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Des scientifiques de McGill dénoncent l’homéopathie

Ryan Remiorz / La Presse Canadienne Photo: Ryan Remiorz
Morgan Lowrie, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

Une organisation liée à l’Université McGill, dédiée à la communication scientifique et à la promotion de la pensée critique, s’attaque à un remède homéopathique populaire contre les symptômes de la grippe qu’elle qualifie de «remède de charlatan».

Dans un sondage mené le mois dernier auprès de 150 pharmacies montréalaises, le «McGill Office for Science and Society» conclut que les deux tiers de ces commerces tiennent en stock de l’Oscillococcinum. Un produit qui «ne fonctionne pas (et) ne peut pas fonctionner selon nos connaissances scientifiques», peut-on lire dans le texte publié sur le site de l’organisation.

Ce produit qui prétend réduire la durée des symptômes de la grippe coûtait 37,99 $, pour une boîte de 30 doses, dans une pharmacie Jean Coutu de Montréal mercredi.

L’Oscillococcinum est une pilule homéopathique fabriquée à partir du cœur et du foie d’un canard. Le produit est dilué jusqu’à ce qu’il ne reste aucune trace des organes, selon Jonathan Jarry, un communicateur scientifique qui a participé au sondage.

Titulaire d’une maîtrise en biologie moléculaire, M. Jarry dit avoir ciblé précisément l’Oscillococcinum, parce qu’il représente à son avis le cas le plus «flagrant» de produit homéopathique sur le marché. «Rien dans l’homéopathie n’a vraiment de sens ou de valeur scientifique, mais ce cas-ci, en raison de sa dilution si élevée, est particulièrement ridicule», a-t-il expliqué.

L’homéopathie, qui remonte à 1796, est fondée sur l’idée selon laquelle une maladie peut être soignée en ingérant une faible dose d’une substance qui déclenche les mêmes symptômes chez une personne en santé.

Contrairement à d’autres médicaments à base de plantes ou d’autres remèdes alternatifs, les défenseurs de l’homéopathie croient que plus un produit est dilué, plus il est puissant. Un principe qui «viole les lois fondamentales de la physique, de la biologie et de la chimie», dénonce Jonathan Jarry.

Le biologiste évoque des études menées à l’étranger, notamment une revue de littérature scientifique sur l’homéopathie publiée en 2015 par le Conseil australien de la santé et de la recherche médicale, qui concluait qu’«il n’existe aucun problème de santé pour lequel on retrouve une preuve fiable de l’efficacité de l’homéopathie».

Malgré tout, Boiron Canada, le fabricant d’Oscillococcinum, prétend que des médecins, des pharmaciens et des patients recommandent et utilisent ce produit depuis des décennies, car il fonctionne. L’entreprise a fourni des liens vers deux essais cliniques menés en 1989 et en 1998, qui ont démontré que les patients à qui le produit a été administré ont récupéré plus vite que ceux qui ont ingéré un placebo.

«Nous soutenons pleinement la décision (des pharmacies) de respecter le droit fondamental de chaque Canadien de choisir les produits qui répondent le mieux à leurs besoins personnels de santé, et nous continuerons à proposer des options fiables avec nos remèdes homéopathiques», a déclaré le fabricant dans un communiqué.

Jonathan Jarry prévient que les produits homéopathiques coûtent cher et qu’ils pourraient pousser des consommateurs à retarder pour de mauvaises raisons leur quête d’un véritable traitement médical. Il se demande pourquoi ces produits sont vendus par des pharmaciens québécois, dont le code de déontologie les oblige à protéger le public en leur offrant un traitement efficace.

Une porte-parole de l’Ordre des pharmaciens du Québec reconnaît que les produits homéopathiques n’ont aucune «valeur scientifique prouvée», mais elle ajoute qu’il serait difficile de les interdire, car ils sont réglementés par Santé Canada en tant que produits de santé naturels.

Julie Villeneuve affirme que certains pharmaciens gardent des produits homéopathiques en stock afin de lancer le dialogue avec leurs clients, mais elle prévient qu’ils pourraient faire l’objet de sanctions s’ils en font la promotion.

Santé Canada a approuvé environ 8500 produits homéopathiques. L’agence fédérale doit s’assurer qu’ils sont sécuritaires et qu’ils «sont étayés par des preuves scientifiques ou d’autres références», selon ce qu’indique son site web.

En 2015, Santé Canada a modifié ses exigences en matière d’étiquetage pour les produits homéopathiques contre la toux, le rhume et la grippe destinés aux enfants de 12 ans et moins. Les fabricants ne peuvent plus faire d’allégations sans preuve scientifique à l’appui.

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