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Geoff Regan ouvre les portes de son appartement

Sean Kilpatrick / La Presse Canadienne Photo: Sean Kilpatrick
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — C’est l’un des secrets les mieux gardés de l’édifice du Centre: rares sont ceux qui ont vu ce qui se cache dans la pièce 202N. Alors qu’on s’apprête à mettre la clé sous la porte du bâtiment pour une décennie, le président de la Chambre a sorti sa clé afin d’élucider le mystère.

«Je suis sorti par la porte de l’autre côté (celle du lobby du gouvernement) des centaines de fois, et je voyais cette porte, mais je n’avais jamais su ce qu’il y avait à l’arrière. On va voir», lance Geoff Regan en souriant.

La porte s’ouvre sur une minuscule pièce sobrement meublée et décorée. La seconde est tout aussi exiguë. Le président y pénètre, se dirige vers sa gauche, puis tire sur la poignée d’une unité murale. «Ceci est le lit du président», déclare-t-il en abaissant le lit escamotable.

On est loin d’une somptueuse suite présidentielle. «Tout le monde a l’impression que c’est très luxueux… comme vous le constatez, c’est plus comme un Super 8 (une chaîne d’hôtels bon marché)», rigole le locataire des lieux.

Le président de la Chambre des communes est la seule personne autorisée à dormir dans l’édifice du Centre, car il arrive que les députés siègent jusqu’aux petites heures du matin. Mais depuis son arrivée en poste, Geoff Regan a préféré un autre lit au Murphy.

C’est peut-être parce que sa première nuitée a été un peu mouvementée: en mai 2016, il s’était porté volontaire pour assurer la présidence de la dernière portion d’un débat d’urgence. Vers trois heures du matin, «un grand bruit» — celui de travaux de rénovation — l’a réveillé.

«J’ai marché en pyjama, sans souliers, sans bas, au bureau des gardes sous la tour de la Paix pour leur demander si c’était possible de faire arrêter le bruit. Ce n’était pas une bonne nuit, alors ça a pris du temps avant que j’essaie encore de dormir ici», relate-t-il.

Le président aura aussi ses quartiers dans l’édifice de l’Ouest, qui ouvrira officiellement ses portes en janvier 2019. «On sera plus coincé là-bas. Sauf la chambre, à ma connaissance, tout est plus petit», affirme M. Regan.

Le scotch du président

Difficile d’imaginer plus petit couloir que celui menant à la salle à manger, elle aussi de dimension… modeste. Dans cette pièce, un vaisselier, et dans le vaisselier, un autre secret bien gardé: le scotch du président.

«Après avoir été élu président, au début des années 2000, Peter Milliken a instauré une tradition. Il a vu qu’en Grande-Bretagne, ils avaient un scotch du président, et il a décidé d’importer la pratique au Canada», raconte Geoff Regan.

En fier Néo-Écossais, il aurait voulu qu’un produit de son terroir soit mis en valeur.

«Lorsque je suis devenu président, l’une des choses sur lesquelles j’ai insisté, c’était que le whisky single malt de Nouvelle-Écosse, le Glen Breton, soit inclus dans le test de goût à l’aveugle lors duquel les députés, lors d’une réception, choisissent le scotch», indique-t-il.

«J’espérais que ce soit le néo-écossais, évidemment, mais ils en ont choisi un autre», regrette-t-il.

Le Churchill du président

L’esprit de la province de l’Atlantique, en revanche, est bien présent dans le bureau du président.

La grande table au-dessus de laquelle est suspendu un majestueux chandelier et le bureau en bois massif ont été dessinés par l’architecte de l’édifice du Centre, John A. Pearson, à la demande d’un Néo-Écossais: Edgar Rhodes, qui a présidé les Communes de 1917 à 1922.

Il y a aussi cette toile représentant un paysage typique des Maritimes. Elle est signée par un certain «G. Regan».

Mais sans vouloir insulter l’artiste en herbe, l’oeuvre qui attire davantage l’attention est sans contredit ce portrait du premier ministre britannique Winston Churchill. Le cliché a été tiré le 30 décembre 1941 dans la pièce même où il trône aujourd’hui par le photographe Yousuf Karsh.

Geoff Regan raconte l’histoire derrière l’image avec verve, en gesticulant. À un certain moment, il se permet même une imitation du célèbre politicien britannique.

Selon le récit qu’il en fait, Winston Churchill s’est rendu dans le bureau après avoir prononcé un «discours assez célèbre» à la Chambre des communes, «probablement pour boire un verre de champagne», puis s’est allumé un cigare.

Le photographe lui a demandé de laisser tomber le cigare. Le bourru modèle a ignoré la requête.

«Karsh a trouvé son posemètre dans son sac, s’est approché de Churchill avec le posemètre comme s’il prenait des mesures de luminosité, il a dit « Excusez-moi monsieur », lui a pris le cigare, est retourné à son appareil photo, et il a pris la photo», explique Geoff Regan.

«Et ça, c’est la réaction qu’il a eue», conclut-il en pointant ce portrait de l’homme, qui regarde droit dans l’objectif, une moue accrochée au visage. La photo est «probablement devenue la plus célèbre et la plus connue au monde», soutient-il.

Et pour en faire la démonstration, le président se dirige vers son bureau, ouvre un tiroir et brandit un billet de banque de cinq livres sterling. On y voit la bouille de Winston Churchill — celle-là même qui a été immortalisée par Yousuf Karsh.

Il s’enthousiasme: «Combien de Britanniques savent que cette photo a été prise au Canada?».

Le président remet la note en polymère dans son bureau, qui le suivra dans son prochain espace de travail, avec vue sur la rue Wellington. La table aussi déménagera. Le portrait de Winston Churchill? Ce n’est pas encore certain.

Il faudra aller vérifier. Geoff Regan ne compte pas garder les lieux secrets trop longtemps. «Il nous ferait plaisir de vous faire visiter son bureau lorsqu’il sera de retour en janvier», a écrit sa directrice des communications.

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