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Racisme: pas de consultation en vue, dit Ottawa

Prime Minister Justin Trudeau rises during Question Period in the House of Commons on Parliament Hill in Ottawa on Tuesday, March 20, 2018. THE CANADIAN PRESS/Justin Tang Photo: Justin Tang / La Presse canadienne
Mélanie Marquis et Caroline Plante, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Les libéraux fédéraux n’ont pas l’intention de jouer dans le même film que les libéraux québécois. Pas question, donc, de suggérer de lancer de vastes consultations publiques sur le racisme systémique.

C’est ce qu’a soutenu mercredi après-midi Mélanie Joly après que la possibilité d’instiguer une telle démarche à l’échelle canadienne eut été évoquée dans le Globe and Mail — et alors que, du côté de l’Assemblée nationale, le Parti québécois et la Coalition avenir Québec s’en inquiétaient.

«Il n’y aura pas de grande consultation publique sur le racisme. Ce ne sera pas l’approche de notre gouvernement», a tranché la ministre du Patrimoine canadien en mêlée de presse avant la période des questions.

Des consultations auront certes lieu, mais ne seront pas ouvertes au grand public et seront liées à des investissements contenus dans le budget de février 2018, a-t-elle ajouté en faisant référence à l’injection de quelque 42 millions $ à ces fins.

De cette somme, 23 millions $ serviront à «soutenir des consultations à l’échelle du pays sur une nouvelle approche nationale contre le racisme (…) pour lutter contre le racisme et la discrimination ciblant les peuples autochtones, les femmes et les filles», lit-on dans le budget.

Le but de la démarche, a insisté mercredi la ministre Joly, est de «parler avec différents intervenants» afin de «moderniser l’approche» gouvernementale pour trouver de «vraies solutions à de vrais problèmes» en matière d’emploi, accès à la justice, droits fondamentaux.

Quelques heures plus tôt, avant la réunion hebdomadaire de son caucus, le premier ministre Justin Trudeau soutenait qu’il était «sain pour une société de constamment s’assurer qu’on n’est pas en train d’agir de façon inappropriée» en réponse aux questions sur une potentielle consultation.

«Il faut reconnaître qu’il y a toujours des gens qui font face à la discrimination dans notre société et on devrait toujours chercher à améliorer notre façon de faire», a-t-il offert aux journalistes qui lui rappelaient qu’un projet similaire avait mal passé au Québec.

Le député libéral Greg Fergus a appuyé «la bonne idée» de mener des consultations sur le racisme systémique, parce que cela «existe au Canada». Celui qui préside le caucus des députés noirs s’est dit convaincu qu’il serait possible d’avoir un débat national «serein».

«Si on décide d’avoir un débat où on peut examiner (l’enjeu) d’une façon très claire, très limpide, je pense que les Canadiens seront réceptifs à avoir ce débat», a-t-il offert en mêlée de presse.

Sa collègue Maryam Monsef, ministre de la Condition féminine, partage la même conviction, soulignant que «dans toute société, et compte tenu de la diversité de la nôtre, il y a des divergences et des défis auxquels il faut s’attaquer».

«Cette conversation avec les Canadiens nous permettra d’entendre les gens de tous les horizons dire comment le Canada peut continuer à renforcer sa société et ses communautés», a-t-elle confié à La Presse canadienne avant la clarification de sa collègue ministre Joly.

«Un discours qui va diviser»

La possibilité que le gouvernement envisage de se prêter à cet exercice avait fait grincer des dents du côté de l’opposition officielle, les conservateurs accusant les libéraux de chercher à semer la zizanie au sein de la population.

«Vouloir faire une consultation à partir de la prémisse que c’est systémique, donc qu’il y a un système établi, érigé, c’est beaucoup trop lourd. Ça ne correspond pas à la réalité», a argué Gérard Deltell à son arrivée au parlement, mercredi matin.

Son collègue Alain Rayes a tenu un discours identique. Il a regretté que les libéraux veuillent selon lui provoquer «une situation conflictuelle où il n’y a pas de conflit présentement», parce qu’une telle démarche sous-entend que la population est raciste.

«La dernière chose qu’on veut, c’est un discours qui va diviser, a-t-il soutenu en mêlée de presse. Ça va jouer dans un terrain qui est miné présentement. (…) Je ne crois pas que la population canadienne, que la population québécoise, est raciste.»

Débat renouvelé

La question du racisme systémique a fait jaser il y a quelques mois sur la colline du Parlement à Ottawa avec l’adoption d’une motion controversée sur l’islamophobie qu’avait portée une députée libérale de confession musulmane Iqra Khalid.

Plus récemment, la décision du gouvernement de mettre des sommes de côté au budget pour des programmes destinés aux Canadiens issus de minorités culturelles a mené à une prise de bec sur Twitter entre le conservateur Maxime Bernier et la libérale Celina Caesar-Chavannes.

Au Beauceron qui avait émis des critiques, le 6 mars dernier, l’élue ontarienne noire avait conseillé «d’admettre son état de privilégié et de se taire». Elle lui a ensuite présenté ses excuses en lui proposant une rencontre — une invitation que Maxime Bernier a déclinée.

Motion PQ-CAQ battue

Sur la colline parlementaire à Québec, le Parti québécois et la Coalition avenir Québec ont cherché à reprendre la balle au bond en déposant une motion demandant «que l’Assemblée nationale prenne acte du fonds fédéral de 23 millions $ consacré au multiculturalisme».

La motion, qui réclamait également du gouvernement québécois qu’il exerce «son droit de retrait avec pleine compensation financière», n’a cependant pas été débattue, n’ayant pas obtenu le consentement du gouvernement libéral de Philippe Couillard.

La question du racisme systémique au Québec est sensible; en octobre, le gouvernement Couillard a dû renoncer à mener à terme sa propre consultation sur la discrimination systémique pour privilégier à la place un exercice de réflexion sur l’immigration comme réponse à la pénurie de main-d’oeuvre anticipée.

Québec avait demandé à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPDJ) de tenir cette consultation sur la discrimination systémique et le racisme, une initiative qui a fait l’objet de nombreuses critiques et controverses.

Les partis d’opposition accusaient notamment le gouvernement de vouloir faire le procès des Québécois de souche et de tenter de les culpabiliser.

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