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Pensionnats autochtones: des milliers d’enfants au sort inconnu

Nellie Hardisty n’était qu’une fillette de Moose Factory, en Ontario, lorsqu’elle a disparu dans le bourbier des pensionnats autochtones et des hôpitaux associés.

La gamine aux joues creusées par de profondes fossettes a finalement succombé à la tuberculose à l’âge de 12 ans. Aucun de ses proches ne l’a revue ni même eu connaissance de l’endroit où elle a été enterrée.

Plusieurs décennies plus tard, son neveu Logan Jeffries a finalement pu tenir sa photo entre ses mains.

«Je suis devenu un peu émotif», avoue-t-il.

«Toute ma famille, mes enfants, mes petits-enfants partagent tous ces fossettes. Voilà d’où ça vient. De cette femme-là. Ma mère en a toujours parlé.»

M. Jeffries a passé 12 ans à la recherche de sa tante Nellie. Ce n’est que lorsque des chercheurs autochtones se sont associés à Nancy Hurn, une archiviste de l’Église anglicane du Canada, qu’on lui a enfin remis son dossier.

«J’ai été anglicane toute ma vie, affirme Mme Hurn, qui a fait de ces retrouvailles posthumes sa mission personnelle. L’Église a beaucoup de comptes à rendre. Mon rôle est d’apporter nos excuses.»

Selon la Commission de vérité et réconciliation, le sort d’au moins 4 300 enfants ayant fréquenté les pensionnats demeure inconnu.

Nancy Hurn s’est lancée dans de telles recherches il y a 15 ans, alors que le gouvernement canadien commençait à se pencher sur le legs de ces établissements. Les archives nationales de l’Église anglicane consignent l’histoire de sa société missionnaire, qui dirigeait ces écoles jusqu’à ce que le gouvernement fédéral en prenne les rênes dans les années 1960.

À mesure que les églises et le gouvernement fédéral s’approchaient d’un règlement et que les poursuites s’amoncelaient, Ottawa avait besoin des noms de tous les enfants ayant fréquenté les pensionnats.

La Commission vérité et réconciliation, créée en 2008, a elle aussi demandé l’accès à leurs dossiers intégraux. Finalement, des centaines de milliers de documents provenant des archives anglicanes — y compris des procès-verbaux de réunions, des registres de chapelles et de paroisses, des bulletins d’information et des notes de groupes auxiliaires féminins — ont été transférés.

«En faisant cela, nous avons réalisé qu’il y avait beaucoup d’élèves identifiés comme étant morts dans les écoles», raconte Mme Hurn.

Son travail a alors pris un nouvel aspect.

«Je recevais des demandes de la part de quelques personnes concernant des élèves qui ne sont jamais revenus à la maison et dont on ne savait pas ce qui était advenu.»

La Commission érige présentement une base de données sur tous ces enfants disparus. Elle devrait être complétée d’ici le mois de mars prochain.

«Même là, je peux vous assurer que nous ne publierons pas une liste de noms définitive, signale l’archiviste de la Commission, Raymond Frogner. C’est une tâche monumentale.»

Nancy Hurn continue d’être approchée par des gens qui veulent savoir comment leurs proches sont morts et où ils ont été enterrés.

«Ça doit être fait, insiste-t-elle. C’est tellement important.»

Elle se souvient d’une femme de Sudbury, en Ontario, qui ignorait ce qui était advenu de son frère.

«J’ai dit: « Nous allons trouver John. » Et puis je me suis dit:  »Qu’est-ce que je dis-là? Je n’en sais rien! »»

«Puis j’ai trouvé les documents et ils ont tenu des funérailles pour lui et tous les enfants sont venus et ils ont fait une couronne de fleurs. Ils ont chanté des cantiques. La famille était si reconnaissante.»

«Il y en a quelques-uns qui étaient en colère contre l’Église et ils ont parfaitement le droit de l’être, mais la plupart ont été aimables», poursuit-elle, soulignant «la compréhension et l’acceptation» des gens qui ont sollicité son aide.

Rien ne peut expier le passé, soutient Mme Hurn, qui est à quelques jours de sa retraite. Mais elle est contente d’avoir pu contribuer à sa façon au processus de guérison.

Logan Jeffries compte se rendre au lieu de dernier repos de sa tante, y planter une croix … et enfin tourner la page.

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