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Ottawa achète Trans Mountain pour 4,5G$

Sean Kilpatrick / La Presse Canadienne Photo: Sean Kilpatrick
Mia Rabson, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le ministre des Finances, Bill Morneau, a annoncé mardi que «dans l’intérêt national», le gouvernement fédéral achètera l’oléoduc Trans Mountain et tout l’actif principal de Kinder Morgan Canada pour 4,5 milliards $.

En attendant que la vente soit finalisée — ce qui ne se produira probablement pas avant le mois d’août, estime le ministre —, Kinder Morgan a accepté d’aller de l’avant avec l’expansion de l’oléoduc dès cet été, «afin de garantir la saison de construction estivale et d’assurer que le projet soit complété dans un délai raisonnable», a expliqué M. Morneau.

Une fois la transaction complétée, Ottawa poursuivra la construction de son propre chef, jusqu’à la vente éventuelle de cet actif, au moment où les conditions du marché lui permettront d’obtenir le meilleur prix, a indiqué le ministre des Finances.

«Le projet est très important pour l’intérêt national et nous avons considéré la valeur des actifs, et on achète quelque chose avec la possibilité de plus de valeur dans l’avenir», a-t-il expliqué en conférence de presse. «Nous croyons qu’il s’agit de la meilleure façon de protéger des milliers d’emplois et la façon la plus sûre et la plus sécuritaire d’acheminer nos ressources naturelles vers les marchés internationaux.

«Soyons clairs: il s’agit d’un investissement dans l’avenir du Canada», a martelé le ministre.

M. Morneau avait d’abord présenté les différentes options à ses collègues du cabinet fédéral lors d’une réunion très matinale à Ottawa, mardi, avant que la décision finale ne soit prise. Cet arrangement, qui survient quelques jours avant l’échéancier du 31 mai fixé par Kinder Morgan pour dénouer l’impasse, devra aussi être approuvé par les actionnaires de l’entreprise.

Dans un appel téléphonique avec des analystes financiers, mardi, le dirigeant de Kinder Morgan Canada, Steve Kean, a estimé que l’entente conclue avec Ottawa constituait «la meilleure offre pour les actionnaires» et «la meilleure façon de faire avancer ce projet d’intérêt national».

L’expansion de Trans Mountain permettrait de tripler la capacité de l’oléoduc qui achemine déjà du pétrole d’Edmonton jusqu’au terminal maritime de Burnaby, en banlieue de Vancouver.

Lorsqu’on rappelle au ministre que le prix d’achat de 4,5 milliards $ est bien inférieur à la valeur du projet évoquée jusqu’ici par Kinder Morgan — 7,4 milliards $ —, M. Morneau s’est bien gardé de prédire si les coûts de construction allaient faire augmenter la note. Il a soutenu que cette transaction n’aura pas d’impact sur les finances publiques puisqu’il y aura des actifs.

Le chef conservateur, Andrew Scheer, a aussitôt rappelé que ce prix d’achat de 4,5 milliards $, «c’est un minimum: on ne sait pas les vrais coûts» de l’ensemble du projet d’expansion de l’oléoduc. «C’est pour un aspect du projet (l’achat des actifs), mais tous les autres coûts — pour l’expansion, pour les délais —, on ne sait pas. Justin Trudeau ne peut pas dire aux Canadiens les vrais coûts de cette annonce aujourd’hui», a commenté M. Scheer en conférence de presse.

Le chef du Nouveau Parti démocratique fédéral, Jagmeet Singh, a estimé quant à lui que le gouvernement Trudeau «ne peut pas être un leader dans la lutte contre les changements climatiques et faire ces investissements» dans le pétrole. «Les leaders en matière de changements climatiques n’investissent pas 4,5 milliards $ dans les pipelines, a-t-il soutenu. C’est complètement inacceptable.»

L’Alberta partenaire

Exportation et Développement Canada financera la transaction, qui comprend l’achat de l’oléoduc, des stations de pompage et des droits de passage existants le long du tracé entre Edmonton et Vancouver, de même que le terminal maritime de Burnaby, en Colombie-Britannique, où arrive l’oléoduc et où le pétrole est chargé sur les navires-citernes pour exportation.

Ottawa ne prévoit pas devenir propriétaire à long terme du projet et négocie avec les investisseurs intéressés, notamment les communautés autochtones, les caisses de retraite et le gouvernement de l’Alberta. Le gouvernement de cette province a également accepté de financer les coûts imprévus qui découleront de l’expansion de l’oléoduc.

Ce plan rappelle la façon dont le gouvernement conservateur avait financé et géré les actions de General Motors et de Chrysler en 2009, afin de sauver les constructeurs automobiles pendant la crise financière. Exportation et Développement Canada créera notamment une société d’État pour gérer tout le projet.

Ottawa a le pouvoir constitutionnel de construire des projets interprovinciaux comme les oléoducs, mais le premier ministre néo-démocrate de la Colombie-Britannique, John Horgan, est allé en cour pour savoir si la compétence de sa province en matière d’environnement lui permettrait de réglementer ce qui circule dans l’oléoduc.

Cette contestation judiciaire pourrait prendre plus d’un an, mais Ottawa n’entretient aucun doute sur l’issue de ce processus. Le gouvernement fédéral est également persuadé qu’il aura gain de cause dans une contestation en Cour fédérale intentée par certaines communautés autochtones au sujet de l’approbation de l’oléoduc par les libéraux. Une décision dans cette affaire est attendue à tout moment.

Le gouvernement libéral fédéral avait approuvé le projet en novembre 2016, à la suite d’un processus d’examen environnemental élargi qui comprenait des consultations supplémentaires avec les communautés autochtones et évaluait la quantité d’émissions additionnelles de gaz à effet de serre qui résulteraient de la nouvelle production de pétrole pour alimenter l’oléoduc Trans Mountain.

Le premier ministre Trudeau affirme que le projet est dans l’intérêt national et qu’il constitue un élément essentiel de l’avenir économique du Canada. Il estime que le pays perd 15 milliards $ chaque année en vendant son pétrole, car les États-Unis sont le seul client à l’exportation, ce qui fait baisser le prix obtenu. Un manque de capacité dans les oléoducs et les trains pour «sortir» le pétrole produit en Alberta nuit également au secteur de l’énergie au Canada, estime-t-on.

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