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Aide internationale: Ottawa veut impliquer le privé

Adrian Wyld / La Presse Canadienne Photo: Adrian Wyld / La Presse Canadienne

Ottawa espère profiter d’une rencontre des ministres des Finances et du Développement international du G7, la semaine prochaine en Colombie-Britannique, afin d’explorer des façons d’utiliser l’argent consacré à l’aide internationale pour inciter le secteur privé à investir dans les régions les plus pauvres de la planète.

La rencontre de Whistler sera la première réunion formelle des ministres des Finances et du Développement international du G7.

Plusieurs membres du groupe des pays les plus industrialisés, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, s’affairent depuis un bon moment à attirer le secteur privé vers les pays en développement afin de pallier des niveaux insuffisants d’aide étrangère.

Le Canada traîne de l’arrière à ce chapitre. Plus tôt cette année, il est devenu le plus récent membre du G7 à mettre sur pied une agence de financement du développement qui fonctionnera en parallèle avec le programme gouvernemental d’aide internationale.

La ministre fédérale du Développement international, Marie-Claude Bibeau, a expliqué que la recherche de nouvelles stratégies pour attirer les capitaux privés vers les pays en développement serait au coeur des discussions de Whistler.

En tant qu’hôte du sommet du G7 cette année, le Canada placera aussi l’autonomisation des femmes au centre des discussions sur le développement — avec de nouvelles approches qui respecteront le cycle de vie des filles, des adolescentes et des femmes.

Mais sans idées novatrices, a prévenu la ministre, la communauté internationale n’arrivera jamais à éradiquer la pauvreté.

Les investissements des pays donateurs devront être de 5000G$ à 7000G$ pour atteindre les cibles de développement durable de la planète d’ici 2030, a indiqué Mme Bibeau.

«Nous devons passer des milliards de dollars aux milliers de milliards de dollars, donc nous savons que si nous nous fions uniquement à ces pays donateurs, comme le Canada et les pays du G7, nous ne ferons jamais disparaître la pauvreté, a-t-elle expliqué lors d’une entrevue accordée à La Presse canadienne. Nous devons nous y prendre différemment et recruter de nouveaux partenaires.»

La ministre a affirmé que plusieurs options seraient examinées à Whistler. Elle a refusé de donner plus de détails, mais a ajouté qu’on pourrait chercher à éliminer les risques financiers pour le secteur privé dans les régions les plus instables de la planète.

Le Canada estime que le G7 est un forum important pour faire émerger de nouvelles idées en raison du rôle crucial qu’il joue en matière de développement.

Le bureau de Mme Bibeau affirme que les membres G7, y compris l’Union européenne, fournissent 76 pour cent de «l’aide au développement officielle», à savoir l’aide gouvernementale destinée à améliorer le développement social et économique des pays pauvres. Le G7 fournit également 81 pour cent de l’aide humanitaire sur la planète, selon une porte-parole de Mme Bibeau.

Soutenir les femmes et les filles
Les discussions du G7 examineront aussi comment on peut inciter le secteur privé à investir dans les entreprises dirigées par des femmes dans les pays en développement. Selon Mme Bibeau, une attention particulière sera accordée aux adolescentes.

Les adolescentes vivant dans les pays les plus pauvres du monde doivent surmonter des obstacles importants comme la violence fondée sur le sexe, les grossesses précoces et d’autres problèmes qui les poussent à quitter très tôt les bancs d’école, a-t-elle ajouté.

Pour Mme Bibeau, offrir aux adolescentes de ces pays la chance d’améliorer leur éducation, leur santé et leur alimentation sera une composante importante de cet effort.

«Nous croyons que c’est la meilleure manière d’éradiquer la pauvreté — mais si nous voulons avoir des femmes autonomes, il faut permettre aux filles d’atteindre leur plein potentiel», a-t-elle dit.

La ministre Bibeau a invité des adolescentes des pays en développement et des communautés autochtones canadiennes à s’adresser directement aux ministres.

Certains croient toutefois qu’il sera ardu de convaincre les entreprises d’accroître leurs investissements dans les pays en développement.

Liam Swiss, un expert du développement à l’université terre-neuvienne Memorial, croit qu’il est important et admirable pour les gouvernements de pousser le secteur privé à s’impliquer. Mais l’attention des entreprises demeurera concentrée vers les régions où elles peuvent engranger des profits, prévient-il.

«Elles existent pour faire des profits, donc on peut avoir une bonne responsabilité sociale corporative, mais au bout du compte, ce qui est le plus important pour leurs actionnaires est le profit», souligne M. Swiss, qui se demande ce qu’on pourrait faire de plus pour attirer les investisseurs privés.

«En ce qui concerne des façons nouvelles et novatrices d’y arriver, je me demande bien ce que le G7 pourrait offrir à ces firmes pour stimuler leur partenariat et leurs investissements […] et qui n’a pas déjà été essayé.»

Les détracteurs de cette approche, ajoute M. Swiss, s’inquiètent de voir les entreprises exploiter les individus et les communautés — et du risque que les plus pauvres n’en tirent aucun bienfait économique.

D’autres sont plus optimistes. Megan O’Donnell, du groupe de lutte contre la pauvreté One, fondé par le chanteur Bono, affirme que les efforts pour attirer les investissements privés vers les pays en développement ont connu un «succès extraordinaire». La question cruciale, croit-elle, est de déterminer s’il y a eu un impact positif sur les plus pauvres.

«Des travaux intéressants portent à croire que ça a été le cas, mais je crois qu’on doit faire en encore plus pour nous en assurer», a-t-elle dit.

Mme O’Donnell, responsable des questions liées aux spécificités des genres pour One, estime qu’une plus grande autonomisation économique des femmes — en tant qu’entrepreneures, par exemple — sera une situation «gagnant-gagnant» puisque cela contribuerait aussi à la rentabilité des entreprises, une fois les risques financiers éliminés.

«Ce ne sera peut-être pas évident pour (les entreprises) de réaliser dès le début que c’est une occasion pour elles de faire des profits, mais une fois certains risques éliminés, alors soudainement ça devient beaucoup plus intéressant pour le secteur privé.»

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