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Trop d’ours polaires dans certains coins du Nunavut

Jonathan Hayward / La Presse Canadienne Photo: Jonathan Hayward/La Presse Canadienne
Bob Weber - La Presse canadienne

Il y a trop d’ours polaires dans certaines parties du Nunavut et ils ne semblent pas pour le moment souffrir des changements climatiques, s’il faut en croire une ébauche de plan de gestion du gouvernement territorial qui contredit une grande partie de la pensée scientifique conventionnelle.

Le plan proposé — qui fera l’objet d’audiences publiques mardi à Iqaluit — prévient que le nombre croissant d’ours compromet de plus en plus la sécurité publique et qu’il est temps que les connaissances inuites orientent les politiques de gestion.

«Les Inuits croient qu’il y a maintenant tellement d’ours que la sécurité publique est devenue une préoccupation majeure», indique le document, qui résulte de quatre années d’études et de consultations publiques. Les préoccupations en matière de sécurité publique, combinées aux effets des ours polaires sur d’autres espèces, suggèrent que dans de nombreuses communautés du Nunavut, l’ours blanc pourrait avoir dépassé le seuil de coexistence.»

Les ours polaires ont tué deux Inuits l’été dernier.

Le plan s’appuie fortement sur les connaissances des Inuits, ce qui donne des estimations de population supérieures à celles suggérées par la science occidentale pour la quasi-totalité des 13 populations d’ours incluses.

Les scientifiques disent qu’une seule population d’ours est en croissance; les Inuits disent qu’il y en a neuf. Environnement Canada dit que quatre populations diminuent; les Inuits disent que non.

Le plan proposé minimise l’une des principales préoccupations de la communauté scientifique.

«Bien qu’il existe de plus en plus de preuves scientifiques établissant un lien entre les effets des changements climatiques, la dégradation de l’état physique des ours et les projections de déclin de la population, aucun déclin n’a été attribué aux changements climatiques, peut-on lire dans le document. (Le savoir inuit) reconnaît que les ours polaires sont exposés aux effets des changements climatiques, mais suggère qu’ils sont adaptables.»

Environnement Canada réplique que cela «ne correspond pas aux preuves scientifiques». L’agence fédérale cite deux études suggérant le contraire.

Andrew Derocher, un expert des ours polaires à l’Université de l’Alberta, est plus incisif.

«C’est tout simplement faux, dit-il. Cela a été documenté dans de nombreux endroits maintenant — pas seulement en ce qui concerne la condition physique, mais aussi le taux de reproduction et la survie.»

Le gouvernement du Nunavut a refusé une demande d’entrevue.

Sa position est fortement appuyée par les 11 groupes inuits et les organisations de chasseurs qui ont présenté des observations.

«Les décideurs n’ont pas toujours suffisamment intégré les connaissances des Inuits, indique un document soumis par Nunavut Tunngavik, l’organisation de revendication territoriale inuite. La déconnexion entre le sentiment au sein de certaines communautés scientifiques et (les connaissances inuites) a été prononcée.»

Dans son mémoire, le Conseil régional de la faune sauvage de Kitikmeot exprime sa frustration devant la façon dont les ours polaires sont utilisés comme une icône de la lutte contre le changement climatique.

«C’est très frustrant pour les Inuits à voir (…) Nous n’avons pas les ressources pour contacter des acteurs de cinéma, des chanteurs et des auteurs-compositeurs qui racontent souvent ces messages et les transmettent, a-t-il expliqué. Nous savons ce que nous faisons et la science et la modélisation occidentales sont devenues trop dominantes.»

Le plan de gestion ne propose pas d’augmenter immédiatement les quotas de chasse. Il contient des dispositions pour une éducation accrue et des programmes sur la sécurité des chasseurs et des communautés face aux ours.

Il précise toutefois que les interdictions de chasse ne seraient plus automatiquement appliquées aux populations en décroissance et que «les objectifs de gestion (…) pourraient inclure la gestion des ours polaires pour une diminution».

M. Derocher ne nie pas que les rencontres potentiellement dangereuses entre humains et ours deviennent de plus en plus fréquentes. Mais d’autres scientifiques du Sud et lui insistent sur le fait que les changements climatiques réduisent la glace de mer et poussent les ours vers l’intérieur des terres.

«Ils se déplaceront vers les communautés à la recherche de nourriture. Il y a plusieurs attraits dans les communautés du Nord.»

Les endroits où des attaques ont eu lieu ne sont pas les zones avec la plus forte densité d’ours, a-t-il rappelé.

Le plan reflète le désir du Nunavut de contrôler ses propres ressources fauniques, suggère M. Derocher.

«Ils ne demandent pas aux scientifiques du Sud leurs commentaires. On semble se diriger vers une réduction de l’intervention du Sud», a-t-il dit.

M. Derocher rappelle que la capacité des Inuits à exporter des peaux d’ours polaires — ou la capacité de leurs clients chasseurs à ramener de tels articles chez eux — dépend de la confiance du reste du monde envers la gestion des animaux.

«Si l’objectif déclaré est d’avoir moins d’ours polaires, c’est peut-être le point de départ qui permettra à la gestion de l’ours polaire au Canada de faire l’objet d’un nouvel examen», a-t-il dit.

Le Canada s’est opposé à deux tentatives internationales visant à interdire le commerce de produits contenant des ours polaires.

Le conseil de gestion de la faune du territoire prendra ce qu’il entendra lors des audiences publiques et l’inclura dans un document final, qui sera soumis à l’approbation du cabinet du Nunavut.

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