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Mise à jour économique: l’industrie de la presse écrite entretient l’espoir

Adrian Wyld / La Presse Canadienne Photo: Adrian Wyld/La Presse canadienne

MONTRÉAL — L’industrie de la presse écrite espère vivement recevoir de bonnes nouvelles lors de la mise à jour économique du ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, mercredi, mais demeure dans la noirceur complète quant à d’éventuelles mesures d’aide.

«Je ne sais pas à quoi m’attendre du gouvernement à l’heure actuelle. On va avoir une surprise demain (mercredi)», a indiqué Pascale St-Onge, présidente de la Fédération nationale des communications (FNC-CSN), en entrevue avec La Presse canadienne.

«On sait qu’il devrait y avoir quelque chose dans le budget. Quant à savoir ce que c’est et si les mesures seront à la hauteur des besoins, pour moi ça reste encore un mystère, mais une chose est sûre, c’est que tout le monde est au courant qu’il y a vraiment des difficultés majeures dans l’industrie de la presse écrite et qu’il doit y avoir quelque chose pour l’aider», a-t-elle ajouté.

Vendredi dernier, La Presse canadienne révélait qu’Ottawa préparait une aide au secteur sur la base de documents obtenus par le biais de la Loi sur l’accès à l’information.

Ces documents internes indiquaient qu’un groupe de travail composé de représentants des ministères des Finances et du Patrimoine, mis sur pied à la suite du budget de février, avait pour mission «d’identifier les options permettant de résoudre les problèmes touchant le journalisme au Canada avant l’énoncé économique de l’automne».

Une note d’information datée du mois de juillet exposait les options «pour une action gouvernementale», mais ces parties du document avaient été caviardées.

Crédit d’impôt sur la masse salariale
«Clairement, de notre côté, la demande la plus pressante est un crédit d’impôt sur la masse salariale dont la valeur serait de 35%», a précisé Mme St-Onge, qui a été au front à plusieurs reprises au cours des dernières années pour demander à Ottawa d’agir.

«Pour nous c’est une mesure d’urgence qui s’impose le plus rapidement possible, le temps qu’on trouve une façon de restructurer l’industrie pour assurer la pérennité de l’information journalistique au Canada.»

La demande de crédits d’impôt, une forme d’aide horizontale qui placerait tous les médias sur un pied d’égalité, vise à garantir l’indépendance de la presse puisqu’ils ne pourraient être retirés à la pièce aux entreprises qui répondent aux critères, contrairement à l’aide verticale que représentent des subventions, beaucoup plus susceptibles d’être sensibles aux pressions politiques.

Grave crise
Le gouvernement est bien au fait de la situation précaire des médias, les documents obtenus par La Presse canadienne faisant état des tendances récentes du secteur, notamment en ce qui a trait aux recettes d’exploitation totales, qui ont chuté à 5,2G$ en 2008, puis à 3,2G$ en 2016. Seulement entre 2012 et 2016, ces recettes ont diminué de 34%.

La baisse a été causée principalement par le déplacement des revenus publicitaires des entreprises de presse écrite vers les géants du web comme Facebook et Google, qui accaparent environ 80% des activités publicitaires numériques.

Parallèlement à cette fuite de revenus, le nombre de quotidiens au Canada a chuté de 139 qu’il était en 2008 à seulement 88 en mai 2018. De même, le nombre de travailleurs dans l’industrie est passé de 36 000 à 24 000 entre 2006 et 2016 et, entre 2007 et 2017, le nombre d’emplois en journalisme a diminué de près de 6%, passant de 12 396 à 11 688.

«Déjà, si on peut aider du côté des liquidités et du côté des salaires, ça aiderait à maintenir les emplois et à préserver les entreprises médiatiques dans l’immédiat», fait valoir Pascale St-Onge.

Désuétude de l’industrie ou de l’environnement?
Outre une maigre enveloppe de 50M$ sur cinq ans dans le budget fédéral de l’hiver dernier pour soutenir le journalisme local dans les «communautés mal desservies», le gouvernement Trudeau s’est montré jusqu’ici réticent à soutenir ce que la ministre du Patrimoine à l’époque, Mélanie Joly, avait qualifié de «modèles d’affaires désuets».

Selon Pascale St-Onge, toutefois, ce n’est pas tant le modèle d’affaires qui est désuet que l’environnement dans lequel on l’oblige à évoluer.

«Oui, il y a des problèmes avec le modèle d’affaires, mais ces problèmes sont causés entre autres par la désuétude de la réglementation et des programmes existants qui aident les entreprises médiatiques, mais qui n’incluent pas la presse écrite pour toutes sortes de raisons historiques, mais qui devraient être revues en regard de ce qui se passe avec les plateformes numériques.»

Bien qu’il se fasse discret sur cette question, le gouvernement fédéral a reconnu par ses gestes que les lois et règlements entourant l’internet sont aujourd’hui complètement dépassés.

«Il y a plusieurs révisions de lois en cours présentement qui touchent les télécommunications, la radiodiffusion. C’est parce qu’ils s’aperçoivent que nos règlements et nos lois doivent être mis à niveau. Cependant, c’est un processus qui est extrêmement long», soupire la syndicaliste, qui ajoute que cette lenteur du processus législatif est l’une des raisons pour lesquelles des mesures de soutien sont requises dans l’immédiat.

Les droits d’auteur
L’une des avenues qui devront être étudiées à plus long terme est d’adapter la Loi sur les droits d’auteur à l’environnement numérique.

Une des aberrations économiques du modèle actuel se situe en effet dans la capacité des plateformes de partager à leur gré les contenus de la presse écrite sans payer un sou, tout en récoltant au passage les revenus jusque-là utilisés par les entreprises de presse pour produire les contenus en question.

«Nous avons fait des demandes pour que les plateformes qui font de l’argent grâce à la diffusion des contenus soient obligées de verser des droits d’auteur, notamment des droits d’auteur pour les éditeurs de journaux, d’information ainsi que les journalistes indépendants», précise Mme St-Onge.

Elle note que l’on pourrait «se servir des outils canadiens qu’on a déjà, comme la Commission du droit d’auteur, pour déterminer des tarifs si jamais les entreprises de presse n’arrivaient pas à négocier de gré à gré avec les grandes plateformes pour leur demander de participer».

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