amiable présidée par un juge leur a également été proposée.

Selon Me Cloutier, la Ville de Montréal a refusé cette offre. Des avocats représentant le gouvernement auraient accepté de tenir des discussions, mais aucune entente n’a encore été conclue.

Un an après les faits, Me Cloutier réitère sa demande auprès des parties en cause pour qu’une entente soit rapidement conclue afin d’indemniser les victimes.

«On aurait espéré qu’après avoir mis en place des mesures correctrices, après s’être excusé, il y aurait pu y avoir un dédommagement presque automatiquement des victimes de cette nuit-là pour tenir compte de l’important préjudice qu’elles ont vécu», a-t-il soulevé.

«Ce n’est pas juste une question d’argent, c’est une question de reconnaissance, d’excuses et de donner foi ou une vie concrète à une excuse ou une reconnaissance à une situation problématique», a-t-il poursuivi.

En novembre, le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal s’étaient opposés à la tenue de l’action collective. Ils avaient argué que le dossier relève de la compétence exclusive de la Société de l’assurance-automobile du Québec (SAAQ) et que toute indemnisation doit être faite selon les critères de la SAAQ.

En entrevue, Me Cloutier a mentionné que le gouvernement fait maintenant preuve d’une ouverture renouvelée et qu’il a bon espoir de parvenir à une entente avec Québec. «Je pense que le ministère comprend qu’il manque quelque chose dans les excuses, c’est-à-dire de reconnaître le préjudice qui a été causé à ces gens-là.»

Les sommes réclamées ne sont pas «très importantes», rappelle-t-il, ajoutant qu’un règlement peut toutefois «faire une grande différence dans la vie des 2000 personnes qu’on représente».

Une tragédie humaine

Une véritable «tragédie humaine» s’est déroulée dans la nuit du 14 au 15 mars sur les autoroutes 13 Sud et 520 Est, selon Me Cloutier. Alors qu’une importante tempête de neige s’abat sur la province, des centaines de voitures restent prisonnières de la neige au beau milieu de l’autoroute.

La saga s’étire sur une dizaine d’heures, pendant lesquelles les automobilistes sont laissés à eux-mêmes, voire «abandonnés», sans nourriture, sans eau et sans chauffage pour ceux et celles qui n’avaient plus d’essence.

Après avoir été placées malgré elles en «situation de survie», plusieurs personnes «vivent encore aujourd’hui avec des traumatismes importants», fait valoir Me Cloutier.

C’est notamment le cas de Jacques Laramée, âgé de 65 ans, qui est diabétique. Il se rappelle avoir vécu un grand «sentiment de solitude et d’impuissance» lorsqu’il est resté pris, seul, pendant des heures dans son véhicule.

Il dit aujourd’hui vivre avec la peur que cette situation ne se reproduise. «Depuis cet épisode, je garde dans mon auto un sac de survie médicale, un sac de sports avec des gants, des mitaines, des tuques, des foulards, des bottes. J’ai de la nourriture et de l’eau, parce que j’ai peur que ça se reproduise», témoigne-t-il.

Dans le rapport commandé par le gouvernement pour faire la lumière sur ce cafouillage, l’enquêteur Florent Gagné avait conclu que ces événements n’avaient «pas été correctement pris en main par les services publics comme les citoyens sont en droit de s’y attendre, révélant ainsi des lacunes majeures dans l’organisation et le fonctionnement des organismes en cause et tout particulièrement le MTQ (ministère des Transports) et la SQ (Sûreté du Québec)».

Marc-Antoine Cloutier dit ne pas savoir combien de voitures sont restées coincées sur l’autoroute dans la nuit du 14 au 15 mars. Quelque 2000 personnes se sont toutefois inscrites à l’action collective. Me Cloutier assure que des vérifications seront faites pour s’assurer que tous les requérants se trouvaient bel et bien sur les lieux pendant cette nuit fatidique.

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Chronologie des événements

– 14 mars, vers 14h30: une importante tempête de neige frappe le sud-est du Québec. Elle s’intensifie au courant de l’après-midi et de la nuit;

– 14 mars, 18h04: Un camion s’enlise dans la bretelle donnant accès à l’A-520 Est;

– 14 mars, 19h15: Un autre camion se met en portefeuille dans la bretelle d’accès menant à l’A-20 Est. La circulation est interrompue sur l’A-13 Sud entre la sortie de la rue Hickmore et l’A-20;

– 14 mars, 19h59: Un autre camion se met en portefeuille sur la voie de l’A-13 Sud, juste avant la sortie Hickmore. La circulation est interrompue sur l’A-13 entre l’A-520 et la sortie de la rue Hickmore;

– 14 mars, 20h05: Un autre camion s’enlise dans la bretelle d’accès menant à l’A-20 Est;

– 14 mars, 20h30: Un autre camion bloque la bretelle d’accès l’A-520 Ouest. La circulation est interrompue sur l’A-13 Sud entre l’A-40 et l’A-520;

– 14 mars, 20h40: Le chef d’équipe en fonction au Centre intégré de gestion de la circulation du MTQ fait état à son supérieur, le chef par intérim, du blocage de la circulation sur l’A-13 à la hauteur de l’A-520;

– 14 mars, 23h30: Un premier appel conférence est convoqué par la sécurité civile de la Ville de Montréal. Le MTQ ne mentionne pas lors de cet appel que des citoyens sont pris sur l’A-13;

– 15 mars, 01h40: Un deuxième appel conférence est convoqué par la sécurité civile de Montréal. Le MTQ ne participe pas à cet appel;

– 15 mars, 02h30: La SQ commence à dégager progressivement l’A-13 Sud entre l’A-40 et l’A-520;

– 15 mars, 03h27: Le Service des incendies de Montréal (SIM) reçoit un appel de la SQ lui demandant s’il a la capacité d’intervenir afin d’évacuer les personnes prises dans les quelque 300 véhicules immobilisés sur l’A-13;

– 15 mars, 04h29: Le SIM «prend l’initiative» de dépêcher des véhicules de secours sur place;

– 15 mars, 05h08: Un autobus contenant des bouteilles d’eau, des couvertures et des toilettes est envoyé sur les lieux. Plusieurs personnes sont évacuées vers un centre d’hébergement de Lachine;

– 15 mars, 06h30: La SQ commence à dégager progressivement l’A-13 Sud entre l’A-520 et la sortie Hickmore.

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