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Le guide alimentaire aborde de front l’alcool

Health Minister Ginette Petitpas Taylor, right, and nutritionist Jessica Cole look over samples of some of the food groups at the unveiling of Canada's new Food Guide, Tuesday, January 22, 2019 in Montreal.THE CANADIAN PRESS/Ryan Remiorz Photo: La Presse canadienne

TORONTO — La décision fédérale d’utiliser le nouveau guide alimentaire canadien pour rappeler les risques liés à une consommation chronique d’alcool a d’abord surpris des experts en nutrition et en toxicomanie, qui se sont toutefois félicités rapidement de la position plus tranchée adoptée par Ottawa sur un enjeu qui, à leur avis, exige une stratégie concertée.

«C’était en quelque sorte l’éléphant dans la pièce», a estimé David Ma, professeur de nutrition et directeur de la chaire de recherche en santé familiale à l’Université de Guelph. «Ceux qui se penchent sur la nutrition dans le domaine du cancer se préoccupent de plus en plus des liens entre alcool, obésité et cancers. Mais l’alcool n’était pas une priorité jusqu’ici.»

En plus d’encourager une alimentation riche en fruits et légumes et en protéines autres qu’animales, la nouvelle mouture du guide alimentaire canadien présente une section consacrée à l’alcool. Dans ses «lignes directrices», on soutient que «le fardeau substantiel des maladies associées à la consommation d’alcool représente l’une des principales préoccupations de santé à l’échelon mondial».

Le guide rappelle que la consommation d’alcool à long terme est associée à un risque accru de nombreux types de cancer, notamment du foie, de la bouche, du sein, du colon et du rectum, en plus d’autres problèmes de santé graves comme l’hypertension et les maladies du foie.

On rappelle également les problèmes sociaux liés à cette consommation, ainsi que les 3100 décès et 77 000 hospitalisations liés à l’alcool en 2016.

Le guide recommande à ceux qui ne boivent pas de ne jamais commencer, et à ceux qui boivent de s’en tenir aux «Directives de consommation d’alcool à faible risque», formulées par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances. Ces directives recommandent un maximum de deux verres par jour (ou 10 par semaine) pour les femmes, et de trois verres par jour (ou 15 par semaine) pour les hommes.

L’alcool et… ses calories
Le précédent guide alimentaire canadien, publié il y a 12 ans, n’abordait pas de front la consommation chronique d’alcool: il recommandait seulement, comme le fait aussi le nouveau guide, de limiter sa consommation d’alcool à cause de la quantité élevée de calories et de sucre contenue dans les boissons alcoolisées.

Pour Dennis Long, spécialiste en toxicomanie à Toronto, il existe de meilleures raisons que le sucre et les calories pour éviter l’alcool. «Ce qui préoccupe davantage les gens, c’est le fait que l’alcool est une substance qui engendre la dépendance.» Mais tout en convenant que ceux qui ne boivent pas ne devraient jamais commencer, M. Long se demande si cette recommandation est vraiment réaliste. Il rappelle que la plupart des gens boivent de façon responsable, et il préconise plutôt la modération.

La nouvelle approche correspond à un changement plus général des objectifs du guide alimentaire canadien, qui suggère non seulement ce qu’on devrait manger, mais aussi comment il faudrait manger — idéalement avec d’autres convives. Le guide suggère aussi d’allier une saine alimentation à un niveau d’activité physique élevé chez les jeunes et les enfants. Il adopte par ailleurs un ton écologiste, en rappelant que nos choix alimentaires ont un impact sur l’environnement et l’approvisionnement alimentaire à long terme.

Catherine Paradis, analyste principale, recherche et politiques, au Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, soutient qu’il est difficile de s’attaquer aux problèmes liés à l’alcool sans un organisme de réglementation global capable de traiter une multitude de problèmes. Car contrairement au tabac, au vapotage ou au cannabis, le Canada ne dispose pas de loi sur l’alcool, ce qui rend «très difficile» de lancer une stratégie nationale sur la santé, la tarification, la publicité et l’étiquetage, estime Mme Paradis, dont l’agence a été créée par le Parlement pour le conseiller.

L’experte trouve encourageant de voir l’alcool abordé ainsi dans le nouveau guide alimentaire canadien: «le gouvernement pourrait décider de s’attaquer de manière globale à l’alcool, ce qui aura un impact significatif et durable sur la vie des Canadiens», a souhaité Mme Paradis, qui est aussi coprésidente du Partenariat en éducation postsecondaire sur les méfaits de l’alcool, qui regroupe de nombreuses universités canadiennes.

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