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Pitbulls: les opinions sont polarisées

Un chien de type pitbull a attaqué l'animal de compagnie d'un couple de sexagénaires de Ville-Émard. Photo: Collaboration spéciale
Jocelyne Richer, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

QUÉBEC — Le projet de loi 128, qui vise à bannir les pitbulls, suscite des opinions très tranchées: il y a les pour et il y a les contre.

C’est ce qui ressort de la première journée de consultation menée sur ce projet de loi controversé, qui vise à définir un meilleur encadrement pour les chiens jugés dangereux ou qui ont le potentiel de le devenir.

Sur le plan politique, un projet de loi qui polarise autant l’opinion publique, à quelques mois d’une échéance électorale, devient un pari risqué.

Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, qui pilote le dossier, se dit d’ailleurs bien conscient de l’enjeu.

Pas question de porter «des lunettes roses» et d’espérer faire l’unanimité, a-t-il commenté lors d’une mêlée de presse, mardi. Ce projet de loi «est polarisant, on le sait», a-t-il ajouté, en espérant que la consultation de trois jours débouche malgré tout sur «un point de ralliement du plus grand nombre».

Il reste cependant peu de temps au ministre pour bâtir des consensus, le calendrier parlementaire prenant fin à la mi-juin alors que l’étude de son projet n’est même pas encore commencée.

Les premiers intervenants entendus mardi laissent croire que le consensus sera difficile à atteindre.

L’idée de bannir les pitbulls et d’identifier des races de chiens dangereux place les intervenants dos à dos.

Le projet de loi 128 a été rédigé à la suite de la tragédie qui a frappé Christiane Vadnais, cette Montréalaise attaquée et mordue à mort par un pitbull en juin 2016.

Mardi, sa soeur Lise, entourée de son mari, ses frères et soeurs et de la fille de la victime, est venue dire au gouvernement qu’il ne devait pas reculer et qu’il devait adopter la loi au plus vite pour protéger la population et éviter d’autres drames.

En point de presse, elle a dit qu’elle voulait démontrer aux parlementaires «la dangerosité hors normes des pitbulls» et «déboulonner» les arguments du «lobby pro-pitbulls».

Elle juge que le gouvernement a trop tergiversé dans ce dossier. «On aurait voulu que ça se passe beaucoup plus rapidement», a commenté Mme Vadnais, en marge de son témoignage en commission parlementaire, rappelant que sa soeur est décédée depuis près de deux ans.

«Ce n’est pas une question politique ce débat-là. C’est une question de sécurité publique», a-t-elle fait valoir, souhaitant un débat non partisan.

Dans son mémoire, elle se dit convaincue que «si la population et nos dirigeants étaient mieux informés il n’y aurait pas de débat, tellement la dangerosité des pitbulls est évidente».

Mais tout le monde n’est pas de cet avis. Les médecins vétérinaires sont venus dire au ministre qu’il était «utopique et inapplicable» d’identifier des races de chiens dangereux.

La présidente de l’Ordre des médecins vétérinaires, le Dr Caroline Kilsdonk, a plutôt plaidé pour des mesures ayant un impact à long terme: des campagnes de sensibilisation, un meilleur contrôle des conditions d’élevage canin et la création d’un registre des chiens dangereux.

Le maire de Laval, Marc Demers, considère lui aussi qu’il ne sert à rien d’identifier des races de chiens dangereux. Il demande donc au gouvernement de retirer ces articles, qui constituent pourtant le coeur du projet de loi.

Il soutient que Québec doit changer d’approche et s’intéresser davantage aux propriétaires de chiens, plutôt qu’aux races de chiens.

«Le comportement d’un chien est souvent dicté par l’attitude du propriétaire», a-t-il commenté lors d’une mêlée de presse.

Le projet de loi ne règlera aucun problème, selon lui. «Si on bannit certaines races, les gens qui veulent des chiens agressifs et dangereux pourront en dompter d’autres», a-t-il fait valoir, convaincu que la solution réside dans l’objectif de responsabiliser les propriétaires de chiens.

Cet ancien policier insiste: il existe des chiens dangereux, mais pas de races de chiens dangereux.

Au total, 16 organismes ou personnes participeront à cette consultation d’ici jeudi soir, dont l’Association québécoise des SPA et SPCA (AQSS) et les deux grands regroupements municipaux (la Fédération québécoise des municipalités et l’Union des municipalités). Les municipalités seront aux premières loges pour faire appliquer cette loi.

Que dit le projet de loi?

Le projet de loi 128 n’inclut pas comme telle l’interdiction de posséder un pitbull, mais une fois la loi adoptée le ministre Coiteux s’est engagé à faire passer un décret gouvernemental qui irait en ce sens.

À terme, la possession d’un pitbull serait donc interdite et les chiens jugés dangereux devraient obligatoirement être signalés aux autorités.

Les propriétaires actuels d’un pitbull pourraient cependant conserver leur compagnon.

Le projet de loi identifie certaines catégories de chiens potentiellement dangereux, nommément les pitbulls, les rottweilers, les terriers américains et les bulls terriers du Staffordshire.

Les municipalités auraient des devoirs, comme celui de faire euthanasier un chien qui a mordu à mort une personne ou lui a infligé de graves blessures.

Les municipalités qui le désirent pourraient se doter de règlements encore plus sévères que ce que prévoit la loi 128.

Si une ville estime qu’un chien est menaçant, elle pourrait exiger qu’il soit vu par un vétérinaire et déclaré «potentiellement dangereux».

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