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Il y a 10 ans, le lock-out au Journal de Montréal

Ryan Remiorz / La Presse Canadienne Photo: Ryan Remiorz
Lia Lévesque, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — 764 jours. C’est ce qu’aura duré le lock-out au Journal de Montréal décrété il y’a 10 ans, le 24 janvier 2009. Un conflit qui allait marquer les 253 syndiqués du quotidien et l’univers des médias, parce qu’il a mis en cause des enjeux comme le travail multiplateforme et la convergence — des conditions de travail qui sont devenues réalité aujourd’hui dans bien des médias.

Durant le lock-out, le Journal de Montréal avait continué à être publié, avec l’aide de cadres, de pigistes et de l’agence interne QMI. Et le public continuait à acheter et à lire son quotidien — au grand dam des syndiqués.

«Au départ, c’était de la grande tristesse, ensuite de la colère, puis de la solidarité», s’est rappelée au cours d’une entrevue avec La Presse canadienne, mercredi, Diane Dupont, qui était trésorière du Syndicat des travailleurs de l’information du Journal de Montréal.

Pour garder le moral, maintenir la solidarité dans leurs rangs et garder leurs contacts journalistiques, les lock-outés du Journal de Montréal avaient lancé leur propre média électronique: Rue Frontenac. D’autres tenaient les piquets de grève devant le Journal.

L’employeur, de son côté, faisait valoir que ces travailleurs bénéficiaient alors des meilleures conditions de travail de l’industrie au Québec, dont des vacances payées à taux et demi.

«Le syndicat a choisi de livrer une bataille pour préserver des privilèges qui appartiennent au passé, tout en se drapant de ses plus beaux habits pour tenter de faire croire qu’il s’agit d’un débat sur la qualité de l’information, ce qui n’est aucunement le cas», avait écrit à l’époque la présidente et éditrice du Journal, Lyne Robitaille.

Malgré Rue Frontenac et du soutien dans la communauté journalistique et politique, les mois se sont écoulés, minant peu à peu le moral des syndiqués.

Un jugement dévastateur

Le syndicat s’était adressé au tribunal pour contester l’embauche de travailleurs de remplacement pendant le conflit de travail, affirmant que cela violait les dispositions antiscabs. Mais le tribunal avait conclu que comme ceux-ci ne travaillaient pas à l’intérieur de l’établissement, les dispositions antiscabs ne pouvaient s’appliquer.

Ce jugement a porté un coup fatal aux lock-outés.

«On permettait aux gens de traverser électroniquement une ligne de piquetage», s’insurge Mme Dupont.

C’est finalement le 26 février 2011 que les employés avaient accepté les dernières offres de la direction, et ce, dans une proportion de 64,1 pour cent. Et ça faisait mal: 62 employés du Journal de Montréal conservaient leur emploi; les autres se partageaient 20 millions $ en indemnités, selon les rapports de l’époque.

Mme Dupont en est restée marquée. «Il y a eu beaucoup de cicatrices chez les gens. Moi, après le lock-out, j’ai fait un burn-out carrément. Ensuite, je suis tombée malade; on m’a diagnostiqué de l’emphysème. J’ai eu plein de problèmes de santé. Je dirais que ça fait un an que je m’en suis remise vraiment de ce lock-out-là.»

Valérie Dufour y travaillait à l’époque comme journaliste. «C’est comme les deux pires années de ma vie et les deux meilleures années en même temps. J’étais constamment frustrée, en larmes des fois; on était désorienté. Mais, en même temps, ça a été un super effort de solidarité. Il y a des liens qui se sont créés, qui sont encore là aujourd’hui. Si je n’étais pas passée par là, je ne serais pas la personne que je suis aujourd’hui.»

À l’époque, certains ont critiqué la CSN — à laquelle était affilié le syndicat — pour la durée du conflit.

Mme Dufour croit effectivement que la CSN a joué un rôle dans le fait que les syndiqués ont fini par approuver la dernière offre. «La CSN nous a soutenus dès le départ. À la fin, c’était rendu un très long conflit, très coûteux pour la CSN, et ils ont décidé que le dernier deal, la dernière offre allait passer. Ils se sont arrangés pour que ça passe en assemblée.»

Claudette Carbonneau, qui était alors présidente de la CSN, a décliné la demande d’entrevue à ce sujet. Mais à l’époque, elle martelait que la CSN a toujours soutenu les membres du syndicat, jusqu’au bout, et qu’elle aurait continué à le faire. Elle affirmait que toutes les décisions avaient été prises démocratiquement, par les membres du syndicat, sans influence indue de la centrale.

Ni Québecor ni le Journal de Montréal, joints par courriel et par téléphone, n’ont souhaité donner leur version du conflit.

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